Lorsque j’ai reçu la lettre de Caesar, j’étais en train de penser à lui. C’est comme s’il l’avait su et qu’il avait profité de l’occasion pour m’écrire et m’inviter à aller au cinéma. J’ai un peu hésité à répondre en lisant le tous les deux. C’est pas que je voulais pas le voir, c’est juste que depuis notre discussion à la bibliothèque, on ne s’est jamais retrouvé que tous les deux. Généralement, y a toujours des idiots pas loin ou ses deux potes - tout autant idiots - qui ne m’apprécient pas et que je n’apprécie pas non plus de toute façon. Ils me regardent toujours comme si j’allais me mettre à bouffer Caesar d’un seul coup. Je ne vais pas le tuer hein, c’est quoi cette manie à croire ça ?! Comme cet été au Palais avec la vieille - gnagnagna la Reine - qui n’arrêtait pas de me questionner. J’ai l’air d’un monstre peut-être ?! Non. Je suis parfait, sur tous les points et très présentable. Looser et Augustruc sont juste des gros jaloux. Ils ont peur que je leur vole Caesar. C’est moi qui devrais être jaloux. Sont dans la même maison, ils se voient tout le temps. Fin’, toute façon, depuis octobre, j’ai jamais cherché à voir Caesar en “privé”. Pas parce que je voulais pas, mais parce que je me contente de notre relation actuelle. Elle est simple. Rassurante ? Et comme Caesar a juré de ne pas me brusquer et bien… On en est là.

Anyways. Je lui ai quand même envoyé les meilleurs chocolats de Londres pour la Saint-Valentin. Je voyais plein de gens déclarer leur amour à leur crush, alors… mmh… j’ai freak out. Je voulais pas qu’il me zappe parmi sa liste d'indénombrable courtisans. Bref, j’ai aussi fini par accepter le rendez-vous, c’est le principal.

Sauf qu’un problème s’est vite présenté à moi : je connais rien du cinéma. C’est plutôt un truc banal ? Un truc de riche ? Y a un dress code ? Mes parents sont des sorciers, mes grands-parents aussi, je connais pas grand-chose des moldus. Déjà que j’ai un peu de mal à comprendre l’intérêt de regarder pendant plus de deux heures des gens jouer la comédie dans des scènes sûrement mal faites parce que les pauvres n’ont pas la magie… Du coup, j’ai profité d’avoir entraînement ce matin avec les gars pour leur poser des questions, mais la seule chose qui les intéressait, c’était de savoir avec qui j’allais en date. En date. DATE. J’ai pas essayé de creuser plus loin, no way. Franchement, je sais même pas pourquoi je me prends la tête à questionner des gens qui n’ont aucun putain d’intérêt. Je me débrouille bien mieux solo, comme d’habitude. Des cons.

Quand vient quinze heures, j’arrive quasi à l’heure - j’ai à peine cinq minutes de retard - au point de rendez-vous où m’attend Caesar. Je repasse en revue ma tenue complète, j’espère que je vais plaire à Caesar. Fin’, que ça va plaire à Caesar. J’approche de la cour et je sens déjà mes lèvres s’étirer en un sourire stupide que je peux pas retenir. Hello, je m’avance jusqu’à Caesar, m’sieur le prince ! Je sais que c’est pas son délire, mais moi je trouve que ça lui va bien, surtout quand il est aussi bien coiffé. Tu es… mmh… ok, je regrette d’avoir commencé ma phrase comme ça, parce que quand je regarde sa tenue… alors, c’est bien, il a mis des mocassins, mais… un ourson sur le t-shirt ? Un ourson avec une veste en cuir ? Really ? Il me suit du regard en plus l’animal, non ? J’ai pas sortit le costume cravate, perso, mais ça c’est moche. Bien. Non, mais après, si on met la veste par-dessus ou qu’on regarde que la tête c’est parfait. J’ai juste à le regarder lui… …. … pas trop longtemps parce qu’après j’ai les joues qui brûlent. Eum… je m’éclaircis la gorge, ça va ? Tu sais que c’est la première fois que je vais au cinéma ?! Et c’est aussi la première fois que je vais en date avec un garçon qui s’habille de façon aléatoire. Et je dis aléatoire pour être sympa.

