Le petit déjeuné avait été avalé gouluement après la douche matinale des deux nouilles en vadrouille. Sianyde sautillait sur son banc, signe d'une excitation des plus visibles, hâtive de retrouver Bastien. Si elle pouvait, elle demanderait à leur monitrice de faire équipe avec lui, ce qui serait une aubaine pour prétexter passer la journée ensemble.

A l'extérieur, le camp grouillait de monde. Un brouhaha entrecoupé d'appels, de réunions et de départ en activités. Certains exposaient le planning de la journée alors que d'autres énonçaient des consignes de sécurité.
Sa casquette enfoncée sur sa petite tête rousse, Sianyde s'approcha de Paola, leur monitrice alors que Summer laçait ses chaussures. Y avait des trucs qu'elle aimait faire à la main, expliquant que la magie dénaturait parfois le manuel.

« Bonjour Sianyde, as-tu trouvé ton groupe ? » - « Bonjour Paola. Bastien Barnes du cabanon huit peut-il se joindre à nous pour l'activité ? » - « Je l'inscris, mais il faudra une autre personne sinon je tire au sort. » - « Vous pouvez tirer au sort, je n'en ai pas. »

La sorcière fit un tour de magie sur ses papiers et apparemment, un nom sortit en relief.

« Très bien, Timothee sera avec vous. Rendez-vous ici dans dix minutes. Je sifflerai deux fois. » Summer s'approcha de son amie « Viens on va chercher nos sacs. »

L'avantage d'être sorcier c'est qu'avec une simple besace sur le flanc ils pouvaient porter un set de camping entier, ou presque. Sur le chemin de leur dortoir, les deux filles se demandaient qui était ce Timothee et si elles l'avaient déjà vu. Summer s'arrêta alors en plein milieu de la route, suivie de Sianyde qui la regardait étonnée. La métis s'approcha d'elle sans détourner son regard et orienta, de ses mains, la tête de la Sang-Pur pour lui montrer Bastien.
Le Serpentard regardait autour de lui assez suspicieusement. Il se dirigeait discrètement derrière les cabanons en tentant de ne pas se faire remarquer, à priori. Mais c'était sans compter les yeux d'araignée de Parker.

« Qu'est ce que... » - « C'est ma question également. Viens ! »

Summer engouffra sa main dans celle de la sulfureuse pour l'emmener vers l'endroit où elles avaient vu le jeune homme.


De son côté, Durga Parvati attendait sagement que le poisson morde à l'hameçon. Elle se tenait, déjà victorieuse, sur le lambris de la cabane, à l'écart de tous les regards. Finement, elle avait réussit à attirer l'attention des deux pimbêches sur Bastien, qui se dirigeait -préoccupé- dans la direction de l'indienne, sans savoir ce qu'il l'attendait.
Dès qu'elle le vit pointer sa stature, elle lui lança un confundo qui toucha en plein dans le mille, l'hébétant pour quelques secondes. Bien assez pour mettre son plan machiavélique à exécution.
Sa main foncée attrapa le poignet du capitaine de l'équipe de Quidditch, et alors qu'elle se colla dos contre mur, elle le fit venir sur elle, profitant du déséquilibre pour faire en sorte qu'il se penche sans résister, dans son cou, tout en se retenant de part et d'autre d'elle. Parvati était vraiment ignoble et tout portait à croire, vu sa soeur, que c'était la méchanceté qui avait déformé ses traits. Elle avait une bouche trop grande, un nez crochu et pointu, des yeux trop écartés et des cheveux similaires aux poils de barbe du plus mauvais sorcier ermite. Ses sourcils épais fusionnaient avec l'implantation de sa tignasse noire au niveau des tempes et étaient trop bas pour qu'on distingue réellement ses paupières. D'aucun semblaient dire que quand elle clignait des yeux, c'était ses sourcils qui descendaient en fait. Elle était grande et mal fagotée en prime. Et en plus, elle était odieuse. Pour ne rien aider.
Ainsi, cette créature fantastique sauvage et agressive avait porté toute son attention sur le couple de la veille, se disant que même si elle n'arrivait pas à baisser le pantalon du Serpentard, au moins elle jubilerait du visage de la consanguine à l'odeur nauséabonde.

