Putain.
De.
Plan.
De.
Merde.
Qui est-ce qui se retrouve à ramer comme un connard dans une barque vermoulue ? Je ne donnerai pas la réponse, mais mes bras me font mal. La grotte autour de nous est humide et le lac qu'elle accueille est immense. Sia, en face de moi, éclaire les environs de sa baguette qui projette une vive lumière. Elle a une robe écrue qui tient par la grâce de Merlin en haut de sa poitrine. Le bas est en lambeaux, mouillé et marron de boue. Son visage est sale, ses mains aussi et ses cheveux sont emmêlés. Je vois une grande partie de ses cicatrices d'avril, là où elle a connu la douleur du feu qui lèche sa peau.

- La rive n'est plus très loin, je l'aperçois. chuchote-t-elle.

Elle me sort de mes pensées et je tourne la tête pour regarder derrière moi. Plus loin, le sable terreux se dessine et quelques instants plus tard, la barque tape sur le monticule. Je saute par dessus le rebord et la remonte quasiment complètement. La jeune fille se met à mes côtés, le nez dans les parchemins de la vieille.  

- On doit trouver plusieurs runes et des signes... Il y a aussi des fresques... C'est confus.

Je me penche au dessus de son épaule pour regarder en même temps qu'elle. Sous mes yeux sa peau est plus brune sur son épaule et tire naturellement. Je peux y discerner des trous alors que, par ailleurs, ses cellules ont essayé de s'étirer pour bâtir des ponts et recouvrir des parties manquantes. Elle a du souffrir. Énormément. Je n'ai pourtant aucune pitié, pas plus d'empathie mais, du même âge que Olive, je m'imagine elle à sa place. Et tout à coup, ça m'est insupportable.

- ...den ! Hé ! fait-elle en me bousculant et en se mettant en face de moi, contrariée Tu regardais mon décolleté ?

Le visage neutre, j'hausse les épaules.

- Non. Ta cicatrice.
- Ma... ?

Elle jette un coup d'oeil sur le côté et voit effectivement son épaule.

- Oh... En réalité, je n'y fais même plus attention. A part quand elles me fond mal, sinon j'oublie qu'elles sont là.
- Tu refuses encore d'aller à l'hôpital ?
- J'ai une médicomage qui vient à mon domicile régulièrement depuis l'accident. Elle m'a informé qu'une fois le tout complètement soigné, elle pourrait résorber l'aspect hideux de ces marques. En route.

Nous arpentons les chemins sinueux, sous terre, pendant trente bonne minutes. Ici, pas de repère de temps, de climat ou même de profondeur. Nous ne savons rien, si ce n'est qu'il faut qu'on avance encore et encore. Le boyau dans lequel on est se termine et s'ouvre sur une grande cavité. Le plafond est très haut et on entend des gouttes en tomber tantôt sur la terre, tantôt dans des flaques. Ce lieu est malsain, même moi je peux le sentir.

- D'après les plans, les prisons se trouvent au-dessus. C'est là qu'étaient enfermées Charlotte et sa sœur.

Cette fois-ci quand je me penche, je regarde bel et bien le plan.

- Apparemment on doit aller là. Sans Patronus, on passera pas. Il faut revenir en arrière et trouver un autre moyen d'entrer.
- Pourquoi ?! annonce Sianyde, choquée. J'invoquerai le mien, voilà tout.

Mon regard me trahit et elle me dit, en plissant les paupières.

- Mais... bien sûr que tu ne peux pas en faire, suis-je bête ! Tout mage noir en est incapable. Fais-moi confiance, nous passerons.

Son visage s'est transformé, comme un eureka. Nous traversons la grande grotte, évitons les endroits instables et boueux et nous engageons à nouveau dans des boyaux. Petit à petit, je sens que nous remontons. Avec un peu de chance, nous atteindrons les galeries principales rapidement. Heureusement pour nous, la grotte ne se trouve pas dans le territoire contrôlé par le Brouillard ainsi, je pourrai nous faire sortir de là en un rien de temps.

Malgré les puits de lumière creusés naturellement dans les galeries, nous ne voyons rien, nuit oblige. Je suis sceptique quand à l'issue de tout ce qu'on trouvera dans la salle de culte. D'après la jeune femme devant moi, cet endroit a servi à maintes et maintes sacrifices et il a été un point névralgique pour le rituel. Je ne comprends pas bien en quoi mais je me dis que c'est la seule piste que nous avons.

