« Voilà donc venue l’heure fatidique de remplir mes obligations », déclara Maxwell Shacklebolt sur le ton d’un requiem à son meilleur ami James Potter. L’heure était venue pour lui de quitter la cabine qu’il partageait avec lui et un ou deux de leurs amis communs dans le Poudlard express pour s’acquitter de ses devoirs de préfets. Et oui, le pauvre Maxwell s’était montré si exemplaire, si responsable, si doué pour encadrer les Gryffondor qu’il portait l’insigne. Son regard de chien battu s’attarda encore un peu dans son wagon, alors qu’il songeait aux agréables minutes qu’il aurait encore pu passer à discuter avec James de leur business plan pour leurs nouveaux objets de farces et attrapes, et aux blagues de dernières minutes qu’ils auraient pu faire pendant le trajet. (Y avait-il déjà eu des petits incidents et interventions amusantes pendant le début de ce trajet ? C’est bien possible, mais qu’est-ce que cela pouvait avoir à faire avec Maxwell ?). Le garçon finit par entamer sa ronde, pour prévenir ses camarades de leur arrivée imminente, et pour expliquer aux premières années qu’il était temps de revêtir leurs robes de sorciers. Certains en profitaient pour lui poser des questions sur l’arrivée à Poudlard, auxquelles il répondait d’une voix douce et chaleureuse. L’adolescent avait beau rouler exagérément des yeux auprès de James lorsqu’il devait se rendre à une réunion de préfets ou faire de la surveillance, et se plaindre des tâches qui lui déplaisaient le plus, il devait bien avouer qu’il appréciait généralement ce rôle. Le plus pénible dans cette petite surveillance du trajet, c’était de gérer les affaires perdues des uns et des autres… Oh, ce tête en l’air de première année avait laissé tomber un Gallion à sa place, au milieu de plein d’autres affaires. C’était si tentant de le remplacer par un Gallion moqueur… En plus, tous ses autres camarades étaient déjà sortis. Oh allez, l’occasion était si belle. Personne ne lui prêterait attention avant un petit moment. Les responsables seraient occupés pour gérer la descente du train, et le récit serait bien vite oublié – et encore fallait-il que le petit ose raconter cette anecdote gênante.

Voici comment Maxwell, après avoir envoyé le petit rectifier sa tenue – sa robe de sorcier était à l’envers - remplaça subrepticement le Gallion par son homologue de farces et attrapes. Il partit ensuite inspecter le wagon voisin… et il entendit parfaitement les échanges de l’insolente petite pièce et de l’enfant confus. Après plusieurs moqueries, le petit garçon s’éloigna de ce Gallion impoli, très contrarié, puis Maxwell retourna dans le wagon pour récupérer son bien, et il rattrapa l’enfant pour lui redonner son bien, avec une sympathique parole comme « tiens, je crois que tu avais oublié ça ». Si le petit fût d’abord plein de reconnaissance pour celui qui avait récupéré son argent, il l’observa ensuite avec circonspection, se demandant ce qui avait bien pu se passer.

Ah, que c'est beau d’être préfet.

Cependant, lorsqu’il fût sorti du Poudlard Express, les traits de Maxwell se firent bien plus sérieux. Ce n’était plus le moment de jouer, au risque de provoquer des mouvements de paniques pour une arrivée qui était déjà bien délicate, entre le brouillard et les porte-aux-loin. S’il s’était volontiers amusé dans cette purée de poids avec James pendant l’été, son attitude n’était pas la même dès lors qu’il était responsable de plus jeunes sorciers. Aussi eut-il un comportement authentiquement exemplaire pendant cette sortie de train, en orientant les nouveaux venus vers le personnel de Poudlard, et en veillant à ce que ses ouailles de Gryffondor ne partent pas se perdre dans les ruelles embrumées. Il reprit même assez sévèrement deux étudiants de quatrième année qui s’étaient mis à terroriser une petite de première année en lui disant que les monstres hybrides qui vivaient dans le brouillard allaient l’attaquer et la tuer si elle prenait plus de cinquante respirations entre la sortie du train et l’arrivée à Poudlard. Enfin, d’accord, il avait presque ri en entendant ça, les premières années étaient toujours si naïves, et les deux garçons avaient raconté cela avec un ton bien exagéré, mais les premières larmes dans les yeux de l’enfant l’aura motivé à intervenir. Oh, il était bien d’accord qu’il était très amusant de profiter du brouillard pour faire des farces, mais il fallait choisir son moment et son public, c’était la base de tous les performeurs.