Et la scène fut de taille.

Sianyde arriva sur ses entre-faits. Parvati lui souriait, mesquine et une once dérangeante alors que l'homme reprenait ses esprits. La sulfureuse passa de la surprise à la tristesse avant de finalement s'arrêter sur la haine et l'indifférence. Dans un mouvement élégant elle releva le menton qu'elle pencha légèrement sur le côté, arqua un de ses magnifiques sourcils cuivrés. Ses jades s'étaient éteintes, ne diffusant que l'aura d'un soir d'hiver en pleine montagne, sans personne aux alentours. La souveraine de son palais de glace reprenait sa place sur son trône et la prestance dont elle fit preuve, ne laissa entrevoir que peu de choses. Il fallut qu'elle parle, qu'elle articule un mot, pour comprendre l'étendue de sa haine et de sa déception. Sa voix était basse comme un murmure et plus sifflante, à l'identique du son du serpent, dont le venin affluait au bout des crocs.

« Tss... Ynfytyn. »

Vipérine, jusqu'au bout des ongles. Elle cracha sa toxine acerbe avant de disparaître derrière l'angle, ne laissant alors que son parfum jasmin et son regard d'une colère sourde.
Trahis.
Il l'avait trahis.
Comme tous les autres.
Ses larmes ne purent même pas monter à ses yeux, comme si elle s'y attendait quelque part, ce qui était triste. Il s'était servie d'elle, comme Edmund, Charles, Alexander et tous ceux qui voulaient une poupée au lourd patrimoine.
Summer était restée quelques secondes de plus, croisant les bras en soupirant.

« Pas de bol pour toi car t'es avec nous en activité. Paola t'attends dans trois minutes au feu de camp. Tu crains Bast'. »

La métis s'enfuit aussitôt, trottinant vers son amie qui descendait vers les dortoirs des filles. Elle essaya tant bien que mal de calmer la vipère, dont le sang circulait à toute allure dans les veines mais dont les mains étaient frigorifiées.

« Attends, je pense que c'est un malentendu. » - « Dwi ddim yn poeni. » - « Waw... Il t'a vraiment énervé. » - « Je ne veux plus rien à voir avec lui. Que ce soit clair. »

Le vent Llansawel était glacial et même Summer ne pouvait le réchauffer. La rousse alla chercher ses affaires et dans des mouvements mesurés, revint vers le point de rendez-vous où elle entendit Paola siffler. Quelle plaît, la voilà coincée avec le français pour les dix prochaines heures ! Mais Timothee était là et vu la bouille de grand timide qu'il se traînait, Sianyde se dit, carnassière, qu'elle s'amuserait du spectacle. En effet, ce genre de personne était le préféré de sa meilleure amie et, comme quelques fois, peut-être qu'elle participerait à l'élagage de dignité d'un Poufsouffle esseulé. Ça lui paraissait être la meilleure activité de l'après-midi...

Paola attendit que les quatre gamins soient réunis autour d'elle, peu importait leur tête ou leur mine.

« Parfait, vous êtes à l'heure. On affronte deux équipes, mais il n'est pas question de temps il est question de jugeote ! D'abord nous partirons en randonnée dans les falaises ensuite, sur place, il va falloir vous repérer et trouver le mystère sur place. Nous pique-niquerons là-bas à midi et nous rentrerons pour seize heures. Des questions ? »

Timothee répondu d'un non fluet, Summer secoua la tête et Sianyde baissa sa casquette sur ses yeux. Qu'importe où ils allaient, si c'était assez haut peut-être pourrait-elle s'y jeter ?

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Bastard
I don't care !

