Je m’affaire activement derrière les fourneaux alors qu’une vieille radio enchantée crachote de la musique. J’ai exceptionnellement quitté le Ministère un peu plus tôt pour avoir un peu de temps pour commencer à préparer quelques petites choses ici. Sean peut se débrouiller quelques heures sans moi quand même… -de toute façon, il n’a pas le choix… Et je me suis même débarassé d’Elphias ! Enfin débarassé… On ne se “débarasse” pas de son petit garçon ! Mais ce soir, il est chez sa tante, sur le Chemin de Traverse. Phoebe me rend ce service salutaire pour que je puisse profiter d’une soirée off, sans avoir à porter ma casquette de “papa”. Je sais en plus de ça que ça lui fait bien plaisir de voir son neveu -non ?

Bref ! La théière fume doucement sur la gazinière, et avec elle quelques cocottes de différentes tailles, fermées de leurs lourds couvercles. La gazinière a été aménagée pour les deux salamandres d’Elphias, et c’est ma fois bien pratique pour laisser des plats au chaud en attendant gentiment notre invitée. Je n’ai pas revu Day depuis la reconstruction de Pré-au-Lard… C’est dire comme ça date ! Je suis content de pouvoir partager une soirée rien qu’avec elle. Juste tous les deux, peinards. Pour l’occasion, je me suis habillé re-lax ! Enfin… J’ai juste quitté ma chemise pour un pull plus confortable, sans même prendre le temps de changer de pantalon, et enfilé mon tablier de cuisine.

Quand enfin la sonnette retentit, je coupe le feu à la va-vite, pour éviter que ma préparation ne calcine littéralement dans le fond de la poêle, et file décrocher l’interphone. Et là, alors que je m’attendais à entendre la voix chantante de mon amie, c’est une voix grave et masculine qui s’adresse à moi ; et ce qu’elle me raconte ne me plait pas du tout ! Je sens une onde de panique me prendre aux tripes. Euh… J-je… N-ne bougez pas, je d-descends ! Misère de misère ! Ça a dû arriver ce week-end quand j’ai laissé Elphias une petite heure le temps de faire un saut en urgence à Inverness pour aider mon père… Rolalala ! J’ouvre la porte précipitamment, dévale les quatre étages sans ascenseur qui me sépare de l’entrée du bâtiment, et ralentit juste dans le hall d’entrée, pour essayer de me calmer un peu. C’est pas vrai… C’est pas vrai ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire… Que c’est un tour de magie sur lequel je travaille avec mon fils ? C’est un peu gros… Que la voisine est une vieille folle timbrée ?! J’avoue ne jamais avoir eu de sympathie pour cette vieille moldue mal aimable… Ou jouer l'illuminé de service en racontant que se sont les aliens qui s’amusent à me menacer car ils ont peur que je révèle la vérité sur leur existence ?! ARF ! J’ouvre la porte d’entrée. Bonsoir Mon…

Sieur ? Je reste figé une fraction de seconde, un air ébahi et stupide sur le visage quand je me retrouve nez à nez avec Daisy qui, non contente de son entourloupe que je met bien trop longtemps à capter, s’exclame de sa réussite à m’avoir piégée ! Oh, toi… Je me passe ma main droite sur le visage, comme pour me débarrasser de l’angoisse soudaine qui s’y était inscrite, et je laisse échapper un rire, le rire typique de la personne qui vient de se faire avoir et qui se sens bête d’avoir roulé à 100% dedans. Non parce que jusqu'à maintenant, les pouvoirs d’Elphias ne se sont JAMAIS manifestés, faut le dire ! Et puis compte tenu de l’heure, j’aurai très bien pu me douter de la supercherie, connaissant le phénomène Wellington… Bien joué, tu m’as eu, mais alors en beauté ! Tu sais que j’ai paniqué comme un dingue ?! Je ne savais vraiment pas ce que je pouvais inventer comme histoire à servir à des moldus… Surement que ma voisine était complètement sénile je pense. Et pis évidemment qu'elle sait que j'ai paniqué ! Day n'attendait que ça ! Je fais mine de l'assommer du tranchant de la main. J'vais peut-être te laisser sur le palier en fait !

