La queue fouettant l’air, les pattes foulant le petit gravier qui parsemait l’entrée, les nouvelles effluves chatouillaient la truffe, faisant aller le museau de gauche à droite alors que les pattes engourdies parcouraient le devant de la maisonnette en un va et vient incessant, presser qu’il était de bouger après autant de minutes immobiles. La tâche ingrate de sortir les achats de la future maman incombait au seul serviteur disponible soit leur sympathique chauffeur de taxi. Le laissant grommeler dans sa barbe, le nez affiné fouillait les plantes, les contours de la porte, heureux de ne point y sentir de présence magique. Une vraie demeure moldus jusqu’au fond des fondations. Il lui faudrait peut-être faire quelques barrières de protection pour plus de sécurité, mais pour l’instant il n’y avait rien à craindre. La queue joyeuse, l’instinct calmé, l’humain perdu au milieu de l’Orion cherchait à garder contrôle pour ne pas se mettre à marquer le territoire en levant la patte comme n’importe quel cabot des basses villes. Il n’aurait plus manqué que ça pour que Léto le harcèle de blague douteuse jusqu’à la mort, peut-être même l’aurait-elle fait graver sur son épitaphe...

Un aboiement joyeux en direction de la demoiselle, l’ombre la suivit aussitôt la porte franchie, bousculant au passage l’elfe encore invisible sans même prendre le temps de s’excuser. Le museau avait flairé de nouvelles odeurs. D’abord celle du tapis d’entrée qui était plutôt confortable sous les coussinets après les bosses désagréables du siège de voitures. L’exploration prit une pose en entendant les remarques sur la demeure des embrumes. La protestation sortit entre les crocs sous la forme d’un gémissement étranglé. Il ne comprenait pas ce qu’elle avait contre Ravenplace. Il aimait bien lui le clair-obscur des pièces et des plantes. Ici tout était beaucoup trop coloré et lumineux. M’enfin, selon sa vision canine bien sûr. Il constaterait le tout lorsqu’il serait assez dégourdi pour reprendre sa forme humaine. Pour l’instant, l’exploration se poursuivait en direction de la cuisine ou visiblement quelqu’un avait pensé que leur estomac apprécierait une douceur après le voyage. En gros animal mal élevé qu’il était, les deux pattes allèrent se poser sur le comptoir, engloutissant le reste des friandises en laissant une belle trainée de bave, signature du crime, sur l’assiette de porcelaine. C’était ce qu’il y avait de dommage sous forme animal, les bouchées se terminaient beaucoup trop vite. Dandinant derrière sa belle, il la laissa s’extasier sur leur chambre pendant que la tête allait se passer par la fenêtre. Le jardin était mignon, une vraie illustration Dickens! Bien à l’abri des regards avec son épaisse végétation, il faudrait quand même élever quelques protections histoire de s’assurer de leur tranquillité. La tête se leva vers l’arrière dans une position digne d’un film d’horreur moldus, observant la beauté au ventre rond. Non, il n’avait clairement pas envie d’aller barboter. Était-ce le moment où il lui révélait qu’il n’en avait pas apporté? Qu’importe, hors de question qu’il s’y trempe la patte.

Bon bon bon bon bon, il lui fallait peut-être prendre le temps de reprendre forme humaine pour débattre avec un langage plus compréhensible que des grognements. L’intrépide fourrure alla poser le royal fessier au milieu de la pièce, fermant les yeux, cherchant à se concentrer sur l’enveloppe humaine qu’il lui fallait reprendre. Mais alors que le babillage de l’amante s’éclipsait de ses oreilles, une voix plus désagréable vint briser la quiétude de l’esprit. Les yeux amandes s’ouvrirent de nouveau, la tête se penchant devant la furie rousse qui entrait en cognant sur la porte ouverte discutant avec la silhouette dissimulée dans la salle de bain en train de se changer. Se retenant de rigoler devant la question à savoir où était Matthiew, l’animal ne réussit qu’à faire un bruit grotesque, sa longue langue rose pendant de sa bouche. Elle était bien bonne celle-là. M’enfin, jusqu’à ce que la folle aux potions ne décide de s’occuper de lui. Montrant les crocs de protestation, les fesses tentèrent de reculer avant que la poigne ne se referme dans le gras de son cou, le forçant à avancer alors que le corps opposait résistance. Non, mais pour qui elle se prenait elle! Jappement de colère en direction de la salle de bain où la précieuse prenait son temps pour se couvrir de son maillot de bain.

À L’AIDE!

