Que dois-je lui dire ? || Yudeith

Des cernes à en faire palir même son entourage -même le plus habitué à sa sale gueule, les épaules tombantes, le regard aussi vide que sa réserve d'énergie, Madd' arrêta sa journée là avant de poser son cul sur son canapé, observant tout autour de lui. La pièce était grande, faisant presque la taille de son ancien domicile, feu domicile, passé sous les flammes, désormais en cendres. Ici, c'était propre. C'était presque vide. Un canapé gigantesque dans un coin, capable d'accueillir toutes les personnes qu'il aimait -et même avec les deux têtes de cons à ses côtés, il resterait encore du tissu accueillant, quelque soit leurs formes. Une pile de livres juste à côté -déjà lues mais encore utilisables pour en envoyer un dans la face de Gaspard en prévention. Une gamelle d'eau qui n'avait pour l'instant trouvé aucun museau preneur à force de garder l'endroit secret. A force de ne pas en parler. A force de ne plus les voir. Depuis combien de temps ne les avait-il plus vus ? Le bouclé s'était tant refermé sur lui-même ces derniers temps après la décision difficile mais nécessaire pour une vie meilleure pour l'Autre, qu'il ne se rappelait plus. Il y avait eu un bref échange avec la minouche juste après l'anniversaire du putois aux yeux céruléen. Après...

Il avait besoin de voir du monde le Keith. Dans cette grande chambre vide, sans personnalité, dont il venait de finir d'arracher les dernières traces de l'arbre généalogique ridiculement représenté (bien une idée de merde de sang-pur ça), il se perdait. Il l'avait fait exprès au départ, pour ne plus penser à Lui. Pour ne plus penser tout court. Mais cela avait beaucoup trop bien marché. Au point ou la pièce actuelle, autrefois détruite, était officiellement comme neuve. Comme si personne n'y avait passé ses nerfs quelques années en arrière dessus, sur elle et sur l'entiereté du manoir O'Madden. Effacé, l'éclat de colère qui avait tout ravagé. Enfin, si l'on oubliait le reste de la maison. Assoiffées, sales de poussière et de transpiration, les boucles brunes se relevèrent finalement pour pousser la porte et se retrouver dans un tas de débris, sur un étage donnant directement sur le ciel. Enfin, si l'on préférait relever le nez. D'autre, celui présent par exemple, préférait observer le sol. Avec ses tâches brunes à l'étage, ci et là. Avec le vestige d'une flaque plus imposante si l'on se penchait par delà la rembarde détruite. Chaque passage guidait irrémédiablement ses yeux là dessus, incapable d'oublier. Incapable de les ignorer. C'était à se demander s'il serait capable d'un jour effacer cette trace du passé. D'avancer. Avec cette sensation actuelle de reculer, de regresser ? C'était risible. L'avait soif.

Les travaux manuels prenaient du temps mais occupaient son esprit au moins. L'eau y était appréciable. Pour s'hydrater, pour se nettoyer. La salle d'eau offrait déjà un bassin pour y accueillir le nouveau maître des lieux, l'accueillant en ses eaux pour le détendre des taches réalisées. Mais sitôt le moment agréable passé, c'était à nouveau le néant. Alors c'était une toute autre envie de boire qui apparaissait. Vieux démons, pas les plus redoutables, ils étaient même ceux qui étaient les plus facilement acceptés par la société après tout. Du coup, y retourner, c'était pas forcément retomber, non ? Bah, Madd' s'en battait la race en fait. Passant des vêtements chauds sur une peau encore mouillée, ajustant sa capuche sous une miriade de boucles encore trempées et reprenant doucement formes, l'irlandais disparut des ruines.