Peut-être que je devrais, en effet ! Mais bon, je dois bien avouer que j'en serais bien incapable. Fermer la porte sous le nez de Daisy, simplement parce que je me suis fait rouler comme un fléreur de trois jours... Impossible ! Je suis déjà gagné par la bonne humeur que la sorcière dégage ; Day, c'est une vélane de la bonne humeur, qui vous contamine en un éclat de rire, avec son super sourire irradiant ! J'arbore donc à mon tour un grand sourire, jusqu'aux oreilles, jusqu'à ce que la surprise l'efface. En un instant. La joyeuse sorcière me met dans les bras une farandole de cadeaux. Je suis étonnement et gène ! Mais... MAIS !

J'ai la berlue où Miss Wellington vient de m'offrir un balais volant ?! Je tire une tronche de six pieds de long tant je suis abasourdi. Un balais volant, même d'occasion, ça coûte cher ! Il y en a tout de suite pour des dizaines de gallions ! Alors je sais bien que l'argent n'est pas un problème pour la jeune sorcière, m'enfin quand même ! Ce n'est pas quelques qu'on offre comme ça, à la première occasion -genre un dîner sur le pouce avec un vieux copain !  Attends mais... C'est pour Elphias ?! Mais qui offre un balais volant à un enfant de six ans ?! -et bien Daisy Wellington, bien évidemment~ Tu es vraiment la plus allumée des sorcières... Fallait pas ! Je suis extraordinairement gêné -j'ai les joues qui brûlent, mais je ne vais pas rester sur le parvis à exposer mes joues rouges aux passants.

Je roule gentiment des yeux devant la trogne adorable de mon amie -la traîtrise de Day qui sait que je ne peux résister aux choses mignonnes..., et me décale pour laisser la sorcière passer et gagner le dernier étage de l'immeuble -au septième, sans ascenseur, bien entendu... Moi aussi, tu n'as pas idée ! J'ai tellement de choses à te raconter ! On s'enquille dans les escaliers. Je me démène comme je peux avec tout mon attirail dans les bras. Entre mon travail au Ministère et les derniers événements, les réunions de l'APSO, et puis Elphias bien sûr, nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour discuter tous les deux, tranquilles. Oh et je vais le filmer bien sûr ! Et je t'enverrai le film ! Pas question que tu manques ça ! Les étages s'enchaînent. Un balais, j'en reviens pas ! Je commence à souffler un peu fort. Palier du cinquième. Tu me diras quand... tu seras disponible un week-end... qu'on vienne squatter ton beau manoir flambant neuf... pour qu'Elphy essaye son... balais flambant neuf... si ces pouvoirs se manifestent... d'ici là... Nous voilà enfin au septième -ARF ! Fiuuu, entre... Après-toi !

La radio continue de cracher de la musique moldue. Vas-y, installe-toi. Je t'ai préparé quelques petites choses à déguster... Je lui désigne du bout du nez un siège près de l'îlot de cuisine, et je me dépêche d'aller poser les cadeaux pour Elphias devant la cheminée. La théière siffle gentiment sur la gazinière aux salamandres. Une tasse volète jusqu'à la sorcière, et la théière ventrue vient verser un liquide vert fumant. Une seconde tasse est servie, et je me glisse derrière les fourneaux, pour faire face à mon amie. J'ai fait des petits makis, tu me diras ce que tu en penses. Ce ne sont que des créations personnelles, alors sois honnête ! Un coup de baguette, et tout ce qui était laissé en plan sur le comptoir s'envole sur le plan de travail derrière moi. Quatre assiettes contenant chacune deux pièces sortent du frigo -concombre/menthe émincés, omelette au curry, coleslaw/cranberry saumurés, épinard/cheddar fumé et trois minuscules coupelles viennent les rejoindre -sauce soja parfumée, wasabi maison, fines tranches de gingembre mariné. Bon alors ! Comment vas-tu ma petite Daisy ? Les amours, les emmerdes ? Et déjà j'engloutis un maki concombre/menthe, agrémenté d'un petit morceau de gingembre.