Meh, le compliment de Caesar n’est pas très convaincant. Pourquoi est-ce qu’il hésite lorsqu’il fait mention de mon bonnet ? Je ne veux pas le vexer, mais moi au moins, je n’ai pas un ours dessiné en GROS dessus. Il est sobre, simple, beau et il tient chaud. Je suis très fier d’avoir ajouté cet accessoire à la dernière seconde. Puis il sera bien content s’il a froid et que je lui prête, je suis certain, donc je souris. Toute façon, je ne peux rien faire de plus car Caesar ne s’attendait pas du tout à ce que ce soit ma première sortie au cinéma. Oui, je suis sérieux. Mais c’est vraiment si chelou que ça…? Normalement c’est lui le gars bizarre, pas moi. C’est que… j’ai jamais eu l’occasion. Je ne sais même pas pourquoi j’essaye de me justifier. J’ai pas… de moldus dans ma famille proche. Peut-être que l’un de mes frères y est déjà allé avec des amis, mais ce n’est pas mon cas. Anyways, on s’en fiche, je souris pour garder la face et je m’accroche à Nils pour qu’on puisse transplaner tous les trois.

En arrivant dans l’une des ruelles vides de Londres, je regarde les environs - alors que Caesar prend le temps de se recoiffer. Mes sourcils se froncent, je ne comprends pas trop. C’est moche par ici, non ? Il y a plein de vieux immeubles insalubres. T’es sûr que c’est ici ? Fin c’est pauvre et dégueux quoi. Et encore, je suis sympa. Moi je pensais qu’on irait dans des quartiers un peu plus huppés. A la limite au centre-ville quoi. On marche jusqu’à un établissement que Caesar appelle un cinéma, mais que, perso, j'appellerai plutôt un hangar. Par Merlin, et après, c’est moi qu’on soupçonne de kidnapping ?

Comme je suis un Gryffondor digne de ce nom, je suis Caesar et Nils jusqu’à l’intérieur et… au final, j’ai peut-être dramatisé pour rien. L’intérieur n’est pas du tout aussi creepy que l’extérieur, il est même carrément cool ! Je ne sais pas quoi regarder, entre le velours rouge bordeaux, les néons, les affiches de film et le comptoir de friandises dont l’odeur du sucre attise ma gourmandise. Ouais, c’est chouette ! Je réponds à Caesar avec enthousiasme - oui, ça peut arriver !

Lorsqu’on entre dans une salle quasiment vide avec des rangées de fauteuils et un écran géant, Nils nous laisse vraiment que tous les deux : détail qui me donne instantanément la boule au ventre. Je l’observe s’éloigner vers le fond de la salle, un paquet de pop-corn sous les bras, alors que Caesar me presse de m’asseoir car le film va bientôt commencer. J’arrive ! Je m’installe dans un siège confortable et moelleux, les bras sur les accoudoirs. Trop cool ! Je dis à Caesar, un grand sourire aux lèvres.

L'écran s'allume et laisse place au film très, très, très lumineux. Sans transition, sans titre, sans rien du tout, des gens apparaissent à l’écran et parlent de… c’est un film sur des lunettes ? Je me tourne vers Caesar dans l’incompréhension. Je ne comprends pas l’intérêt d’une telle histoire, ni pourquoi elle me balance mille informations sur ses lunettes à 1 livre... Wait 1 livre ? Elles sont faites en quoi ses lunettes, en papier ? Je ne comprends qu’une fois que j’aperçois un homme torse nu, un parfum dans la main. Ah, c’est de la pub. Je me sens un peu con sur le coup, alors je change vite de sujet. Tu peux me passer un peu de pop-corn ? Je prends pas la peine de chuchoter, le son est au maximum et je ne suis pas du tout intéressé par ce que ces moldus racontent. S’te plaît Caesar ?