- Ici, nous avons la marche à suivre du rituel mais pas les incantations. Là, sur ce vélin, j'ai bien quelques runes mais rien de concluant. Il faut que l'on trouve le reste rapidement. Sauf que à deux, on sera incapable d'inverser le rituel.
- Si nous avons trouvé ça, alors d'autres aussi. On ne sera peut-être pas seuls quand nous rejoindrons le lieu du site.

La gamine m'écoute à moitié, comme toujours. Elle est têtue et capricieuse. Dans une autre vie, je l'aurai dévoré puis tué mais pas ici. J'ai acquis un peu plus de patience. Je crois.
Nous déclenchons des pièges malgré nous. Je la sauve plusieurs fois d'une mort imminente et puis fini par lui dire que je passe devant, vu sa capacité à ne pas savoir où mettre les pieds.

Puis la salle que nous souhaitons atteindre arrive vite. Il n'y a qu'un rideau qui nous sépare du reste et effectivement, la vieille n'a pas menti en indiquant sacrifices. Il y avait un menhir couché, où sur le dessus avait séché des couches et des couches de sang de différentes personnes. Par terre et tout autour je vois des os, des fétiches et autres grigris. Ils donnent un peu plus de sens à tout cela.
Je fais le tour de tout ce charivari qui n'a pas pu être déménagé au moment opportun. Je vois encore quelques tenture affreuses et déchirées, des bougies hautes et des espèces de fauteuils. Il y a également un masque orné d'une énorme coiffe, renversé dans un coin. Je ne touche rien, écœuré par ce qu'ils ont pu trafiquer. Je n'aime pas ce culte, je n'aime pas l'image qu'ils diffusent, ni leur pratique, je n'aime rien. Et même sans aimer, je ne veux pas en entendre parler.

J'arrache les espèces de rideaux impies qui pendent pour laisser libre la pierre libre. Ma lumière m'éclaire assez pour que je distingue les dessins sur les murs. Il y a beaucoup de choses qui concordent à ce qu'on sait déjà.

- Saya, regarde ici.

J'entend les pas arriver et son nez se planter sur les runes.

- Ah ! Un rituel de sang. Vraiment il ne nous manquait plus que ça....

Elle compare ce qu'il y a sur le vélin, m'indiquant où je dois éclairer pour l'aider. Il y a des traductions qu'elle peut faire, et puis fini par entrevoir un déroulé de rituel.

- Le sang appelle la vie et la renvoi aussi. Il faut également une source de magie assez puissante pour pouvoir ouvrir la brèche... Mais je n'arrive pas à comprendre ce qu'il y a au milieu du cercle. Les runes indiquent juste un placement de ce que je vois...
- Elles ne signifient rien ?
- Je pense qu'elles sont l'équivalente d'un mot ou d'une idée mais je n'ai pas encore saisi le sens. La folle furieuse faisait ses sacrifices en évoquant deux runes : père, nourrir.

En effet, en regroupant les notes, les savoirs ainsi que ce qu'il se trouve actuellement ici on peut voir sur l'autel gravés
M  et  F  A partir de là, on peut essayer de travailler ensemble.

On passe un grand -et pénible- moment à échanger nos idées et faire des raccords ou, tout du moins, ce qu'on estime qui peut être raccordé. Je ne suis pas sûre d'être d'une grande aide, mais la petite m'encourage à continuer. Elle ne se soucie ni de mon air placide, ni de mon regard toisant. Il n'y a rien qui la déstabilise quand son cerveau fulmine d'idées et potentiellement de solutions. Je la vois griffonner plusieurs runes, les mettre en commun, les barrer puis se prendre la tête en s'asseyant sur une souche déracinée. Elle passe quelques secondes comme ça avant de se redresser d'un coup. Je tente de lui parler pour, à mon tour, l'encourager.

- T'es pas loin du but, Saya. Il ne manque qu'un détail. Je suis pas capable de te l'apporter, je suis trop bête, mais toi tu peux. dis-je en m'approchant d'elle.
- Mais je ne comprends pas pourquoi je n'y arrive pas. Je pensais avoir compris la légende et la... façon de lire tout ça et là je vois que non. Je m'insupporte je... rrrr !!!. rage-t-elle.
- Les moldus ils appellent ça résoudre des problèmes. On te raconte une histoire et à la fin faut que tu calcules des trucs pour connaître un résultat. Mais ça s'applique à plein de choses. C'est pas facile.