La situation était très, très compliquée, en plus d’être délicate. Dans la tête de Sianyde les insultes fusaient, les questions aussi. Elle s’obsédait de cette scène affreuse où elle avait vu Bastien Barnes encadrer ce boursouf de Parvati de ses bras attirants et diablement tentants. Pourquoi ce n’était pas elle, soumise dans l’encadrement de son corps ? Pourquoi il ne s’était jamais permis de la surplomber de la sorte, comme l’avait fait Arwin par exemple, suggérant tacitement combien elle était à sa merci ? Elle retournait la scène dans tous les sens, sa tête ne sachant plus comment prendre cet affront. Et pourquoi le lendemain de leur baiser ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?

Arpentant les sentiers terreux de leurs chaussures de randonnée, les vacanciers suivirent plus ou moins mollement Paola. L’adolescente évitait de soupirer, refusant de montrer son désarrois, prête à faire payer Bastien pour cette trahison. Elle ne devait en aucun cas lui faire comprendre d’une quelconque manière, combien ça l’avait touché. Ce qu’elle ne réalisait pas, idiote qu’elle était, c’était que l’ignorance dont elle faisait preuve suffisait amplement à lui montrer qu’elle donnait énormément d’importance à cet acte malheureux. Plus que malheureux même : à ce malentendus suite au piège de l’arachnide Parvati.
Ainsi, perdue dans ses pensées, elle en sortait de temps en temps quand Bastien posait une question qu’elle devinait faussement intéressée. A quoi jouait-il ? Qu’importait ! Quand le français se rapprochait trop d’elle, persiflant son nom pour qu’elle se retourne, elle en profitait pour couper Paola et lui parler, faussant compagnie à celui qu’elle, hélas, aimait. La vipère se contentait donc de marcher devant lui, dans son short qu’elle avait magiquement raccourcis et dans son polo frôlant sa ceinture. Malgré les couleurs clairement ravilissante de cette tenue, la coupe lui allait affreusement bien. Le chaloupé du chemin escamoté balançait autant ses hanches que ses cheveux -ramenés en couette basse- dans un mouvement hypnotique.

A côté de cette scène d’une tension insoutenable où l’un essayait de gagner l’attention de l’autre, se passait un spectacle des plus hilarants si on daignait s’y laisser prendre deux minutes. En effet, Summer, la torride métis, ne cessait de mettre tous ses plans machiavéliques en action pour se jouer de Timothee et, ainsi, le pousser dans les retranchements de sa timidité maladive. Il bégayait, rougissait, trébuchait, souriait de mal-être et quand la monitrice ne les regardait pas ou était trop absorbée par son laïus sur la nature, Summer en riait. Plus elle le provoquait, plus ça le gênait et elle adorait ça cette diablesse. Riley viendrait certainement lui en toucher deux mots mais ça valait le prix à payer aux vues des fous rires étouffés qu’elle se payait.
Et quand elle en eut assez de faire fonctionner ses zygomatiques sur la plus parfaite des victimes, elle tourna le regard vers la Guerre Froide toujours en court. Un partout balle au centre, rien n’avait changé sauf peut-être l’agacement du français qui avait grandit à vu d’oeil. Il était temps pour Parker de jouer les héros, sinon tous les deux finiraient définitivement seuls et aigris. Elle attendit alors que Bastien rata une énième tentative d’approche pour monter aux côtés de son amie qu’elle fit avancer rapidement.

« Bon. C’est quand que tu vas le laisser te parler ? » chuchota-t-elle. « Plus. Jamais. » Summer haussa un sourcil, à deux doigts de l’exapération « Tu es vraiment insupportable. Tu ne le laisses même pas s’expliquer. » - « Pas la peine. Les images parlent d’elles-mêmes. Tu permets ? » dit-elle, cassante comme du verre.

Summer grogna alors que Sianyde s’éloigna pour aller regarder un buisson à baies. Elle se tourna alors vers Bastien, lui lança un regard compatissant tout en lui indiquant qu’elle n’avait pas dit son dernier mot.

Vers onze heures, ils s’arrêtèrent tous en haut de la falaise pour faire une pause. Il fallait encore qu’ils traversent un sous-bois et ils seraient arrivés sur place pour la suite des explications. Sianyde et Summer s’assirent côte à côte sur un piton rocheux loin du bord de la falaise, mais donnant une vue imprenable sur l’océan majestueux et calme. Timothee en profita pour sortir un appareil de son sac.