Mon vieux balais hein ? Oui, bien sûr ! Mais il y a, dans ma voix, comme une légère hésitation. Bien évidemment que j'ai toujours mon vieux balais ! Je n'ai aucune raison de l'envoyer au broyeur pour en faire des copeaux. Cela dit, je dois avouer que je n'y ai pas touché depuis... Euh... Depuis... Je crois que la dernière fois que je suis monté dessus, c'était pour emmener Piper faire un tour en amoureux sur la côte... Et c'était au début de notre relation ça... Il y a presque dix ans peut-être ?! -Par Merlin, me voici suffisamment âgé pour pouvoir sortir des "il y a dix ans" ! Mais il se pourrait qu'il ait pris un peu la poussière depuis le temps... "Un peu" est un euphémisme ! Mais je me garde bien de le lui dire ! L'artefact aura besoin d'une révision avant que quelqu'un ne remonte un jour dessus -et encore plus si c'est Elphias. Cela dit, maintenant qu'il a le sien... Je m'imagine déjà partir en promenade avec lui et lui faire découvrir les incroyables paysages de mon Ecosse chérie. Je souris bêtement. Je n'aime pas spécialement voler, mais cette perspective avec mon fils me réjouit -peut-être sera-t-il comme moi, un amoureux du plancher des vaches ?.

M'en parle pas... Une plaie ses étages à pieds ! Surtout que je dois porter Elphias dans mes bras parce qu'arrivés au quatrième, ses petites jambes ne suivent plus. Mais croit-moi si je te dis que... Presque tous les livreurs laissent la commande sur le pas de la porte, au rez-de-chaussée... En même temps... Je les comprends... Je ferais probablement pareil. Je résulte d'un équilibre entre mon poil dans la main et ma conscience du devoir accompli. Si cette dernière a pris l'ascension sur l’autre au cours des années passées, je suis à peu près sûr que je pourrais considérer ma mission accomplie au pied de l'immeuble si, devant moi, grimpait un escalier étroit et sinueux jusqu'au septième étage... Oui, toujours rien. Je ne te cache pas que... cela ne m'inquiète pas trop. Pour le moment. La magie de mon père s'est manifestée tardivement alors bon... Et puis bon... Je ne suis pas pressé de devoir gérer... les catastrophes que cela pourrait causer Comme des plaintes dans le quartier, avec la voisine qui déclare que des objets s'envolent depuis ma fenêtre par exemple...

Une fois le bouquet mis en vase, et le sortilège de mutisme levé pour que ses jolies fleurs bavardes se remettent à klaxonner joyeusement, Daisy est prête à jouer les cobayes pour mes essais culinaires. C'est que... l'enjeu est de taille !Je me suis pas mal creuser la tête pour élaborer ces recettes. Je tenais à faire une cuisine travaillée qui me ressemble, à mi-chemin entre le Royaume-Uni et le Japon, et exclusivement végétarienne. Un terrain en jachère où tout est à faire ! Je salue comme un artiste à l'acclamation nippo-gastronomique de Day, incapable de retenir un pouffement. Je ne sais pas si son accent est catastrophique, ou bien si elle joue vraiment sur l'effet comique -quoi que j'ai ma petite idée quand même~. Je déguste ce premier maki, et je regrette presque d'avoir poser ma question à mon amie qui garde son geste suspendu, à réfléchir pour me répondre plutôt que d'engloutir l'amuse-bouche. Presque, parce que quand je vois le sourire qui se dessine sur ses lèvres, et ce teint légèrement rosé que prennent ses pommettes, je sens que ce qu'elle a à me dire va beaucoup m'intéresser. Et vu le suspense que Daisy laisse planer avant de se lancer, je sait qu'elle sait que je sait, que nous sachons tous les deux. Ca y est, je suis hypé comme jamais ! Je veux tout savoir... Mes yeux amandes sont braqués sur la sorcière, avides, me donnant un air lutin.