Il y a un moment de silence. Je la sens réfléchir encore. Elle regarde inlassablement ce papier comme si elle allait trouver la solution miracle quand elle finit, après plusieurs secondes, par se lever, les bras le long du corps. Elle me regarde.

- Hayden ! La voilà la solution ! C'est toi qui l'a trouvé ! sourit-elle.
- Quoi ?
- Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ?! Ce n'est pas un problème au contraire, c'est un calcul ! Et ça tombe bien, je suis bonne Arithmancienne ! Mais pas autant que le professeur Humphrey je dois l'admettre...
- Humphrey, la coincée de Poudlard ?
- Non ! L'élégante dame et si tu avais ne serait-ce qu'une once de son intelligence, on serait sortit d'ici depuis longtemps. Alors ne parle plus jamais d'elle comme ça ! Tiens moi ça.  

Je ne dis rien, ferme mes doigts sur la pile de parchemins alors qu'elle se lance dans sa nouvelle tâche.

- Deux... neuf... et un qui correspondent à ra, gu et fo.

Je continue de gribouiller ce qu'elle me dicte sur l'arrière d'un des parchemin.

- Il y a déjà fo. On l'a en trois.
- C'est parce qu'il est avec je. Un est bien sa position initiale.
- Da.

On a passé la nuit à décrypter ces hiéroglyphes sur les murs. Il est cinq heures du matin quand je me retrouve à ramer à nouveau sur cette barque pourrie. L'entrée du lieu touristique moldu a été scellée mais Sianyde a pu repéré d'autres cavités qui ont mené directement au lieu de notre mission. La salle de rituel a été pleine de trésor et ce que nous n'avons pas traduit, a été correctement ratifié. Sianyde a froid, elle tremble, alors que le clapotis de l'eau la berce.

- Il faut qu'on se repose.
- Ma maison est dans le Pays de Galles.

J'acquiesce, sans rien dire. Garde tes forces, parle plus gamine, sinon tu vas faire une syncope.
Le chemin retour est très long, nous sommes fatigués et je dois la forcer à avancer à plusieurs reprises. Le bas de sa robe est déchirée maintenant et elle a perdu une de ses deux manches. Ses cheveux ont de la boue, ses épaules de la terre et ses mains sont raides. Elle doit avoir mal, mais elle ne se plaint pourtant pas. Elle marche, inlassablement.

Et puis nous voyons enfin l'aube. Le soleil point à l'horizon, illuminant la grande île du Royaume-Uni. Je réalise un peu tard que nous sommes à côté du Sombral qui nous a emmené ici. Je fais monter la jeune femme, ne m'occupant même pas de l'endroit où je mets mes mains. Elle place ses deux jambes du même côté de la bestiole et je monte derrière elle, enfourchant la selle. Immédiatement, elle se laisse aller contre moi pendant que j'attrape les rennes.

- C'est où ?
- Llys a Chastell Tre-tŵr
- Co ?
- Direction Tretower Court and Castle. Une fois là-bas, tu me réveilles. Oublie pas le sort de dissimulation.

Je sens et j'entends, la seconde d'après, qu'elle dort contre moi. Sa petite tête vient se caller au niveau de mon épaule alors que son corps prends appuie dans le creux de mon torse. Je nous rend invisible et je met en route notre monture dans un trot modéré.

Il nous faut plus d'une heure pour rejoindre sa bicoque. Je m'étonne qu'une fille comme elle vive dans cette hutte décrépie. J'ai l'impression que le toit et les murs vont nous tomber dessus dans les minutes qui viennent. Je fais attention en passant la porte, baissant ma tête à cause de mon gabarit trop haut. Je ferme la porte, la verrouille et range ma baguette. Pour sa part, elle ordonne à la moitié des objets d'intérieur de se mettre en action : faire la cuisine, arranger le lit, chauffer l'eau de la douche...

- Je vais me laver mais si tu as faim, sers toi.

Je remarque en silence qu'il n'y a aucune porte. La salle de bain est séparée par des murs, mais il n'y a même pas un rideau qui protège une intimité apparemment inexistante. Je n'ai pas la force de parler mais l'odeur du mijotage en train de réchauffer me plaît et je fouille les placards pour trouver une vieille écuelle propre et des couverts en bois. Il faut vraiment qu'elle prenne un habitat digne de son rang, comment s'est-elle retrouvée là-dedans ?