Pardon ? Qu’on me réveille, je crois que je suis en train de rêver : Caesar est en train de se foutre de moi. Carrément il explose de rire, il devient tout rouge et je vois des larmes couler au coin de ses yeux. Mes sourcils se froncent, honteux, vraiment pas du tout d’accord avec ces mots. Non, je suis pas drôle, pas malgré moi en tout cas, je refuse, ce n’est PAS drôle ! Y a que les moldus pour regarder la télévision, comment je peux savoir qu’ils passent des publicités avant un film ? C’est pourri. Sans compter que, moi, je voulais qu’il me donne du pop-corn, pas qu’il me donne le POT à pop-corn. Du coup, je ravale ma fierté qu’il piétine sans peine à base d’un intelligent, gnagna, si tu te moques Caesar, avant de repousser le pot de pop-corn. Je n’en veux plus. Surtout qu’il ne s’arrête pas de pouffer !

Heureusement pour moi, le film commence et il se tait enfin. Presque. Je me tourne vers lui pour lancer un regard noir, mais je finis par céder et je me sens sourire. Quel naze. Je suis drôle…? Non, mais n’importe quoi… BREF, c’est bon. Passons à autre chose. Ça y est, le défilé des logos se termine et de vrais acteurs apparaissent à l’écran. Le vif du sujet est entamé dès les premières minutes et je me prends au jeu. Même si je ne l’avouerai jamais à Caesar, je retire ce que j’ai dit, les moldus ne sont pas si nuls que ça en matière de film. Puis l’écran est géant, le son est si fort qu’il fait parfois vibrer le sol, l’immersion est totale ! Je suis obnubilé par l’histoire qui se joue devant mes yeux. Je réponds aux commentaires de Caesar, j’en rajoute en le contredisant, ça m’arrive même de décrire ce que je vois, mais en même temps, je me crois vraiment dans une jungle et dans des souterrains. Mais, je ne prends toujours pas la peine de chuchoter, comment tu fais pour tout deviner ?! Il m’a caché des talents de divination, ce n’est pas possible autrement. Ou alors, il a déjà vu le film et il me fait croire que non pour m’impressionner ? Bah. Ça fonctionne.

… Jusqu’à ce qu’il pousse un cri ridicule. Ok, j’ai sursauté aussi, elle est morte ?! Comment est-ce qu’ils ont fait pour rendre la mort si réaliste ? Je vois le sang dégouliner sur les vêtements de la fille et son visage se déformer par la douleur. Quand j’entends Caesar s’excuser, je prends soudain conscience de sa main qui s’était agrippée à mon bras et qui vient de me relâcher. Je souris, gêné, non… c’est pas grave… je veux- bref, je me tourne vers l’écran, le cœur battant à tout rompre. Le film m’a peut-être un peu fait oublier que j’étais seul avec Caesar. J’essaye de me reconcentrer sur le film, les protagonistes sont toujours en train de fuir d’un danger et n’ont pas eu le temps de faire leur deuil, et je change de position dans le siège en me collant à l’accoudoir. Juste parce que je suis plus à l’aise. Pas parce que dans cette position ma jambe et mon épaule sont à quelques centimètres à peine de Caesar.