Daisy me raconte, à demi-mot -je veux des détails croustillants !, et moi, complètement happé, je répète ses mots, impatient d'entendre la suite. Une collègue, hum... La St Valentin... Je hoche la tête pour lui indiquer : continue ! La nuit chez toi ?! Olala ! Je m'exclame et me redresse, surjouant un peu la groupie pour amuser Daisy -et dissimuler mon réel intérêt pour la nouvelle. Deux professeurs qui fricotent à Poudlard, il y a du gossip dans le vieux château ahahah ! Je continue de l'écouter d'une oreille attentive, en hochant de la tête pour approuver ses propos, tant et si bien que ces malheureux makis sont rapidement oubliés. Ne pas s'emballer de trop sous peine de voir la relation se consumer instantanément... Je sais pourquoi Day me dit cela. Je n'ai jamais vécu cela contrairement à mon amie -mes amourettes de l'école, ça ne compte pas, mais je la comprends. Faut laisser les choses venir naturellement... Facile à dire quand on est à ma place ! Enfin... Un sourcil se dresse quand la sorcière déclare qu'elles sont assez différentes. Je ne peux m'empêcher de penser à une petite femme austère et grise, un peu pet-sec, l'air pincé et sérieux, qui rigole quand elle se cogne... Aux antipodes de Daisy Wellington donc ! Plus âgée ? Mon image mentale prend quelques rides et des cheveux blancs. Je plisse les yeux, suspicieux, et sourire en coin. Ce n'est quand même pas... une de nos anciennes profs ?! Et j'éclate de rire. Quand j'étais à l'école, je fantasmais comme jamais sur le professeur Londubat... Cela dit, il ne doit pas en rester beaucoup de professeurs de nos jeunes années à Poudlard.

EliSabeth... Ce n'est donc pas une ancienne prof. Dommage, ça se serait posé là comme prouesse ! Le monde tourne autour des potions, dis-je avec la prétention d'en être encore alors que mon pauvre chaudron prend la poussière... La description, rapide, que me dresse Daisy de la sorcière chasse l'image que je me suis fait un peu plus tôt -adieu petite mamie grisonnante. Oh. Bien. Ho ho ! Autoritaire ?! Je me fend d'un large sourire. Quelle confession extraordinaire ! Je crois que tu as définitivement un petit faible pour la domination, Day… Je dis cela l'air presque très sérieux, comme s'il fallait le formuler pour que ce soit acté, avant de prendre une gorgée de thé.

La demande retour de la sorcière me tire un soupir. J'en profite pour manger un nouveau maki. Ce serait davantage les emmerdes que les amours si tu veux mon avis. Mais, je suis en train d'apprendre à déléguer, et je respire enfin un peu. Je boit un peu de thé avant de taper du plat de la main sur la table. Mais je n'ai pas envie de parler de ça, et de me plaindre ! J'esquisse un petit sourire. Alors... Moi aussi, je laisse le suspense grimper. Je préfère te raconter ma dernière aventure ! Parce que oui, ça y est, je reprends du service dans le game du love ! Enfin ma dernière... La seule pour le moment, mais bon, faut y aller doucement hein. Eh oui, quand même. Je suis veuf et père monoparental depuis six ans maintenant, faudrait voir à pas trop me bousculer non plus…

Je commence à narrer ma petite histoire à Daisy. Je pose le cadre : un soir où Elphias était chez sa tante Phoebe, moi, au pub The World's End Camden, à deux pas d'ici, où plutôt au sous-sol, The Underworld, où j'ai l'habitude d'aller, les soirs où Elphias n'est pas là, pour assister à un concert. Comme toujours, il y avait foule, et comme toujours, j'avais réussi à me trouver une place au bar. Un type à côté de moi m'a interpelé, surpris de trouver ici quelqu'un qui tourne à autre chose que la bière, puisqu'en effet, je ne bois plus d'alcool et que je sirotais un verre de grenadine. Le mec est sympa, canon même. Il est grand, plus grand que moi, faisait bien deux fois ma largeur, des cheveux bruns bouclés avec des mèches rouges légèrement passées, fringué et maquillé comme un rocker, en noir. Il a la discussion facile, et on a passé tout le concert à chanter et parler. Je suis resté un peu évasif sur ma vie. C'est un moldu. Mais en quoi, deux heures peut-être, il sait à peu près tout ce qu'il a savoir sur moi. Vraiment le courant passe bien, et quand le concert se termine, il me propose de le suivre à dans sa chambre d'hôtel. Dans sa. chambre. d'hôtel. Genre le truc qui ne m'est pas arrivé depuis... Qui ne m'est jamais arrivé ! Il sait que j'habite le quartier, mais il sait aussi que j'ai un petit garçon, donc que je ne vais pas le ramener chez moi, d'autant plus que c'est un touriste, donc... Un coup d'un soir. Par Merlin... Bref, j'ai soufflé un bon coup, et je me suis dit que, vu que ça me tombait tout cuit dans le bec, beeeh... Autant y aller ! Que ça pouvait me faire du bien ! Alors je l'ai suivi. Je m'interrompt pour boire une gorgée de thé, et j'ajoute que je ne sais vraiment pas ce qu'il m'a prit. Je n'ai fréquenté personne depuis Piper. Je n'ai pas eu de rapport intime avec une personne depuis la naissance d'Elphias. Je me surprend à chuchoté cela, comme si c'était un tabou et que quelqu'un de mal avisé risquait de nous surprendre. Je ne sais pas si tu te rends compte du truc ! Bref...