L'espèce de ragout chaud me fait étrangement du bien au moral. Le peu de ressentit que j'ai s'apaise pour disparaître une fois mon bol terminé. Nous échangeons alors nos places. Elle mange et je me détend sous l'eau chaude.
J'entends à travers ces murs miteux et nullement isolés, Sianyde me parler.

- Je vais le faire, Hayden.
- Tu vas faire quoi ?

Je suis fatigué, ma voix est rauque, cassée. Mon timbre roule dans ma gorge et je sens des bulles d'air autour de mes cordes vocales. J'ai encore soif.

- Je vais me mettre au centre.
- Non. Hors de question.
- On n'a pas le choix, il faut que quelqu'un y aille et se sacrifie.
- Ce sera moi. Tu as une famille. Moi, personne me pleurera.

Je sors de là pour me sécher et m'habiller. J'ai pu nettoyer mes vêtements entre temps.

- Tu parles... Je suis déjà presque morte, de toute façon. Ce n'est qu'une question de jours.

Je ne réponds pas de suite, comme si mon cerveau ne comprends pas la phrase. A-t-elle parlé anglais ? Je me pose même la question. Et puis quand tout prends sens dans ma tête, je me redresse. Mon corps longiligne passe à travers l'absence de porte et je la regarde, assise à la table branlante en face de moi. Elle est déprimée. Surprise de me voir, ne s'y attendant pas, elle reprend contenance et je distingue de la détermination dans son regard. Foutaises !

- Tu peux répéter ça ?

Alors que je m'approche elle se lève de sa chaise. Je ne suis pas content de la situation et il y a des choses qu'il ne vaut mieux pas dire en ma présence. Je vois ses yeux regarder mon torse et suivre les lignes de mes tatouages. Ah oui, elle n'en sait rien de tout ça. Mais peu importe. Je ne fléchis pas.
Sianyde n'est pas du genre à dire des choses par hasard. Elle est plus bavarde que moi, mais je dois reconnaître que ce qu'elle balance n'est pas inutile. Enfin, en majeure partie.

- Mes jours sont comptés depuis avril alors je préfère périr en sauvant la cause du pays.
- C'est pour ça que t'en as rien a foutre de soigner tes cicatrices ?

Elle hausse les épaules.

- Je ne peux pas les soigner, voilà tout.

L'instinct me dit que au-delà d'être de simples brûlures, il y a autre chose. J'attrape son bras et la retourne pour bloquer son dos contre moi. Elle n'a pas sa baguette à portée et alors qu'elle tente de se défendre en me demandant ce qu'il me prends, je déchire toute sa robe d'un geste brusque. Furieuse elle sort de l'étau de mes bras, tenant son bustier et sa jupe au niveau de sa poitrine et son ventre. Mais tout le reste s'envole et tombe à terre.

Je ne sais pas cacher ma surprise. Sa hanche et une partie du bas de son dos, sont scarifiés. Des runes comme celles que l'on a trouvé, n'ont jamais cicatrisé et sont restées a vif, dans ses chairs. Alors elle se met à pleurer, tournant la tête. Immédiatement, je ressens sa peur et son désespoir. Je la pointe de mon arme.  

- Rauba Reparo

Et tout son vêtement redevient comme avant.

- Pourquoi tu m'as rien dit ?
- Parce que tu peux rien faire.
- Tu connaissais déjà des runes dans la grotte.

Je la vois se diriger vers la séparation de la chambre.

- Quand... j'étais enfermée chez eux et qu'ils ont cherché à me sacrifier partiellement... ils m'ont fait ça pendant que j'étais inconsciente. Plus tard, je les ai entendu parlé. J'ai su ce que ça signifiait et à quoi ça servait. Nourir, Père et Enfant, c'est ce qu'il y a marqué. Quand Arwin m'a récupéré, j'ai voulu voir par moi-même les effets du Brouillard. J'y suis restée pendant des heures, insensible. Je n'ai jamais perdu la raison, je n'ai jamais eu froid... j'ai développé une résistance aux rejetons. Alors avec tout ça... Oui Hayden, si il y a quelqu'un qui doit y aller, ce sera moi. Je ne suis qu'un sort d'explosion à retardement, je ne sais même pas si tu es en sécurité de rester près de moi comme ça.

Sans aucune pudeur, elle ôte sa robe et la remplace par une longue chemise de nuit à manches longues qui lui arrive aux pieds. Elle se place sous le drap ainsi que la lourde couette.

- Et ce lit gelé... C'est insupportable !

Sans un mot, je ne garde sur moi que le strict minimum et vient m'allonger à côté d'elle alors que dehors, il fait déjà jour.