C’est gênant. Je n’arrête pas de penser à ça. Je ne vois plus que l'espace qui nous sépare. C’est frustrant. On ne parle même plus. Mon ventre me chatouille. Mon rythme cardiaque s’intensifie. Mes joues se réchauffent. Ça pourrait être le film qui me fait cet effet, sauf que je sais que c’est Caesar qui me fait ressentir tout ça. J’avais oublié à quel point ça pouvait être agréable de n’être qu’avec lui. Sur le moment, j’oublie même les raisons qui m'incitent à garder mes distances avec lui et je ne pense qu’à les diminuer. Est-ce que… cette fois je chuchote, mais… je ne sais pas quoi dire, je cherche juste une excuse. Je réutilise le pop-corn ? Je vois le pot tenir entre ses jambes. Non, rien… j’ai chaud dans mon pull. Je prends l’initiative de me servir, m’obligeant à me rapprocher de Caesar. Mes jambes s’orientent vers les siennes et quand mon dos retrouve de nouveau le siège, j’en profite pour coller mon épaule à la sienne. Je fais mine de rien et avale le pop-corn froid et salé. J’ai l’impression que ça fait une éternité que je ne me suis pas senti aussi serein. Je crois que la dernière fois remonte à la première soirée que j’ai passée au Palais. Alors, je me laisse aller. Je m’enfonce doucement dans le fauteuil, jusqu’à pouvoir poser ma joue contre l’épaule de Caesar, le regard rivé vers l’écran. Je suis bien, là. Si j’étais à leur place, je parle des personnages dans le film, je serais mort dès le début ! Ou je me serais suicidé d’avance, je ne pourrais pas m’infliger un milieu aussi hostile que la jungle.  No way. En tombant dans un piège ou en me faisant attaquer par une araignée géante et dégueu. Je reprends la conversation avec un peu d’humour pour essayer de rendre la situation naturelle… sauf que je sens ma joue me brûler et mon cœur s’emballer dans ma poitrine. Ou… tu m’aurais sauvé ? Je demande un sourire moqueur au coin des lèvres.

Tout se passe bien… pas vrai ? Nous sommes tous les deux, dans l’obscurité, devant un film divertissant. Il n’y a pas ses idiots d’amis, ni les autres élèves de Poudlard. Ils ne sont pas là pour nous déranger, nous dévisager ou me voler Caesar ! Il n’y a que Nils pour nous espionner depuis le fond de la salle. Je souris, on discute comme si de rien n’était. Comme si c’était quelque chose de normal que je sois si proche de lui. Je pense que c’est l’impression qu’on doit donner d’un point de vue extérieur, sauf qu' intérieurement, je suis en totale ébullition. Entre les papillons dans mon ventre, les fourmis au bout de mes doigts et mes joues qui me brûlent… Tu essaierais ? C’est TOUT ?! Je m’exclame, les yeux à peine levés vers lui - deux personnes loin devant nous se retournent pour nous demander de nous taire -  je suis outré par si peu de conviction de la part de Caesar. Tu me laisserais mourir quoi ! Je réponds, vexé. Sa joue se pose contre moi, troquant cette soudaine animosité très dramatique contre un sourire. Pfff, t’as aucun instinct de survie Caesar. Que je lui réponds alors que moi-même je lui ai dit que je serais mort dès le début. Comment pourrais-je survivre sans me laver, sans me parfumer, sans me nourrir, entouré d’insectes chelous, plein de boues et d’animaux sauvages ? Je suis davantage fait pour rester dans mon confort, au chaud ou au frais, dans des vêtements ou draps doux, et des repas préparés par les elfes de maison. En fait, je mériterais un Palais, comme Caesar. Un Palais et plein de serviteurs. Y en a qui ont de la chance d’être Prince.

Ca me va si on meurt tous les deux en même temps alors... comme ça, ni lui ni moi ne pleurons comme cette fille si l’autre se fait écraser par un énorme rocher. La scène me fait ricaner, sont quand même faibles les moldus. Toutes les situations dangereuses auraient pu être évitées ou résolues à l’aide de la magie. Un simple Wingardium Leviosa et le rocher aurait lévité. Il y a tellement de scènes d’horreur et trash que j’avais oublié que l’objectif de ces élèves était de retrouver des professeurs partis en expédition. Le petit groupe d’étudiants a bien diminué et ils ne font la rencontre que d’un seul adulte, dans un sale état. Il hurle que la grotte est hantée. Lol. S’ils voyaient la gueule des fantômes de Poudlard, ils seraient moins flippés. Je dis sur un ton moqueur. Pauvres moldus. Ils sont vraiment perdus.