Lorsque tous les autres élèves furent bien partis, Maxwell tourna une dernière fois son regard vers la gare désertée. Ses yeux s’arrêtèrent sur plusieurs détails, comme s’il prenait une photographie. Ce panneau informatif qui grinçait doucement dans le vent et dans les lettres d’un blanc pourtant très clair n’étaient plus visibles, quand bien même elles avaient été l’objet de plusieurs sortilèges pour éviter cette disparition. Les publicités pour la confiserie Honeydukes qui paraissaient d’un seul coup si ternes, si glauques. Ces quelques traces de rouilles sur les poteaux, ces quelques poussières qui s’accumulaient au coin des fenêtres, comme si depuis le brouillard, plus personne ne parvenait à penser à ces futiles tâches quotidiennes. Le Poudlard Express rougeoyant s’évanouissait déjà sous les couches de gris, comme si même ce symbole ne pouvait résister bien longtemps à la morosité ambiante. Tous les sons semblaient lointains et assourdis, comme s’il se trouvait à l’intérieur d’un bocal. Maxwell se sentit envahi par un sentiment de mal-être, alors que ses pupilles ne savaient plus où se poser pour analyser ce vague omniprésent. Contrairement au jour de son escapade avec James, relativement peu de temps avant l’invasion brumeuse, Pré-au-Lard avait l’air d’une ville morte. La temporalité était brisée. Si Maxwell était autant fasciné par ce décor, c’était peut-être parce qu’il avait le sentiment qu’il voyait aujourd’hui la petite ville écossaise comme jamais il ne la reverrait à l’avenir.

« Vous pouvez y aller à votre tour, Shacklebolt, ne traînez-pas ! » lui lança un professeur, que Maxwell ne réussit cependant pas à identifier, avec cette voix distordue et cette silhouette brouillée.

Après encore quelques secondes de contemplation, Maxwell se saisit à son tour d’un Porte-au-loin, son visage emmenant avec lui quelques-uns des embruns de gravité de Pré-au-Lard.

Le préfet des Gryffondors retrouva cependant de la légèreté lorsque le moment du buffet fût arrivé, bien que son regard demeurait quelque peu préoccupé, comme si la vision de la gare figée s’était imprégnée dans sa rétine. Cela ne l’empêcha pas de mettre de l’ambiance avec quelques commentaires gentiment moqueurs sur les différents profs et le personnel de Poudlard, de chauffer ses troupes pour les compétitions de Quidditch à venir et la coupe des Quatre maisons, de faire des promesses de soirées spéciales pour les Gryffondors… Après avoir salué un peu tous les membres de sa maison, comme son rôle l’imposait, et avant de revenir vers James, Maxwell s’arrêta un instant vers Elio.

« Salut Elio ! J’espère que tu vas bien et que tu as passé une bonne fin de vacances. Tu n’as pas été trop gêné par le brouillard à l’arrivée ? Bon ! Dis-moi ! Tu as pris quelques photos de Pré-au-Lard ? C’est vraiment particulier l’arrivée des premières années et l’ambiance, il faut absolument que j’écrive un article pour le journal de l’école, c’était si singulier… Je pense faire des interviews d’élèves, pour voir comment ils ont vécu cela. D’ailleurs… J’aimerais bien en faire une avec toi si tu es d’accord, avoir ton point de vue sur cette rentrée, avec ton œil de photographe, je suis sûr que ce sera super intéressant. Si tu veux tu me dis à la fin du repas si t’es d’accord ? » avait demandé finalement Maxwell avec douceur, car Elio était si timide…

Il revint alors à sa place, auprès du meilleur des meilleurs, pour le repas, et assister au reste de la cérémonie. Comme tout le monde, il râla alors que l’annonce de la suppression des événements particuliers fût annoncée.

- Eh bien… ça craint, mais tant que je peux toujours aller chez Fred et Georges choper du matos et qu’on a de quoi emmerder les Serpentards, l’essentiel sera sauver… De toute façon, il n’y aura pas grand-chose pour nous arrêter » commenta-t-il à James. James Potter, bien sûr, pas James Barnes. Il s’amusa un peu pendant l’iiiiiinterminable répartition, comme tous les ans. Il rigola bien lorsqu’une petite, Sita, révéla une énorme araignée sous son chapeau. C’était ex-cel-lent, elle ne l’avait même pas fait exprès, mais elle avait fait de belles frayeurs à tout le monde, et c’était super marrant.

« Le niveau de dangerosité des Poufsouffle vient de passer de 0 et 0,5% avec l’arrivée de Sita et de son araignée… » commenta Maxwell, taquin sur leurs camarades jaunes… puis plus tard, il s’exclama « C’est elle ta petite cousine ? Magnolia ? »

Et il y avait tous ces étudiants transférés d’un autre établissement… Hmm… Il adressa un signe de tête à Su-Jin, avec qui sa famille avait des relations diplomatiques. Une Serpentard, mais il faudrait qu’il aille lui parler de temps à autres… Et en fait, il avait envie de le faire, il avait pas mal de curiosité pour cette jeune fille et sur ce qu’elle penserait de Poudlard. Parlant des Serpentards… Barnes n’avait pas l’air d’aller très bien, nota mentalement Maxwell.

« Psst, elle est magnifique ton araignée, je l’adore, trop cool ! » glissa-t-il à Sita lorsqu’elle passa à sa hauteur avant de rejoindre les autres blaireaux.

« Je meurs d’envie de balancer le colorant vert sur les Serpentards dès qu’on en aura l’occasion… C’est trop chiant qu’il n’ait pas marché. Peut-être qu’à l’intérieur ce sera mieux… Oh James, t’as ton emploi du temps déjà ? Faut qu’on puisse travailler ensemble… En tous cas, c’est morose cette rentrée, c’est l’occasion de mettre l’ambiance lorsqu’on sera aux dortoirs… »

Il en fallait peu pour que Maxwell rentre en conciliabule avec James… mais il avait toujours une oreille libre pour les autres Gryffondors (et… les autres tout court, d’ailleurs).

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