Pré-au-lard. Il avait ce côté réconfortant. Le meilleur lieu de rendez-vous pour retrouver le protégé disparu, avec toutes les conneries qu'ils y faisaient naitre, qu'ils avaient fait naitre. Avec toutes les possibles murges qu'ils avaient pu s'y prendre à coup d'alcool de mauvaise qualité. Dommage que l'affreux n'était plus à Poudlard. Retourner dans le village les week-end ne servaient plus vraiment à rien du coup. Une pensée classique aurait pu se dire que, l'école derrière lui, Gaspard serait plus facile à retrouver. Mon cul. Du coup, y avait plus vraiment de jour à respecter maintenant qu'il y allait seul, le Madd. Enfin, si. Depuis qu'il y avait croisé un p'tit chieur un vendredi, une veille de vacances, et qu'il lui avait joué un sale tour, comment dire que le Madden essayait de ne plus le recroiser. Définitivement trop bavard, sans compter les comptes que le mioche demanderait sûrement. Sans compter ce petit couac, suffisait juste que le trentenaire ait envie d'boire. Dépensant un argent nouveau, dont il avait pas mal manqué ces derniers mois jusqu'à ce que le dernier parent ne clamse en prison. C'était pas encore la folie des grandeurs chez Keith, mais il en profitait, ayant diminué sa clientèle, ayant dégagé celle avec qui l'intimité était de mise. Ne restaient désormais que de l'enquête et quelques missions. Le plus intéressant quoi. Enfin, ça dépendait. Y avait des moments intéressants avec ses clients après tout et c'était moins chiant que certaines missions à la con chez les sangs purs. Et ça remplissait ses journées en fin d'compte. C'était pas plus mal, à bien y r'penser.

Poussant la porte de la tête de sanglier sans faire gaffe à la clientèle, prêt à foncer au bar pour quémander sa choppe et juste attendre quelque chose, comme s'il n'attendait qu'une chose, que des emeraudes arrivent soudainement, Keith se débarassa d'abord de sa veste sur l'un des portes-manteaux. Il faisait une certaine chaleur dans le bar, une certaine moiteur qu'il aimait bien. Ici, malgré son côté frileux, le sweat-shirt suffisait largement. Cela fait, les pas recommencèrent, prenant le même chemin que la veille et que l'avant veille vers un des tabourets alignés -et pas squatté. Mais une conversation plus forte qu'une autre attira le regard vert éteint parmi la foule. Petite intuition ou voix beaucoup trop portante, qu'importait, las, les yeux pivotèrent dans sa marche avant d'arrêter cette dernière.

Vague arrêt du cerveau sous la vision d'une sorcière aux cheveux blonds. Battement de coeur tambourinant si fort au point que le corps entier sembla être pris d'un spasme, les yeux d'abord ronds se plissèrent sous la confusion.Qu'est-ce que...? Par sécurité, les perles sombres roulèrent sur les personnes assises à la table de ce souvenir d'un passé lointain, pourtant si présent. Des vieux. Des habitués, même. Soit absolument inoffensifs et dont la présence était hasardeuse, aux côtés de la sang-pure, soit assez perfides pour croiser le mage depuis des mois et le surveiller sans qu'ils ne s'en doutent pour... Offrir une telle scène ? La main dominante fila à l'arrière de son pantalon sous un mauvais réflexe, pour y retrouver le bois clair ami. Mais la bêtise innocente dans laquelle il se noya dans l'échange visuel rapide avec l'homme de la table l'empêcha de resserrer ses doigts sur son arme, réajustant au final son sweat, l'air de rien. Retour à la femme debout, chez qui il ne comptait pas réitérer l'action. Bribes du passé l'empêchant de manquer de tact à son encontre, les lèvres gercées s'entrouvrirent dans un questionnement silencieux. C'était quoi c'bordel ? Clignements de paupières s'ajoutant dans l'interrogation qui ne sut s'échapper de sa gorge, closant le bec de l'ex paumé des embrumes, complètement désarçonné, replongeant l'espace d'un instant le brun dans des années sombres. Mais sûrement plus claires que la dernière tout juste passée.

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Que dois-je lui dire ? || Yudeith

Les traits de Yudith, autant visibles que possible malgré la distance qui les séparait, avaient pris en maturité, rejoignant la personnalité dont il se rappelait non sans difficulté. Alors que tout ça sonnait si loin. Plus de dix années, déjà. Moins de quinze... Les neurones du bouclé tentaient de se raccrocher à quelque chose, à ne pas laisser le blanc immense né entre eux à cet instant polluer son cerveau jusqu'à en paralyser ses membres. Il ne savait pas quoi faire. Quoi dire. C'était bloqué de partout. Le cerveau semblait avoir dijoncté sous l'information incongrue. Heureusement que l'autre moitié de l'ancien couple semblait parvenir à garder son sang-froid, n'hésitant pas à réduire la distance que Keith avait créé depuis bien longtemps. Peut-être pas que dans la pièce. Les rouages se remettaient en marche, doucement, face à l'action, faisant se questionner bientôt Keith sur la probabilité que tout cela arrive de manière hasardeuse. De manière désirée ? Ça sonnait plus plausible. La suite d'interrogation arrivait. Pourquoi ? Comment ? Depuis quand ? Le regard vert ne lacha pas celui de Yudith, désormais si proche, tout en maintenant pourtant une proximité qu'ils n'avaient que peu connus. La mémoire faisait renaitre des souvenirs, d'une blonde aux traits plus enfantins avançant vers lui sans once de timidité, encore moins lorsque leurs nez se frolaient, que leurs lèvres se retrouvaient, que leurs mains s'attachaient au corps de l'Autre. Une scène parmi d'autre qu'il avait fui par lâcheté. Dans une perdition qui était désormais derrière lui. Un dégat collatéral. Voilà ce qu'avait été la pauvre irlandaise ayant croisé un jour le chemin de Madd'. Peut-être plus, si on en croyait la nuance d'amour qu'elle avait réussi à faire naitre dans un coeur détruit. Mais il était certain que son attachement ne sauverait aucunement les meubles à cet instant-là, ni jamais.