« Les filles euh... Je... Je peux vous prendre en photo... de dos ? » - « C’est pas gratuit tu sais. »

La rouquine posa sur son nez ses lunettes de soleil, ne prêtant aucune attention au Poufsouffle

« Ah euh je... » - « Mais j’suis sympa, je fais une exception pour cette fois. Aller, passe derrière. »

Le clin d’oeil qu’elle lui fit associé au visage presque sardonique de la belle vipère, fini de l’achever et, tremblotant, il se dépêcha -non sans trébucher- de venir prendre position. Comme si elles avaient fait ça toute leur vie chacune passa le bras sur la taille de l’autre. La métis leva deux doigts bien en l’air, faisant un signe de victoire. Et le cliché que Tim captura fut empreint d’une très belle émotion.
Emotion dont la rouquine ne profitait pas, rongée entre le besoin de le regarder, la frustration de se retenir de l’embrasser et la colère de ne pouvoir simplement se coller à lui. Peut-être pouvait-elle comme... Passer l’éponge ? Sa rancune tenace n’acceptait pas ça. En réalité, ce n’était même pas envisageable. Alors des questions revinrent comme mais pourquoi Parvati bon sang ? ou encore pourquoi pas... moi ? entrecoupé d’un pourquoi ne m’a-t-il pas appelé ? Elle l’aurait laissé s’épancher sur son corps, plonger sa tête dans son cou de lait, gémir d’approbation en sentant ses mains sur...

« Oula, tu commences à avoir chaud toi. Faudrait que tu t’abrites. » - « Quoi ? » couina-t-elle, prise en flagrant délit.

Sa meilleure amie se mit à ricaner en la taquinant. Elle était mordue, tout autant que lui.

La sorcière se leva alors que Paola indiqua qu’il était temps de repartir. La route continuait à travers la forêt à partir de maintenant. L’ombre allait être salvatrice pour la rouquine qui commençait à peiner sous le soleil incendiaire pour son teint de porcelaine. Timothee s’accapara la monitrice qui fut plus que ravie de lui répondre sur la faune et flore de la forêt et, de concert, ils se mirent à marcher plus vite, laissant le trio loin derrière eux. Summer en tête, regardait son portable négligemment, essayant de voir si cette zone brouillait encore la technologie moldue ou non.
Sianyde chercha Bastien des yeux, se demandant où il était, alors qu’elle se stoppa pour reprendre son souffle. Quand il n’était pas là elle ne pouvait empêcher son regard frénétique de désirer tomber sur lui, à tout prix. Elle n’arrivait pas vraiment à lui en vouloir... En réalité c’était étrange. En plus el...

« Ah ! »

Le choc léger lui arracha un cri de surprise alors qu’elle chutait en avant. Mais les bras puis les mains qui glissèrent sur sa taille, la retinrent plus que ce qu’il n’aurait fallut et elle se tourna, malgré elle, face à lui. Dissimulée sous sa casquette, elle sentait les émotions l’étreindre. La sulfureuse n’arrivait pas à lutter, elle était enfin dans ses bras. Bras dont elle avait rêvé toute la nuit. Le coup de vent violent ôta brusquement le couvre-chef de Sianyde qui tomba à ses pieds, la dévoilant complètement aux yeux de son aimé. Transie, elle posa les mains sur son torse, avant de lever ses grandes jades en amande vers leurs comparses, noisettes. Quelle était cette douce torture ? Cet appel primitif qui la saisissait ? Elle voulait l’embrasser. Elle y avait pensé à chaque seconde, éveillée ou endormie. Ca l’avait presque rendu folle d’anticiper leurs échanges du matin, s’enorgueillant avant l’heure de poser ses lèvres sur les siennes, pour un bonjour amoureux. Mais voilà que Parvati leur avait coupé l’herbe sous les pieds.

Par-va-ti.