On monte dans sa chambre. Je ne sais pas pourquoi je donne autant de détails à Daisy. Peut-être parce que je suis encore chamboulé par tout cela ? Que ça me fait me poser beaucoup de questions sur ce que je veux pour la suite de ma vie ?! Je ne peux pas me réfugier derrière Elphias. Je ne dois pas lui faire ça. Je sens que j'ai besoin de recommencer à ressentir des choses comme celles-là. Il était très doux, très tendre. Alors qu'il avait un look de dur à cuir ! C'était très agréable. Mais... Je ne sais pas. Un blocage. Personne n'a posé les mains sur moi depuis des années. C'était très étrange. Comme si tout était nouveau. Je me suis mis à stresser comme un dingue. Je dis à Day que j'avais le sentiment d'être un imposteur. De ne pas avoir le droit à cela. De ne pas être à ma place. Que ce genre de choses étaient pour les autres. Du coup, impossible de... Enfin voilà quoi, d'aller plus loin. J'étais mort de honte. D'autant qu'il me disait, "il" c'était Oliver, que Oliver me disait que ce n'était pas grave, qu'il comprenait, que je devais pas m'en faire pour ça... Je crois que j'aurais préféré qu'il me jette hors de sa chambre en me hurlant dessus ! Après ça, je suis rentré noyer ma honte et ma deception dans du thé, avant d'aller m'enterrer sous la couette. Je ne peux m'empêcher de rigoler de tout ça, et mes joues me brûlent. Il aurait peut-être dû être plus autoritaire, ça m'aurait peut-être... Je sais pas... Stimulé quoi ! Ahahah ! En tout cas la prochaine fois, si tant est qu'il y en ait une, faudra que je sois un peu plus prêt. Ahah ! J'engloutis un maki. on parle, on parle, mais on ne mange rien ! Tu veux bien me raconter ta St Valentin avec cette Elisabeth ? Je suis trop curieux. Mais Daisy le sait.

Des adolescents... Nous sommes littéralement deux adolescents complètement torpillés par leurs hormones ! On pouffe, on rougit, on chuchote, on s'exclame sur des histoires de fesses. C'est formidable ! La situation m'amuse beaucoup, et surtout, il y avait longtemps que je ne m'étais pas senti aussi détendu et aussi à l'aise -si je fais abstraction du souvenir que me laisse mon petit... incident technique ! Je suis accoudé à la table, la cuisine n'existe plus, il n'y a plus que du gossip. Rien de méchant puisque nous médisons sur personne sinon sur nous-même, avec beaucoup d'humour et d'autodérision. Donc oui, bon, pas si "back into the game" finalement, mais bon... Un check inoubliable, ancré jusque dans mes muscles, me permet de dépasser cette petite honte. Ah un moment donné, quand faut y aller, faut y aller ! Oui oui oui ! C'est ce que je me suis dit ! Et que je me répète encore d'ailleurs. Enfin s'il y a une prochaine fois. Je verrai bien écoute. C'est que la chose me travaille un peu désormais. Peut-être suis-je condamné à prendre la poussière jusqu'à mes vieux jours ?! Bah ! Je refuse d'y croire !

Ce pourrait être amusant. Surtout si je dois séduire un joli professeur ! Alors, je ne me moque pas de Day. Je ne me permettrais pas d'émettre le moindre jugement sur la vie de qui que ce soit -sauf au cours d'un procès. Je la charrie gentiment ! D'ailleurs, elle me le rend bien avec son histoire de potion tonic... Non mais... Pouah ah ah ah !!! Tu n'y penses pas sérieusement ?! Une potion pour... Quelle idée saugrenue ! Aussi saugrenue que de l'avoir constamment sur moi ! Je suis incapable de retenir mon éclat de rire tant ça me parait énorme ! Ce n'est pas vraiment ce que j'entendais par "un peu plus prêt" un instant plus tôt. Je pense plutôt que l'appétit vient en mangeant. Oui, voilà, en mangeant. Ce processus doit prendre un peu de temps, que je puisse y retrouver mes repères et une légitimité. Bon après... Un petit tonus, ça n'a jamais fait de m... Non non non ! Je chasse bien vite cette pensée. A reconsidérer dans une vingtaine d'année peut-être !