La Drakenhoff continua d'exercer son sang-froid sans ciller, s'invitant dans le porte-monnaie de son ex amour, proposant une discussion qui aurait dû naitre depuis les lèvres de Madd' seulement. Et il y a plus d'une décennie. Si le premier accord fut accepté silencieusement, d'un simple hochement, la seconde prise de parole sembla faire retrouver sa voix au muet. Une voix plus mature, plus grave, dûe aux nombreuses cigarettes fumées depuis leur dernier moment passé ensemble. Une voix bien plus usée par la vie qu'avant, si un passage à Azkaban n'était pas la pire chose ayant été vécue par le sang-pur ici présent. Une voix basse, malgré tout, dans laquelle la culpabilité commençait à renaitre, s'infiltrant dans un regard qu'il s'efforçait de maintenir alors qu'il n'avait qu'une envie : se casser. Pas aujourd'hui. Pas maintenant. Mais ce serait jamais, en fait. Keith le savait. Il n'y aurait jamais de bon moment pour faire face aux démons du passé. Et il n'y en aurait jamais non plus pour faire face à l'un des anges que Merlin avait décidé de mettre sur son chemin. Certainement par erreur. Peut-être était-ce pour ça qu'il les écartait tous de sa vie au final ?

"Je pense que tu le mérites amplement."

Les propositions acceptées, Keith se laissa encore un instant pour accuser le coup avant de tourner le dos à la pauvre Yudith, allant s'installer sur l'un des sièges du bar, se mettant contre le mur. Comme si la misère du monde allait le faire basculer s'il ne pouvait se poser contre une surface dure. Sur ce laps de temps, aucune attaque faite dans son dos. Le stress qui était soudainement né d'une honte qu'il avait réussi à enterrer essayait de s'apaiser du peu qu'il avait comme information : Outre le fait que la blonde n'avait jamais eu aucun comportement la rapprochant d'une certaine folie, il était encore en vie après une bonne minute encore suivant leur rencontre. Leur retrouvaille ? N'était-ce pas un mot résonnant positivement pour être usé pour ce moment ? Keith était prêt à mettre son second majeur à couper que la seule femme qui avait compté a minima pour lui n'était pas des plus heureuses à l'avoir face à elle. Malgré le sourire hypocrite servi du bout de ses lèvres.

Installé sur sa chaise haute, coude sur le comptoir, autre main dans la poche du sweat pour mieux libérer quelques pianotages de doigts sous le moment incompréhensible, Keith laissa Yudith s'installer, non sans la quitter du regard. Loin du regard lourd, il s'agissait plus d'un regard penchant entre la suspicion et la curiosité. De savoir pourquoi ils en étaient là. De savoir ce qu'elle était devenue. Comment la décennie avait accompagné la jeune femme dont il n'avait à ce jour, absolument jamais rien eu à reprocher. Yudith avait toujours été droite, parfaite, et assez coriace pour aider l'adolescent au fond du trou qu'il avait été à la sortie de prison. Elle avait pansé tant de blessure que seule la honte ressurgissait comme émotion négative face à elle. Devant faire avec, le bouclé chercha ses mots, la première phrase à dire, la première question, ne sachant s'il devait lui laisser l'honneur de commencer et le bonheur de laisser ses oreilles tranquilles. Mais fermer sa gueule était bien compliqué dans un moment pareil. Fallait qu'il puisse évacuer avant de se prendre un seau d'eau froide sur la face. A quoi rimait cela sinon ?

"C'est pas un hasard, que tu sois là, j'me trompe ?"