Mmh. Caesar mériterait que je me vexe. Sérieux, je mérite vraiment qu’on fasse juste de son mieux ? Faire de son mieux c’est nul, surtout qu’il a pas l’air convaincu par lui-même. Puis, connaissant un minimum Caesar, ça doit pas être incroyable. Anyways. Ouaip. Ça va qu’on ne mettra jamais les pieds dans une grotte. De toute façon, l’histoire est actée : si dans le futur on se retrouve coincé au beau milieu de la jungle, on sautera tous les deux du haut d’une cascade. Mais d’une belle cascade hein ! Comme ça, on s’évitera une mort bidon comme ces moldus qui sont faibles ET vulnérables. Perso, je vois aucune différence entre ces deux mots. Mmh. Si tu le dis. Qu’il reste dans son déni, pas mon souci ! Puis je lui accorde au moins que, finalement, les moldus font des bons films.

Je me recentre d’ailleurs sur celui qu’on est en train de regarder. Je suis toujours confortablement installé contre l’épaule de Caesar. L’adrénaline commence à redescendre. Je me sens de plus en plus détendu. Je pourrais rester là des heures. Je ris à la réflexion faite par Caesar. Il a de la chance que son style vestimentaire ne gâche rien. Sinon, il vivrait depuis longtemps sous terre. Mais au lieu de ça… il… anyways. Je regarde le film là.

Ou j’essaye. Les doigts de Caesar m’effleurent, me faisant immédiatement détourner le regard. Je vois sa main s’approcher lentement, se déplier pour atteindre la mienne. Ses mouvements me semblent durer une éternité. Tout tourne au ralenti, dont mon cœur qui bat plus fortement dans ma poitrine. Je sens mes doigts me brûler, ça picote, je peux presque apercevoir des étincelles jaillir de sous ma peau. Nos doigts finissent par se toucher. A peine. Dans le noir, on pourrait presque en douter, mais moi, je ne vois que ça. Ça m'obsède. Encore. Par Merlin, j’arrête pas de faire des fixettes sur Caesar. C’est inquiétant, nan ?! Je déglutis avec difficulté et me redresse doucement - j’aimerais que Caesar ait lui-même le temps de se relever sans qu’on ne se cogne - pour prendre appui sur l’accoudoir de gauche. Pour autant, j’éloigne pas ma main droite. Je me sens grave mal à l’aise, là. Comme si je prenais conscience que maintenant de tous nos rapprochements physiques.

Je mentirais si je disais que j’ai pas réfléchi à… tout ça. A nous. A tout ce dont j’étais chargé de réfléchir depuis notre conversation dans la bibliothèque où je l’ai recalé à sa place d’ami. J’y ai vraiment pensé, avec sérieux, j’ai même des réponses, mais comme il m’a foutu la paix ces derniers mois, j’ai profité de la situation. Par facilité. Caesar semblait l’accepter, j’essayais de m’en satisfaire et voilà. Pas de risque de le perdre. Pas de risque qu’il me déteste (ou plus minime). Pas de regards fixés sur nous. Pas de truc gnangnan ou chiant. Pas de : “Totor, tu me manques” ; “Viktor, t’es jamais avec moi” ; “Viktor, t’es le pire des copains, je te quitte”, comme j’ai déjà pu me prendre dans la gueule.

Je sais pas trop ce qui l’a fait se bouger d’un coup. A Caesar. Ok. Si. Peut-être que ce sont mes chocolats. J’aurais dû les envoyer un autre jour que la Saint-Valentin. Ou ne jamais les envoyer. En vrai, la période m’a peut-être réveillé aussi. Je me suis dit que si un autre mec - moins bien que moi - lui faisait une déclaration, il allait m’oublier, me remplacer et me faire disparaître de sa vie. Ce que je refuse. Je veux que Caesar pense toujours à moi. Mais, j’avoue que je ne pensais pas qu’il allait me proposer un date. Et je ne pensais pas que j’allais accepter.

Je ne sais pas non plus ce qui a changé entre nos premiers échanges - quand je voulais me faire bien voir juste parce qu’il fait partie de la famille royale en me forçant à rire à ses blagues de mec weird - à nos échanges depuis l’été dernier - où, quand je le regarde, comme maintenant, j’ai le coeur qui s’emballe. Caesar est pourtant toujours le même gars. En plus d’être un gars. C’est pas… c’est pas évident. A la base il est était pas du tout… le genre de personne pour qui je pensais que… anyways, tout ce qui va avec le fait de crusher sur quelqu’un.