A la simple évocation mentale de ce nom, une barre d’ombre vint se poser sur les yeux de la belle, annihilant tout l’amour qui pouvait se retranscrire sur son visage. De sa paume elle poussa la mâchoire de Barnes, avant de se détacher brusquement.

« Ca va. » dit-elle, froide.

La casquette à nouveau sur la tête la vipère se retourna et fut interrompue dans son mouvement par Summer, se tenant à quelques centimètres d’elle, sa baguette pointant agressivement son torse. La sorcière recula d’un pas, collant machinalement son dos au français, suspicieuse et acculée.

« Non ça ne va pas. Et ne crois pas que je vais te laisser t’en sortir comme ça. »

La main de la métis plongea vers la hanche de son amie pour lui subtiliser son arme magique et, d’un tour de doigts, la fourrer dans son sac sans fond. Perdue ! Une mine décomposée prit place sur le minois de la Sang-Pur et elle poussa un cri de surprise quand elle entendit :

« Toi pousses toi. Levicorpus ! »

Si la première partie de phrase était destinée aux réflexes que pouvait avoir le français, la seconde était dirigée tout droit vers la vipère. En trois secondes Sianyde se retrouva la tête en bas, suspendu dans les airs. Elle ne le réalisa que quand son polo jaune se retrouva sur son visage et dans un geste de panique, elle le coinça dans la ceinture de son short pour ne pas qu’il redescende. Mais c’était trop tard, on avait tout vu.

« Raah ! Traitresse ! Pose moi tout de suite ! » Montrant un sourire traduisant la victoire elle nargua : « Eeeeh non. »

Les deux adolescents se retrouvèrent face à Llansawel, dont les cheveux désiraient frôler le sol frais et dont les bras s’étaient croisés. Summer s’avança, son visage à hauteur de celui de Sianyde.

« Bon. Normalement c’est dans l’autre sens, mais pour les besoins du scénario, on peut pas faire autrement, tu m’excuseras Barnes. C’est le moment où j’emballe MJ mais comme je suis vraiment de bonne humeur, je te laisse la plus grosse part du gâteau. » - « Qu’est ce que... » - « T’occupes. Toi, espèce de merdeuse, ouvre bien tes oreilles. » Elle pointa son doigt sous le nez de Sianyde avant de se détourner à peine vers le Serpentard... « Et toi Sherlock active tes deux neurones plus souvent à l’avenir. » ...avant de faire à nouveau face à son amie « Tu vas écouter ce qu’il a te dire. » - « Certainement p...» La métis s’énerva « Non mais c’est pas une question en fait. » Elle colla ses deux mains sur ses joues et la poupée cracha, boudeuse « Je te déteste ! Et toi aussi là-bas je te déteste ! »

Elle s’agita alors en pointant son index à tour de rôle sur son ami puis son amant. A force de s’exciter de la sorte, son polo mal accroché tomba à nouveau sur son visage. Summer le lui remit d’aplomb en soupirant.
Sianyde était vraiment énervée mais elle n’avait plus cette haine froide et imprégnée de douleur. La situation, de toute façon, était tellement rocambolesque qu’elle n’était pas très sure si elle devait rire, crier, ou pleurer.

L’une se racla la gorge alors que l’autre avait absolument oublié sa présence. En effet, ostensiblement et sans s’en cacher, elle le regardait lui. Lui et lui seul dont elle se galvanisait, gourmande et rancunière. Elle se mordait la lèvre. Elle voulait le manger. L’embrasser. Passer ses mains dans son dos. Se laisser dorloter. Danser. Rire. Frémir. Et le destin se jouait d’eux car même maintenant qu’ils étaient réunis, voilà qu’ils souffraient de l’infirmité de leur relation, attisant un peu plus cette tension entre eux deux. Ils se désiraient, d’une passion si dévorante, que ça aurait fait fondre le plus vicieux de Timothee.