Les excuses s'accumulaient dans sa gorge mais ne semblaient pas encore prêtes à sortir. Non pas qu'il était incapable de reconnaitre avoir été le pire connard sur terre alors qu'elle ne l'avait jamais mérité une seule seconde. Mais le moment n'était pas encore là. Vomir ses demandes de pardons méritaient le bon timing et certainement pas d'être jetées sans remise dans le contexte. Pas qu'il chercherait à justifier sa fuite. L'avait merdé, le Madd', il le savait. Mais ça n'était pas encore le bon moment. Celui de boire, peut-être. Le barman se dirigeant vers l'étrange duo qu'ils formaient, n'ayant jamais vu son habitué avec la demoiselle, l'interrogea du regard, verre en plein essuyage en mains.

"Comme d'hab'..." soupira le bouclé mal à l'aise, lançant un regard d'attente vers Yudith pour qu'elle ne prenne aussi une commande qu'il lui devait bien, sans vraiment savoir à quel point.

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Que dois-je lui dire ? || Yudeith

Méfiance était mère de Sûreté. Et c'était bien en suivant cette expression que Keith avait l'audace d'être encore en vie aujourd'hui, de se retrouver face à Yudith à cet instant précis. Alors naturellement, au cours de la conversation, ce sentiment-barrière reprenait le dessus. S'il avait subitement laché toutes les armes de surprise et sous la honte ressurgissant d'un seul coup, les bonnes vieilles habitudes revenaient au galop, reconstruisant le fort qu'il avait eu besoin d'ériger de ses mains cagneuses tout au long de ces dernières années. Ou plutôt tout au long de sa vie. Laissant le barman s'éloigner pour préparer bière et whiskey, Keith reporta toute son attention sur celle qui avait été son égale à un moment de sa vie, cette même personne qui confirmait le fond de coup monté. Madd' réceptionna la réponse sans ciller. Après tout, les deux avaient commencé une histoire d'amour (à sens unique malheureusement pour Yudith) en Irlande, loin d'ici. Même s'il sembla que le hasard les ait fait réellement se croiser si loin de là, ne tapotant que l'épaule de la blonde pour lui montrer la présence du bouclé ignorant. Alors comme ça, les pauvres fois ou Madd' venait ici avaient suffit à ce qu'ils se retrouvent ? Devait-il croire cette version des faits ? Le hasard était bien trop magnanime, dans le cas ou Yudith avait souhaité tout ça.

Poudlard, donc. Madd' se retint d'énoncer avoir une soeur là-bas, il ne savait dans que poste. Bien parce qu'il s'en fichait de la vie de cette inconnue qui voulait rentrer dans sa vie comme un dragon en furie. Et puis, s'il devait se servir de Jordanaya une seconde fois, autant garder l'effet de surprise. Alors pour l'heure, il se tût juste à ce sujet, ne faisant que valider n'avoir jamais vu Yudith ces derniers temps dans le coin. Et si le contraire était vrai, alors à cet instant, le Sang-Pur n'aurait sû dire sa réaction. Si la fuite aurait été de mise ou non. Selon si elle avait croisé son regard ou pas, certainement. Ou peut-être pas. La situation était trop abracadabrantesque pour être imaginée et pour déceler une véritable réaction.

Le bras sur le comptoir alla se satisfaire du whisky arrivé, prenant les bords du verre pour le faire tourner sur place pour évacuer le mal-être présent, laissant à Yudith toute la possibilité de poursuivre, la lachant enfin du regard, bouclettes en fusion. Perles passant de son verre à l'autre, partageant le malaise surement, ou le besoin de cogiter sur ce qui leur arrivait à cet instant. La sorcière prenait son temps, semblant tourner autour du chaudron. La sensation de "conversation entre vieux amis" sonnait fausse. La notion de figurant ne fit même pas ciller Keith. Mentalement, c'était autre chose. Que cherchait-elle à faire ? A prouver, en annonçant être passé à autre chose ? C'était tout le bien qu'il lui souhaitait. Ça le rassurait d'apprendre qu'elle avait sut avancer. Peut-être avec difficulté. Peut-être pas. Leur relation n'avait duré que quelques mois et n'était peut-être pas aussi profonde que ça pouvait l'être quand l'un des partenaires n'était plus que le fantôme de lui-même. En y repensant, une soif spéciale s'anima, buvant enfin une gorgée du pur-feu, gardant le verre sur sa cuisse par la suite, alors que les nouvelles étaient demandées. Un rictus secoua le torse du brun, réhaussant les sourcils alors qu'il reposait enfin son attention visuelle sur elle.