Je change de nouveau de position et en profite - comme si de rien n’était - pour glisser ma main entre celle de Caesar, nos doigts entremêlés. Ok. Je manque d’air, non ? Je suis pas en crise d’asma-machin ? J’ai tellement chaud que j’ai l’impression d’être en plein été, sous quarante degrés. Non. Cinquante. Caesar, je me rapproche, la joue collée au sofa. Viens, je l’attire vers moi pour qu’on soit assez bas pour ne plus être vu par Nils et assez proche pour chuchoter sans être entendu. Ça faisait longtemps que je n’avais pas été si proche de Caesar. Ça me perturbe, j’ai du mal à rester focalisé sur ses pupilles. Tout le reste me déconcentre. Et si on restait là, toute la journée ? On regarde des films en boucle, on reste caché dans le noir. Que tous les deux, sans personne autour - si ce n’est toujours la baby-sitter de service. Ou on profite du noir pour s’enfuir ! Again. On donne des vacances à la nounou pendant un après-midi - comme si surveiller quelqu’un d’aussi sérieux que Caesar n’était pas déjà des vacances. Faut pas me remercier. Je souris, un peu tant bien que mal, alors que ma poigne se referme davantage sur celle de Caesar.

Mon visage s’illumine. Caesar a choisi ce qui me paraît être la meilleure des décisions ! Et surtout, la plus excitante. Ok, on y va ! Le film attendra. Il y a plus important et plus intéressant. Comme passer encore plus de moment en seul à seul avec Caesar. Je lâche sa main pour me glisser jusqu’au pied du fauteuil où j’enfile mon manteau et mon bonnet le plus discrètement possible. En prenant garde à ne pas trop hausser la voix, j’essaie d’expliquer mon plan : se faufiler entre les rangées tout en restant accroupis et rejoindre la porte de secours qui est à proximité de l’écran, mais à l’opposé de Nils.

On fait le chemin, quasiment à quatre pattes, sans un bruit, avec le stress d’être repéré par la baby-sitter. Arrivés à destination, on ouvre la porte de secours qui révèle instantanément notre position à Nils ; la faute à la lumière extérieure s'infiltrant dans la salle pour afficher nos silhouettes coupables. Merde, cours Caesar ! Je récupère sa main dans la mienne et on se relève pour fuir à toutes jambes dans les rues de Londres. Vite, vite ! Je dis en riant, le froid et la course colorant déjà mes joues.

Mais je sais que l’asthme de Caesar ne facilite pas notre course poursuite. J’essaye de prendre en compte le truc en nous mêlant à des groupes de moldus. Ça nous permet de ralentir, mais le temps est compté. J’ose même pas regarder derrière nous, je préfère rester focalisé sur notre fuite et penser à l’après-midi qui nous attend si on arrive à échapper à Nils.

Quand j’aperçois une station de métro - Angel Station - je nous pousse à l’intérieur. Ça va ? Je demande à Caesar, la respiration courte. Je suppose qu’il va devoir prendre son médicament, alors, pendant qu’il reprend son souffle, je m’approche d’un plan de lignes. Mmmh… par Merlin. Je jette un rapide coup d'œil vers Caesar. Faut pas qu’il capte que je suis complètement perdu. A chaque fois que je traîne avec lui, j’ai l’impression d’être un putain de vieux ou d’être né la veille - au choix. Raaah. J’ai jamais pris le métro, moi. Puis je suis pas de Londres hein, je connais pas grand-chose à part nos monuments historiques. Même le Chemin de Traverse je serais incapable de le situer, on y va par cheminée. Je suis assisté h24 quand je suis chez moi en fait.

Du coup, je cherche un peu d’aide. Pas auprès des moldus - no way - mais je finis par trouver des prospectus : “10 visites incontournables à Londres”, “Les nouvelles royales : Buckingham Palace”, ‘“Quartiers de Londres incontournables pour le shopping”. Je récupère le dernier, jusqu’à trouver un nom de quartier et un nom de station de métro. Caesar ! Je reviens vers lui en prenant soin de cacher la feuille dans ma poche. Tu veux aller à… Oxford Street ? Ma mère m’a donné des livres à dépenser. Je sais pas combien j’ai à disposition, je lui ai même pas expliqué pourquoi j’en avais besoin, je lui ai juste demandé de me changer des gallions en livres. On peut y aller en s’arrêtant à euh… la station bond street. Ça se voit que je sais pas ce que je raconte ?