Arrive alors le dessert avant l'heure, ce dont je pourrais me nourrir quotidiennement en lieu et place de toute nourriture saine, de tout oxygène pour respirer : du potin de qualité supérieur, AOP Daisy Wellington, s'il-vous-plait ! La blondinette -je ne suis plus très sûr de pouvoir la qualifier ainsi puisqu'elle change sans arrêt de couleur de cheveux, se met à table -enfin non, puisqu'elle abandonne une nouvelle fois ses baguettes, et entame son récit d'anthologie. Je l'écoute, avec l'attention la plus profonde, pendu à ses lèvres, buvant chacun de ses mots. J'approuve de la tête pour l'encourager à poursuivre. Je happé, comme dans une lecture d'histoire à suspense. Je rigole aussi devant sa naïveté affichée -et cette image de dinde maladroite qui jaillit dans ma tête. Cela dit, s'il fallait compter sur les conseils en la matière de cette vieille Caboche... Le monde serait à feu et à sang, j'y mettrai ma main à couper ! Mais vite, la suite ! Petit cadeau bien choisi à Noël, date aux Trois Balais pour la St Valentin... Autant de warnings rouges pétants impossibles à manquer ! Et pourtant Daisy me dit qu'elle vait encore des réserves ?! Remarque, je la comprends : on est jamais trop prudent surtout quand il s'agit de prendre un risque sur le terrain des sentiments.

Son histoire d'aventure sucrée est complètement dingue. Barbotage à deux dans de la gelée rose, des tenues d'écolière outrageusement sexy, et un baiser aux airs de fin du monde où je ne peux m'empêcher d'imaginer des explosions de sucre glace et de pâte à sucre. Je suis bouche bée devant ce que j'apprends. C'est si incongru, même pour dans le monde magique... Cela me fait penser à "Jumanji", une "oeuvre" moldue, mais plus rose, plus mielleux, et sans doute de bien meilleure qualité. Quoi que... "Se remettre" et "au bar" me paraissent un peu antinomique. Tu sais, les ado, un rien suffit à les faire jaser. Je sais de quoi je parle, en tant que commère absolue durant mes jeunes années à l'école avec Daisy.

Oh ! Je crois entendre parler d'un after... Et c'est bien le cas ! El famoso "dernier verre à la maison". Je tire une tête de "I know that you know that I know what it means, girl". En même, je lui parlais encore il y a quelques minutes de mon "dernier verre" à l'hôtel alors bon... Je compatis pour mon amie et son angoisse ressentie en cet instant fatidique. C'est sûr que quand on est totalement ivre, les choses semblent venir plus... facilement. Pour ne pas dire naturellement. L'alcool court-circuite nos réseaux de réflexion, ce qui peut aboutir in fine à de drôle de situations. C'est grosso modo pour cela que je n'y touche plus depuis la naissance d'Elphias. Je ris quand Daisy me dit que sa chère a pris les choses en main. Elle "t'a" pris en main, tu veux dire ! Je crois que je comprends un peu plus ce que tu entends par "autoritaire", hum hum. Mais du coup, tout s’est bien passé et depuis… Vous vous voyez, un peu. Regard suspicieux, qui insiste sur le “un peu”.

Pas de menotte alors cette fois ? La cravache peut-être ?! Je mime dans le vide un geste de fouetté. Je suis vraiment content de voir Daisy s'épanouir à nouveau dans une relation amoureuse -ou qui s'y apparente. Malgré ses airs enjoués et parfois un peu brute de décoffrage, la sorcier est une âme particulièrement sensible. C'est sans doute pour cela que nous nous entendons si bien : nous vibrons sur la même longueur d'onde émotionnelle. Je lui souris. C'est abracadabrantesque comme histoire de St Valentin ! Au moins, ce coup-ci, tu te souviens de tout, ahah ! C'est tout de même plus originale qu'une rencontre au détour d'un couloir et de louvoiements en salle des profs ou au buffet de la Grande Salle. Je trouve cela adorable. Personnellement, je ne sais pas trop ce que je cherche. Je n'ai pas eu de relation de ce genre depuis des années, et ma vie ne laisse pas beaucoup de place à qui que ce soit à vrai dire. Alors je préfère ne pas trop y penser.