"Oh, tu ne veux pas savoir ce que j'ai vécu ces dernières années." Treize dernières années. Le chiffre sonnait stricte, calculé. S'était-elle amusée à marquer d'une barre chaque jour passant, chaque année se fanant tout comme Keith l'avait fait mais dans un milieu plus... carcéral ? La méfiance se dessinait, il y avait quelque chose derrière tout ça. Ou bien avait-elle eu le temps de calculer ça depuis qu'elle l'avait vu, les souvenirs ressurgissant de plein fouet, nécessitant la soustraction ? Le regard vert se plissa, comme pour essayer de la comprendre, mais sans jamais dépasser la barrière de son esprit, du moins, pas pour l'instant. Il préférait se fier à ses traits, ses mimiques, comment sa bouche se tordait, bien des choses encore. Il y avait tant à lire sur un visage sans pour autant pénétrer le mental. Même si la sorcière face à lui était forte, et ça ne datait pas de cet instant.

"Ecoute Yudith." Depuis combien de temps n'avait-il pas prononcé ce prénom ? Il sonna étrangement entre ses lèvres. "Je n'ai pas envie de faire la conversation sur ce qu'il s'est passé depuis treize années. Et j'imagine qu'en vue des circonstances de la fin de notre histoire, ce n'est pas vraiment ce que tu veux non plus." Peut-être se trompait-il. Son regard la mettait presque au défi de dire le contraire. "Par contre, il va de soi que tu as le droit à certaines réponses concernant... mon départ. Ou ma fuite. Autant mettre les bons mots dessus. Y en a pas d'autre." Une autre gorgée s'en alla dans l'au-délà, mais cette fois, le verre ne s'éloigna pas trop de son visage fatigué. "Je peux mettre d'autres bons mots encore, t'as qu'à le demander. Peut-être que j'me trompe. Qu't'as pas besoin de ça pour avancer, et que je m'offre trop d'importance dans ton existence. Toujours est-il que je sais au moins que tu me connais assez pour être plus cash envers moi, sans avoir à tourner autour du pot. Si j'me gourre vraiment alors... j'ai rien à t'apporter dans ta vie d'aujourd'hui et autant mettre un terme à tout ça." La descente de l'alcool illustrait le possible départ du bouclé, qui reposa le verre désormais vide sur le comptoir. "T'as bien mieux à faire que d'demander des nouvelles d'un connard qui s'est barré du jour au lendemain alors qu'on était en train de construire quelque chose." Si elle ne s'en était pas rendu compte, autant lui exprimer son avis personnel, qui était au final une vérité générale. Mais Madd' était prêt à mettre sa main à couper qu'elle partageait cet avis aussi.

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Que dois-je lui dire ? || Yudeith

La Belle et la Bête. Elle, digne, droite. Lui, grognon, cabossé. Quel étrange couple ils avaient pu former fut un temps. Peut-être que la fuite avait été une excellente issue sur bien plus de choses qu’il n’avait pensé. Bien sûr, offrir une existence meilleure pour Yudith en était une de base. Mais a bien y regarder aujourd’hui, il savait désormais qu’elle n’aurait jamais pu le sauver et qu’à force de tenter, elle s’y serait brûlée les ailes, au mieux. Persévérante comme elle était, elle n’aurait pas lâché le jeune homme cassé qui avait aujourd’hui juste perdu son premier adjectif, certainement pas le second. S’il savait ça, Keith ne pouvait que se douter que la pseudo prise de nouvelle n’était pas sans arrière pensée. Surtout chez la blonde qu’il observa longuement après avoir posé une sorte d’ultimatum avant un autre départ possible. En attendant qu’elle ne dévoile le fond de ses pensées ou qu’elle n’abandonne et le laisse s’en aller -car peut-être avait-il tord- la mémoire se rafraîchissait, ne pouvant l’empêcher de scruter les nouveaux traits, profitant de la latence de la réponse de l’Irlandaise. Si elle avait été une adorable jeune fille, elle était désormais une splendide femme. Les années n’avaient fait qu’ajouter du caractere à ses traits, le parallèle avec le mental ne pouvait être qu’évident en plus d’être visible. Celle qui jouait avec les runes ne pouvait avoir pris une autre direction, elle n’était pas le genre qu’un homme pouvait détruire. Au pire, elle avait pu ployer le genou mais sans aucun doute qu’elle n’avait pas manqué de force pour se relever. Mais même en pensant ainsi, le bouclé ne pouvait que ressentir Culpabilité revenir au galop, elle qui s’était momentanément échappée lors de la pseudo prise de nouvelle sur la décennie précédente…