J’écoute les indications de Caesar en essayant de ne pas paraître complètement pommé. La ligne Victoria ? Really ? C’est quoi ça ? Ah ouais, Oxford Circus. J’arrive pas à croire qu’il sorte ces informations de mémoire alors qu’il n’est même pas anglais tandis que de mon côté, je ne comprends rien même avec un flyer et un plan devant les yeux. Comme demandé, je patiente mais des moldus me bousculent. Je les regarde entrer et sortir de la station, avec une mine dégoûtée. Je suis un sorcier, pas un fantôme hein. Je suis en plein milieu, comment font-ils pour me rater ? Déjà, peut-être que s’ils levaient les yeux de leur téléphone...

Pfff. C’est vraiment le défilé des pauvres ici. Si mes parents me voyaient ici… pire, si mes frères venaient à apprendre que je suis monté dans le métro… ils se foutraient bien de moi. Encore plus s’ils me remarquaient sourire en retrouvant Caesar. Merci ! Je récupère un ticket que je galère à faire entrer dans la machine. Je manque de me prendre la porte qui ne veut pas bouger lorsque j’approche parce que j’ai pas récupéré ledit ticket et je rejoins enfin le véritable côté obscur du métro. Plus on descend les escaliers, plus une odeur de plastique brûlé vient me piquer les narines. Personne ne s’étouffe, personne ne se plaint ici ? J’avais oublié à quel point les moldus détestaient respirer de l’air pur. Ce sera sûrement pareil à Oxford Street. Merlin, accorde moi ta pitié et ne fais jamais de moi un moldu et un pauvre.

Tu te moques de moi ? Je demande, désespéré. Je sais pas ce qui est pire entre ça ou l’avion. Je râle en fait. Faut dire que je suis pas à l’aise : des moldus m’écrasent à moitié contre une porte vitrée qui peut s’ouvrir à tout moment pour m’éjecter sur les rails ! Je note que les moldus ont aussi aucun instinct de survie. Pour ça que Caesar ne peut pas me sauver. Collé à moi, je vois du coin de l'œil qu’il n’arrête pas de sourire. Je sens son regard posé sur moi. Eum… c’était plus facile quand on était dans le noir. Non, je ne sais pas trop… J’ai pas trop réfléchi, j’ai juste vu que c’était une rue sympa pour le shopping et j’adore dépenser de l’argent… …Ainsi que passer du temps avec Caesar.

Libéré ! Je saute sur le quai dès lors que le wagon arrive à destination. Délivré ! La prochaine fois qu’on viendra je saurai transplaner. Je sais que Caesar n'aime pas les "transports" sorciers, mais y a pas plus rapide et efficace que ça. Je m’entraînerai pendant des jours, il ne se blessera jamais avec moi. Je lui souris et lui donne un petit coup d’épaule avant de presser le pas dans les escaliers.

On y est ! Je fais quelques pas en avant pour ne pas rester en plein milieu du chemin. Ça faisait longtemps que je n'étais pas allé au Londres moldus. Des années au moins. Alors, j’avoue que ça m’impressionne. La rue est interminable - si on peut appeler ça "rue" ? Il y a un monde fou, des voitures, des bus et des embouteillages partout. J’observe un instant les alentours avant de croiser le regard de Caesar. Te perds pas hein ! Je dis en ricanant pour ne pas avouer que c’est lui qui ne doit pas me perdre ici. Je serais incapable de retrouver la station. Je connais pas les magasins de moldus, alors… peut-être qu’on pourra squatter une librairie ou boire un chocolat après, on fait ce que tu veux Caesar. Tant qu’on reste loin du métro, des SDF et des pseudos magiciens de rue, je m’en fous.