Bon ce n'est pas tout ça, mais on parle, on parle, mais on ne mage rien ! Le thé à même refroidit dans nos tasses. Mange donc, que j'amène la suite ! Un #Calda bien dosé réchauffe tout ça, et je sors du frigo deux assiettes, disposant chacune d'une part de cheesecake, et deux petits bols de terre cuite contenant une salade composée. Tadam ! Cheesecake salé à la citrouille et aux herbes sur son biscuit à la bière, accompagné d'une salade d'algues marinées au vinaigre. Des algues de la côte britannique, attention  ! Bon, tu dois bien te douter que ma "grande nouvelle" ne concernait pas ma récente petite mésaventure, mais peut-être un peu plus avec mes essais culinaires...Je vais jusque la table basse derrière la sorcière pour récupérer une feuille sur laquelle sont griffonnées quelques lignes. Avec ce qu'il s'est passé au Ministère durant toute la durée du Brouillard, j'ai bien failli rendre ma robe et quitter le Magenmagot. Mais ma loyauté envers le collectif et ma conviction que je pouvais faire encore bouger les choses à cette position ont fini par m'en dissuader. J'ai eu cette idée à ce moment-là. Le Ministère est un lieu froid, austère et grouillant. J'ai le souhait d'un lieu chaleureux et vivant, où le temps s'écoulerait paisiblement. Je pose la feuille sous le nez de mon amie. Qu'en penses-tu ?

La feuille en question:

Day me fait rire avec ses sous-entendus. En tout bien tout honneur, nous nous amusons des clichés -parfois tout à fait vrais car vérifiés par l'expérience, et nous ne sommes pas assez pieux pour que, quelque part, nous ne souhaitions pas que cela nous arrive un jour prochain. Ce qui me fait bien rire, c'est que Daisy semble les collectionner -de manière intentionnelle, et en les nommant pour ce qu'ils sont ? Evidemment que je pense à l'uniforme scolaire si souvent fantasmé, à la cravache et aux lunettes ajustées de façon autoritaire du bout du doigt sur le nez -il y en a plus d'un.e à qui ça ne déplairait pas, mais qui n'oserait pas l'avouer ! Et bien nous, on se dit tout, voilà ! On aurait plus parlé que de ça, ahah ! Daisy et moi étions de vraies commères durant nos jeunes années à Poudlard. Déjà que deux élèves échangeant un regard à notre table nous faisaient jaser pour la journée, alors imaginez un peu deux professeurs ensemble... Nous aurions été inarrêtables d'imagination et de fanfics. La force des choses à fait que j'ai un peu rogné ce pan de ma personnalité -qui n'est ni très éthique ni très déontologique quand vous êtes magenmage, mais il revient vite au galop quand je suis avec mon amie -qui, heureusement pour moi et toute la Justice du monde magique britannique, ne travaille pas au Ministère.

Je suis obligé, en bon représentant de l'autorité judiciaire de notre vieux pays, de rappeler à l'ordre mon invitée. Mes malheureuses préparations, sûrement déjà tièdes, perdent si vite leur fraîcheur que leur goût risque d'être dénaturé, voir "BERK" pour reprendre les mots exacts d'Elphias. Je regarde la sorcière goûter avec soin ce quatuor de makis. J'inspecte ses réactions, je guette un froncement de sourcils, une grimace, un sourire, le moindre signe avant-coureur de dégoût ou de délectation, et... Les verdicts tombent, un à un, je prends un air sérieux, retournant dans ma tête ce que me dit Daisy pour le retenir à jamais. Humm... Nous sommes donc sur un 50-50. C'est déjà pas mal ! Je me doutais que les deux originaux me donneraient du fil à retordre. Il va falloir que je fasse des essais supplémentaires pour aboutir à quelque chose d'honorable. Peut-être que le curry n'était pas assez relevé... C'est vrai que la texture de l'omelette froide, ce n'est pas simple à gérer. L'idée est peut-être à tout simplement mettre de côté. Je ne vais pas laisser des recettes médiocres être servies quand même ! Va falloir que je me creuse la tête encore un peu plus. Oh ça me fait plaisir tu sais ! La cuisine, ça me change les idées. Mélanger des trucs ensemble pour obtenir quelque chose d'autre de nouveau à la fin, essayer, explorer, expérimenter jusqu'à parvenir à l'objectif recherché ou au moins l'approcher, on a ça dans le sang, les Sohei. Alors il est tant de tester le plat de résistance maintenant.