« Et tu l’as été pour moi aussi. » Cette courte phrase était sortie seule. Ne voulant pas que Yudith baisse seule ses armes -si c’était bien le cas, sinon tant pis, elle méritait quand même ces mots. Ne voulant pas la laisser penser qu’elle avait pu être utilisée, que tout avait été unilatéral, comme ses sentiments pour Elle. Il l’avait avoué sans forme de gêne, faisant juste état d’une affection passée. Surement présente encore, mais c’était sûrement le sentiment coupable qui parlait. Ou la reconnaissance envers elle pour avoir essayé de le sauver, en ayant pris sous son aile le jeune rescapé d’Azkaban qu’il avait un jour été. Toujours est-il, il la laissa poursuivre à son rythme, sans chercher plus que ça à savoir si l’aveu l’avait touché ou pas. Il souhaitait juste être clair dans ce qu’il avait été et ce qu’il n’avait pas été.

Les lèvres se pincèrent à la suite. Pas besoin de bien connaître le Madd’ pour lire sur son visage, plus lisible que jamais quand quelque chose concernait ses proches et que de telles émotions venaient le frapper de plein fouet sans avoir eu le temps de se préparer. Mais il fallait le connaître d’avantage pour savoir la rareté que c’était, qu’il baisse ses barrières et se laisse aussi facilement lire. Privilège offert à peu, à ceux qui le méritaient. Comme Yudith. Et elle méritait tant de choses. Dont la vérité enfin demandée après avoir pris un large détour. Le face à face était enfin vrai. Keith hocha la tête sous ce qui arrivait enfin.

« T’as rien fait. » Autant lever rapidement tout doute stupide mais légitime d’un côté. Pas tout le monde pouvait se remettre en cause. Yudith avait cette force. Peut-être faiblesse, si elle avait osé pensé être un minimum fautive dans quoi que ce soit de leur histoire. « Et… si ça peut te faire du bien à entendre… On n’aurait jamais pu bâtir quoi que ce soit ensemble de positif, j’étais une peine perdue. Au final, t’as juste bâtit le seul bonheur que tu méritais d’avoir. » Un instant, Keith hésita. « Ça vaut peu, mais j’suis heureux que t’y sois parvenu. J’t’ai pas facilité la tâche, même avant que je me casse. » La seule chose qu’il avait fait de bien, le paumé des embrumes, c’était la laisser. La seule meilleure chose qu’il aurait pu faire, c’était de ne jamais tenter quoi que ce soit avec elle. Mais la recherche de simplicité, d’amour, de vie normale, l’avait rendu égoïste un temps, pensant avoir droit à tout ça, prenant la première jeune femme un minimum douce avec lui pour tenter ce nouveau départ.

Baissant ses perles sombres sur le verre vide, un geste quémanda un second. Le premier était parti trop vite, pensant son départ imminent. Ou bien par trop grande soif qui revenait. Se réhydratant de courage d’une nouvelle gorgée à peine le barman eut-il fait son métier, Keith s’éclaircit la gorge.

« T’as été un soutien sans faille Yudith. T’as jamais merdé. Et sans vouloir partir dans le cliché du « c’est pas toi, c’est moi », ça a vraiment été notre cas. » Dos contre le mur, faisant face à Yudith, le whisky se retrouvait sur sa cuisse, maintenu comme une bonne vieille boisson chaude réconfortante entre ses deux mains, ce qu’elle n’était absolument pas. « J’arrivais pas à rester debout alors que t’arrêtais pas d’me relever. Et… j’arrivais pas à te rendre la pareille. » Amère empathie lui donnant du mal à ajouter la suite, se retenant de déjà reprendre une gorgée de pseudo courage liquide. Fallait pas qu’il reparte trop tôt c’verre-là. « Ni à tomber amoureux de toi. Et tu méritais pas de t’esquinter pour ça. » Il préférait s’arrêter là pour l’instant. S’il avait eu du mal à accepter lui même tout ça, c’était sûrement pire à entendre pour la femme qui l’avait aimé. Même si ses propres gestes à lui avaient été tendres, empreints de douceur, de petites attentions, de larges bras entourant son corps. Mais peut-être ne faisait-il que se tenir sur elle dans ces moments-là, pour ne pas tomber.

Codage par Libella sur Graphiorum