« T’es calmée ? » - « Jamais. Et arrête de me traiter comme une enfant. » Le visage de la métis se rapprocha du sien, l’intimidant « Alors écoute-le. Ecoute Mars. »

A ce mot, la Terre s’arrêta de tourner. Il n’y avait plus de bruit ni de vent. Les oiseaux stoppèrent leurs gazouillis et le temps se suspendit. La magnifique poupée tenta de trouver dans le sombre regard de son amie, la signification exact de ce terme, Mars.
Il était son Monde et elle était sa Déesse.
Comment avait-elle pu l’oublier ?
Définitivement calmée, la bouche entrouverte avec cette prise de conscience, Sianyde Llansawel était plus amoureuse que jamais. Toute la matinée il lui avait littéralement courut après et jusqu’au dernier moment elle l’avait repoussé sans vergogne. Elle reproduisit la même erreur que ce jour là, lors de la seconde tâche, avec Abernathy. Sauf que Bastien n’était pas partit en la laissant là.

« Pose moi. Bastien... tu peux m’aider, s’il te plaît ? » souffla-t-elle, douce et hypnotique, tendant les bras vers lui, ses cheveux voletant au vent.

Il fallait qu’il la rattrape pour ne pas qu’elle tombe la tête la première. Mais Summer se fit reine au pays des gueux et d’un coup de baguette, elle la remise quasiment droite avant d’annuler le sort. Les bras de la mignonne se posèrent sur les épaules de l’homme quand il vint la cueillir depuis les airs et ses mains, douces et fines, caressèrent sa nuque dégagée. Son front se posa contre le sien dans cette valse aérienne qui la ramenait lentement vers le sol et ses lèvres rencontrèrent alors leurs promises, sur le visage de l’homme. Elle libérait enfin toute la frustration de la matinée, savourant ce baiser limpide et passionné. Aimante, elle enroula alors ses poignets autour de son cou et colla son corps contre celui, plus anguleux de Bastien, le forçant à se pencher pour ne jamais rompre ce baiser d’amour alors qu’elle touchait enfin le sol. Summer s’était éclipsée discrètement, dans le silence le plus parfait, les laissant apprécier leurs retrouvailles. Peu farouche sur le coup Sianyde finit par explorer ses yeux de feu des siens, plus opales. Ses lippes envoûtantes murmurèrent une douce litanie :

« Prends moi en duel, Bastien et je t’écouterai. Gagne, et je te récompenserai. »

Elle était la sirène de son océan et ce qu’elle voulait par dessus-tout, c’était le faire sombrer dans l’humide abîme de son corps et de son coeur.

Son Bastien.
A elle.
Rien qu'à elle.






Déjà sienne, dans cet univers implacable, elle ne pouvait nier la façon dont son corps divin épousait celui, robuste, du soldat de bronze. L'incandescent souvenir de ses lèvres dans ce baiser plein de passion et de dévotion.
Elle lui était dévouée et lui serait jusqu'à l'éternité.
Sianyde le savait, il était devenu autant son sang que son oxygène et sans l'un ou l'autre, elle mourrait. Elle sombrerait dans la démence d'une perte et d'un abandon, qui finirait par la déchirer, comme dans une autre vie, elle aurait déchiré les veines de son poignet avec un morceau de miroir brisé.
Bastien Barnes l'avait sauvé de ce qu'elle allait devenir et, bien qu'inconsciente de cela, l'arc électrique qui percuta son corps et la poussa à l'embrasser, traduisit sans mal toute la reconnaissance qu'elle avait pour lui et l’admiration démesurée qu'elle entretenait.




Sianyde voyait dans ses yeux le reflet amoureux qu'elle avait attendu, impatiente, pendant tout ces mois. Le regard salvateur d'un homme qui épanche son affection à travers des paroles prudentes et soucieuses.

« Et si je perds ? » La belle lui sourit, ses jades pleines d'envie. « Alors tu seras à moi. Pour toute ta vie. Et je te ferai ce que je voudrais... » dit-elle, maligne.

Il planta sa main dans la sienne pour l'attirer sur la suite de leur chemin tortueux, semé d'embûches, mais qui promettait d'être exceptionnel. Et juste d'avoir ses petits doigts fins aux prises d'une paume plus large, la fit frémir.