- Viens.

Sianyde grelottait. Elle se colla contre moi qui ne ressentait actuellement plus rien.

Elle va mourir et j'le savais même pas.

J'en ai marre, marre, MARRE de cette entité de merde. Elle m'a pris Oliwia, elle va me prendre Saya et je vais rester seul. Encore. Avec mes démons comme seule compagnie et que je n'arriverai jamais à combattre. JAMAIS.
Je ne peux pas croire que les prochaines victimes seront elles deux, je ne veux pas me résoudre à abandonner, je ne veux pas laisser tomber.
J'ai bien essayé d'aller chercher ma brune mais je l'ai trouvé nulle part. Notre chez nous est complètement envahit par la brume et je n'ai pas pu y transplaner. La désartibulation instantanée de mes jambes m'a rappelé que ce n'est jamais très bon de se penser sûr d'une information. Moi j'étais sûr que la bergerie était hors d'atteinte. Or, ce n'est pas le cas.

Saya m'a soigné et est allée chercher mes jambes qui n'étaient, en réalité, pas très loin. Alors on a reprit notre Sombral et on a continué nos recherches. Pendant que j'attendais bien gentiment et assez loin, elle est allée au Ministère pour donner toutes les informations capitales que nous avons recueillit. Elle y a passé quasiment la journée du 30 septembre et l'escouade, déjà formée, fut avisée des dernières informations recueillit.

Cependant, elle égrena quelques détails par ci par là, sans jamais donner la vraie clé, celle qui permettrait d'accomplir le rituel. Ce sera à nous, par rapport à notre propre plan, d'intervenir au moment opportun. Sauf que nous avons une journée pour faire le voyage. Heureusement, grâce à l'hyppogriffe, nous pouvons survoler le pays. Contre mon torse, l'amulette de la vieille est toujours là.

- Tu as compris ?
- Oui. Monte.

Je l'aide à se hisser sur la bestiole avec qui nous avons fait connaissance la veille. Le protocole habituel des présentations réitéré puis passé, la créature déploie ses ailes et monte. Saya réfugie son visage dans ma veste. Elle est tendue et stressée. Je sens qu'elle éviter de crier de peur et qu'elle prend sur elle pour ne pas se laisser aller au malaise que la sensation de hauteur peut lui procurer. Elle s'accroche à moi de toutes ses forces, comme si sa vie en dépendait.
J'aime... vraiment... vraiment beaucoup... être indispensable. Uniquement pour mes filles. Voir leur fragilité s'agripper si fort à moi au point que je peux décider de leur sort sur l'instant...
Je frissonne de plaisir et un sourire malsain se dessine sur mon visage.

- On est... où... ?

La voix de Saya me sort de ma névrose.

- C'est presque terminé.

A ces mots, j'enclenche la descente de la créature volante pour pouvoir distinguer le cours d'eau qui passe non loin du site rituel. Quand elle pose les pattes par terre, elle ne voit pas bien où elle atterrit et manque de tomber sur le côté. Par un miracle elle se rattrape et s'envole, nous jetant cependant sur le sol. Dans un soucis de protection, j'ai lâché les rennes pour attraper la jeune femme et orienter mes épaules pour nous permettre de nous écraser uniquement sur mon dos. J'accuse le choc, le coup est violent et vu la hauteur du machin ça ne m'étonne pas que j'ai le souffle coupé. Étendu au sol, Saya s'appuie sur moi, m'empêchant encore plus de respirer, avant de se relever en s'excusant, paniquée. Comme réflexe, elle me soigne mais ça ne fait pas grand chose, avant de vérifier l'intégrité des précieux parchemins.

- Satané piaf, la prochaine fois on prendra un balais.
- Ou un Sombral. C'était bien le Sombral non ?

Je me remet sur mes pieds et m'époussette.

- Bien. On récapitule tout ce qu'on a ?
- Oui ! J'ai les runes et leur signification, j'ai le plan du rituel avec la position de chacun, j'ai le déroulé du rituel, j'ai l'incantation en double même si bon... elles ont un peu brûlé et j'ai une liste de conditions.

Je regarde autour de moi.

- L'une d'entre elle m'inquiète un peu cependant...

Je compare l'endroit autour de nous à la carte froissée que je sors de ma poche. Saya me regarde et comprend bien des choses à travers mes yeux et mes gestes. D'un sort agile je fais apparaître mon balais dont je tiens fermement le manche dans ma main.