Célébrons Yule !

pour une fois…

Tuszy ne comprend pas tout de suite mon geste. Mais je ne suis pas étonnée, il a l’habitude que les mains soient violentes. Au Jack, personne n’enseigne la tendresse. En tout cas, plus depuis que Sharon n’est plus là.

J’ai peur soudain de le brusquer. Le temps d’une seconde, couverte de son regard méfiant, je réalise que puisque telle est son habitude, je dois m’attendre à être rejetée. Contrairement à moi, il ne s’est pas laissé aller à la fête. Qu’espérai-je donc en lui offrant ce cadeau ?

Tuszy sort sa baguette de sa poche et d’un geste fait disparaître la couverture. Mes doigts palpent sottement le froid, le vide, jusqu’à ce que mon chardon me rassure. Il a tout envoyé dans la cabane.

La cabane. Je n’en ai toujours vu que l’extérieur, que j’observais depuis Poudlard comme on scrute un phare posé sur la ligne de l’horizon, lointain, inquiétant, mystérieux aussi. L’antre d’Hayden en dehors du Jack. Un lieu où il se sentait peut-être libre, peut-être hors d’atteinte quand sa porte en vieux bois se refermait sur lui. L’envie d’en découvrir l’intérieur me taraudait lorsque j’étais élève, c’est même encore un souhait auquel je pense souvent, plus ardemment que par le passé. Sans doute n’y a-t-il rien d’installé que de fonctionnel, mais je m’accroche à l’idée que si j’entrais dans cette cabane, je toucherai d’un peu plus près de quoi Hayden est fait.

Je suis bouche bée quand tout à coup un élève me heurte sans me voir. Déséquilibrée, je bascule vers l’avant tandis que mes mains s’agrippent dans un réflexe aux pans du manteau de Tuszy. Ses mains se sont posées sur moi, pour me réceptionner. Je relève la tête et mes joues et mon front chauffent.
- Pardon, j-je suis maladroite, balbutiai-je.
Je m’attends à ce qu’il nous ramène à une plus juste distance. Il est toujours rassuré quand il est loin. Pour ma part, le voir me suffit. Au lieu de cela, ses bras glissent autour de moi, le long de ma taille et sur mes épaules. Son regard qui me domine me happe comme un accio précis. Il s’empare de moi, me serre, et j’ai l’impression que je ne pourrai jamais m’échapper. J’ignore si je le souhaite, j’ai le sentiment qu’il va me dévorer.
- Hayden !

Une explosion retentit. Parmi les exclamations poussées par les élèves, une voix de femme crie une formule. Tuszy dit quelque chose, mais je ne saisis pas. L’instant d’après, je sens quelque chose de dur percuter mon dos, mon visage enfoui contre ce que je réalise être Tuszy. Un vertige plus tard, je comprends que nous avons été projetés au sol et qu’il m’a recouverte pour me protéger. A mon oreille résonne son souffle court, expiré de son corps compressé par les débris qu’il a encaissé à lui seul. Je n’ai rien, et n’ai rien senti. J’entends un murmure inquiet, qui m’appelle à rassembler mes esprits.
- Ça va, répondis-je, mais et toi ? Tu es blessé ?
Un enchantement dégage les débris. Hayden, délivré de leur poids, reste prostré au-dessus de moi jusqu’à ce qu’une sorcière aux cheveux hérissés d’un vert profond ne se précipite vers lui pour l’aider à se redresser et s’assurer que nous allions bien.
- Oui ça va, répétai-je un peu hébétée.
J’aperçois la tenancière du stand effondré elle aussi par terre, entourée d’autres personnes venues lui porter secours. J’aperçois également des adultes, visiblement des professeurs, se diriger d’un air mécontent vers un groupe d’élèves qui cherchait à se disperser, l’air coupable, les mains encore pleines des preuves de leurs fraques. Quelques heures de retenue les attendait, sans le moindre doute possible.

L’aide-soignante qui avait accouru rassure tout le monde quant à l’état de la pauvre tenancière, assommée sans autre forme de traumatisme. Il est malgré tout décidé de la transporter à l’infirmerie pour contrôler son état.

Mon attention se reporte vers Hayden qui est toujours assis sur le sol, comme moi. Ma main s’est accrochée à la sienne dans toute cette agitation et je ne la lâche pas. J’observe son visage, duquel tout indice de son emportement s’est enfui. Il est à nouveau fermé, et même je le crois, meurtri. Je déplore, sur le ton du constat, mais malgré tout – et bien évidemment – reconnaissante :
- Tu m’as encore protégée. Si ça continue, je n’aurai pas assez de ma vie entière pour te remercier.

Sans lui demander son avis, j’agite ma baguette sur les égratignures causées par les projectiles. Il aurait pu être sévèrement blessé, au dos ou à la tête. Il s’est pourtant courbé sur moi, pour m’engloutir de sa silhouette, ce qui fait que j’aurais tout au plus un ou deux petits hématomes, causés par la chute. Je m’en tire sans rien, et lui, il a tout pris.
- Parce qu’il n’y a pas que ce chalet.

Tu sais de quoi je parle. On y revient toujours.
Nous nous relevons après que j’ai terminé d’espiskkeyser Tuszy.
Peut-être que la fête est finie, après tout. J’en ai bien profité. La soirée est jeune, mais j’ai de beaux souvenirs à ramener avec moi. Pourvu que Varga ne lise jamais dedans. Je ne puis que compter sur tout ce qu’il tient pour acquis, moi qui suis d’une évidente facilité pour lui. La petite sang-de-bourbe au fond de sa poche.

Un rien de colère me pince le bout du cœur. Suffisamment pour que j’aie de l’audace.
- Tu veux qu’on s’en aille ?

Mais qui dit que si l’on part, c’est pour retourner au Jack ?