La situation n’aurait pu être plus grotesque jusqu’à ce que dans un mouvement désordonné la sorcière ne pose malencontreusement le pied sur sa magnifique queue qui fouettait l’air de protestation. Aussitôt l’animal bondit, poussant un puissant gémissement. C’est que c’était fragile ces trucs-là! Échappant à la poigne surprise de la folle, l’instinct animal commanda une retraite en toute élégance.

FUIR!

L’ombre noire s’engouffra dans le corridor, heurtant au passage la petite table de l’entrée qui se secoua, faisant tomber son précieux contenu au sol dans un bruit d’éclat de verre. Tant pis pour les dommages collatéraux, il reviendrait régler son compte à la plante verte quand la folle n’y serait plus. Disparaissant sous une pluie de jappement, les pattes maladroites déguerpir vers l’avant, ne ralentissant même pas lorsqu’il vit apparaitre au bout de sa destination une tête blonde visiblement surprise de la situation. Le problème lorsqu’on était sous forme animal c’est qu’on oubliait souvent la taille réelle qu’on avait. Dans l’esprit de l’Orion, il allait s’élancer avec grâce majestueuse, glisser sous les jambes de la Wellington qui barrait le chemin et prendre l’escalier. C’était un beau plan, un plan excellant, c’était en oubliant bien sur les kilos en trop qui recouvrait le corps athlétique de l’animal qu’il était. Alors au lieu de foncer entre les jambes de la demoiselle, il bascula littéralement sur ses cuisses, les faisant chuter tous les deux sur le tapis du corridor en un bang bien sonore. Oops, la grâce avait perdu de sa beauté. Mais pas de temps à perdre! Une belle grosse léchouille bien baveuse sur la joue de la sorcière en guise d’excuse, l’animal fou se remit sur ses pattes, sautillant dans les escaliers pour retourner à la cuisine. Il y avait un comptoir derrière lequel s’abriter!

Fesse en l’air, la queue fouettant l’air, petits jappements joyeux en direction des deux dames pour voir laquelle ferait un mouvement la première. L’Orion avait déjà choisi que le chemin le plus court vers la sortie soit de passer sur le comptoir. Il était assez puissant pour sauter dessus sans devoir prendre de recul, heureusement que sa musculature svelte le suivait sous forme animale, il aurait été bien embêté sous forme de chihuahua. Wellington s’avançait la première tel un joueur de quidditch ne perdant pas son objectif premier, sourire de fausse modestie alors qu’elle lui parlait comme à une plante récalcitrante. Il avait la tête d’un bubobulbe têtue ou quoi? Oreilles plissées alors qu’un jappement protestait devant cette association loufoque. Il avait quand même plus d’élégance que ces amis à feuille tout de même.

Le jeu du chat et de la souris ou ici du chien et des deux sorcières aurait pu durer longtemps si un troisième joueur rempli de tricherie ne s’était pas incrusté dans le jeu, choisissant le bois rugissant à l’animagus jovial. Le jappement se transforma en véritable gémissement de plainte alors que la douleur paralysait les membres, forçant l’esprit à retourner dans son corps humain, les os se broyant sous la force magique qui en changeait la morphologie. Laissés haletants au sol, les iris pleins de colère se fixèrent sur la coupable.

-AYE!

Expression beaucoup moins violente que celle qui avait failli franchir les lèvres serrées d’un premier abord. Elle était timbrée ou quoi! Incapable de se redresser pour le moment, le dos alla s’appuyer contre le mur, retenant une grimace sous les muscles ankylosée par la transformation forcée et l’inconfort de la voiture.

-Il suffisait de demander!

C’était d’ailleurs son plan que de reprendre forme humaine avant d’être interrompu aussi impoliment.

-C’est ça faute aussi.

Coup de museau accusateur pointé en direction de la furieuse rousse qui s’était invitée dans leur chambre alors qu’il ne faisait qu’un tour d’exploration. Léto devait savoir pourtant que vu son âge qu’il ne maitrisait pas encore complètement les affres de la métamorphose et qu’il ne pouvait se transformer sur volonté. Le côté joueur de l’animal avait disparu en même temps que le bruit des os se brisant, laissant le bougon de service bouder ostensiblement la main tendue. Comme s’il allait pardonner aussi facilement.

-Allez-y, j’avais pas fini de faire le tour de l’endroit.

Et d’y ajouter les sortilèges adéquats. Sentant que la tête lui tournait un peu moins, la carcasse fut relevée, l’air sombre trainant ses pas vers l’entré, baguette en main histoire de s’assurer qu’ils auraient la paix.