Sianyde brûlait. Elle brûlait de désir, autant qu'elle brûlait Parvati et sa tentative désespérée de semer la discorde. Car s'il y avait une briseuse de cœurs sur cette Terre, c'était la dernière des Llansawel et personne d'autre.

---

Sianyde n'avait pas prit sa baguette de duel, seulement la plus courante. Elle lui faisait confiance et le lien qu'elle entretenait avec elle était fort. Mais le problème était que ce bout de bois appréciait moyennement les duels amicaux. Elle aimait les coups en traître, les sorts narquois, les incantations mesquines et tout ce qui pouvait nuire sous couvert. De ce fait, elle était moins efficace quand elle devait être loyale.
Psalmodiant quelques mots en gaélique quand elle s'éloignait de Bastien, la vipère encourageait en fait sa baguette à ne pas lui faire défaut. Et de là, dans sa petite tête, toute son année passa en boucle. Chaque sort qu'elle lança lors d'affrontements, déterminant qu'elle était la meilleure façon d'immobiliser autant que de surprendre Bastien dès les deux premiers sorts.
En position d'attaque, il lui extirpa un léger rire qui se voulait en fait ambitieux, vainqueur.

« Un vrai duel. Ne te soucie pas de moi, prends garde à toi plutôt ! »

Summer vaquait à ses occupations, plus loin, s'assurant que Timothee et Paola ne s'approchaient pas de là. La sorcière était tranquille de se côté là et ne faisait que rassembler ses idées pour mieux se concentrer. Elle avait quelques bottes secrètes qu'elle pouvait lancer si jamais il la prenait de court. L'important c'était qu'elle ne se fasse pas désarmer.
Vraiment.
Sa voix claire et déterminée résonna dans la clairière.

« Assurdiato ! »

Brouiller les sens, elle adorait faire ça. Déposséder quelqu'un de sa vue, son ouïe ou encore sa dimension physique. Lui faire perdre les pédales, le faire dériver à travers ses propres pensées... Sianyde attaqua la première, choisissant le moment opportun d'une des innombrables tensions qu'il y avait entre eux, pour s'exécuter.

Bastien était rusé et même si elle avait été particulièrement rapide, son manque d’efficacité était palpable. Sianyde jouait gros avec ce duel. C’était une prise de risques des plus dramatiques car si elle perdait, alors il ne la tiendrait jamais en respect de la femme qu’elle était. Il la considèrerait comme une moins que rien, ce qu’elle lui avait montré par ses échecs, après tout.
L’absorption du sort par le Protego la fit râler entre ses dents, ses yeux ne quittant pas le sorcier comme pour mieux assimiler ses faiblesses. Elle voulait percer sa défense, aller au-delà du visible.

Mais le français la prit de court. A peine eut-elle l’idée de lui asséner une seconde incantation qu’elle fut envahit par une épaisse brume blanchâtre qui monta doucement autour d’eux. Il fallait qu’elle se ressaisisse, le fourbe profitait de l’environnement direct pour mettre une distance raisonnable entre eux et, ainsi, tirer partie de la situation plus facilement. Mais il était hors de question qu’elle se laissa faire.

Et s’il voulait jouer les fantômes de la brume, alors elle lui rendrait la pareille.

Adroitement, insufflant à sa baguette l’énergie nécessaire, elle profita de voir encore sa magnifique cible -à qui elle voulait faire autre chose que lancer des sorts- pour souffler un Confundo cherchant à le destabiliser.
Sans pouvoir voir si son sort toucha sa cible, elle prit immédiatement les devants et on pouvait entendre le souffle d’un :

« Désillusion. » suivit d’un rire cristallin qui aurait pu être assimilé à une petite fée.

Sianyde était terrible. Elle jouait le jeu jusqu’au bout, pleine de malice. En réalité, elle s’amusait comme jamais. Bastien était un compétiteur de choix et elle se sentait honorée d’avoir affaire à lui. Il avait accepté de la défier, non sans un léger brin d’hésitation, mais elle lui promettait un grand moment et il n’allait pas être déçu.

La vipère s’appliqua à nouveau un sort dessus qui la démultiplia quatre fois en plus de l’exemplaire original. Tous les clones s’éparpillèrent dans la brume en plus d’être invisible. Elle était désireuse de brouiller les sens du français, de le mettre à mal, de se faire plus maligne et, possiblement, prendre l’avantage. Elle avait envie de gagner, comme jamais. C’était presque une obsession cet besoin qu’elle ressentait. C’était... différent. Lié à lui, tout était différent. Elle avait envie de lui montrer, de lui prouver tant de choses, qu’il la trouve digne de lui et qu’il l’aime autant qu’elle l’aimait. Qu’il la considère au moins à sa hauteur.
Au moins... et que Merlin leur en soit témoin...

Un traquenard.
Sianyde lui avait tendu un traquenard.
Le genre de délicieux piège dans lequel Bastien pouvait s’embourber sans s’enfuir. Elle avait fait exprès de formuler certains sorts, d’en informuler d’autres et d’attirer son attention ailleurs le temps qu’elle puisse se disperser. La vipère profita de ce brouillard pour s’y perdre et tenta, tant bien que mal, de l’entourer. Elle contrôla ses clones avec difficulté dans un premier temps, mais finit par leur donner l’ordre de se placer de part et d’autres de la clairière.

Pour sa part, elle tentait de chercher du regard le sorcier qui, très certainement, avait du changer de place. Elle se fit attentive au bruit et à tous les mouvements qu’elle pouvait percevoir. Une silhouette traversa la brume et enfin elle comprit qu’il avait essayé de la prendre à revert, comme si elle ne s’était pas déplacée. Malin, mais pour le coup, c’était raté. Dans le doute, elle informula à nouveau un Désillusion pour que le modèle original ne se fasse pas prendre si jamais il tendait quelque chose de plus... subtil.  

Dans un courant d’air des plus léger, le vent balaya progressivement le brouillard. Il fallut quelques secondes pour qu’elle le vit, juste là, presque devant elle. Merlin ce qu’elle l’aimait ! Il était majestueux avec sa baguette entre les mains, à la fois étonné et conquis de ne voir personne. Si elle n’avait pas été en duel, elle aurait poussé un soupir lascif qui aurait fait céder le bouton du pantalon de Bastien. Mais il fallut qu’elle se ressaisisse rapidement.
Aucun des deux ne souhaitait perdre, la bataille était dure et le duel vraiment intéressant.

Sianyde retint son souffle quand il murmura son Revelio cependant, elle oublia qu’il était peu probable qu’il y arrive vu la quantité d’exemplaire qu’il y avait d’elle-même. Quoi que, rien n’était vraiment sûr avant d’avoir lancer le sort... Mais des fois, même le plus simple des sortilèges pouvait faire défaut.
Elle profita de cette occasion !

Devant Bastien, à quelques mètres sur la gauche, Sianyde apparut, lançant audiblement :

« Je ne suis pas là ! Confundus. »

Et puis à droite, Sianyde apparut à pour lancer, sauvage :

« Mais tu es à moi... Séduction. »

En face de lui, Sianyde apparut à nouveau pour crier :

« Tu ne m’auras pas. Expelliarmus ! »

En retrait du trio, presque dissimulée, Sianyde apparut, le visage joueur :

« Danse pour moi ! Tarantallegra Bastien. »

Et la dernière, l’originale, se laissa voir dans son dos.

« Oui. Mais moi j’ai dis assit. Jambencoton. »

Cela pouvait être considéré comme de l’acharnement ou, au contraire, comme un coup de maître et si elle était arrivée autant à le séduire, qu’à le faire tomber à genoux, nul ne doutait qu’elle enfreindrait toutes les lois divines pour s’asseoir sur son bassin, comme cette fois-là, dans leur salle. Celle où elle l’avait assis pour mieux l’attirer.

« Alors, déçu ? » dit-elle en faisant disparaître ses congénères illusoires.

Qu’importe si tous les sorts touchaient ou pas, il avait perdu.
Il était à elle.
Pour l’Eternité.