Mais avant cela, avant de mettre les petits plats dans les grands et de les remplir de nourriture, il faut des recettes qui fonctionnent ; et encore avant cela, il faut un lieu, et encore avant, un nom. Il s'agirait de ne pas griller les étapes. Daisy est si enthousiaste, quand je lui parle de mon projet de cantine, que je fais le plein de forces et de motivation pour les mois à venir. C'est qu'il va m'en falloir de l'énergie pour faire sortir cette idée de ma tête. C'est vrai ? Je suis vraiment content de l'entendre ! C'est que je me suis demandé si je n'étais pas fou à me lancer là-dedans. J'ai envie que ce soit un endroit en renfort pour l'APSO. Par exemple, pour fournir des repas durant les fêtes ou pour les anniversaires. Une cantine toute simple pour les enfants et leurs parents. Un endroit familial. Je n'en ai pas encore parlé à Mr Lupin, mais je suis sûr qu'il approuverait. Un lieu où Elphias pourrait rencontrer d'autres enfants, qui deviendrait une extension de notre famille, certes très soudée et aimante mais aussi en petit nombre -nous sommes quatre, sur quatre générations, et exclusivement masculine -à croire que notre nom est maudit. Mais trouver un local sur Traverse, c'est une dinguerie...

Aussi, la proposition de Daisy résonne comme une aubaine inespérée. Je joins les mains au-dessus de ma tête, en m'inclinant devant la sorcière. Oh Daisy ! Si c'est possible, je t'en prie. Il faut que ce lieu soit le plus accessible possible. Il n'aura rien de spécial et sera banal, pour des personnes qui en ont besoin, alors il faut qu'il soit ultra-accessible. Pas question de se retrouver complètement excentré et invisibilisé, que ce soit le parcours du combattant pour y venir. L'idéal, c'est Traverse. Les jeunes sorcières et sorciers sont parfois difficiles à accompagner en terrain moldu à l'éveil de leur magie. Mais bon, on se débrouillera autrement si la nécessité des choses en fait une voie sans issue. Si c'est une question d'argent, on a déjà mobilisé une partie de notre capital familial. Alors nous ne sommes pas Crésus, mais nous sommes loin d'être à plaindre -surtout depuis que je suis magenmage, faut le dire. Mais en premier lieu, dis-moi : as-tu une préférence pour l'un des noms sur la liste ? Je n'arrive pas à me décider... Ce qui est, pour l'heure, mon plus gros problème !

Je savais que je pourrais compter sur toi ! Sourire jusqu'aux oreilles, je prends instinctivement mon amie dans mes bras. Le parc immobilier des Wellington est si vaste -et Maitre Landrin si efficace à ce qu'on dit, que je suis à peu près sûr qu'il y a moyen de dégoter quelque chose. Même si c'est pas bien grand, ça ferait largement l'affaire. Tant que c'est sur, ou en tout cas tout proche, du Chemin de Traverse. On aura toujours la possibilité de remodeler les espaces intérieurs. Des enchantements complexes certes, mais que Daisy et moi sommes parfaitement capables de réaliser, moyennement un peu de patience. Et ça tombe bien, j'en ai à revendre. Je ne renchérie pas sur la question monétaire. Déjà parce qu'on a bien le temps de voir cela, ensuite parce que, nous connaissant, on pourrait débattre des heures pour trouver un point de compromis entre "je paie absolument tout de A à Z" et "tu ne paieras absolument rien voyons". Un vaste sujet mille fois abordé pour savoir qui de l'un ou de l'autre réglait la note au salon de thé.

Et puis il y avait plus urgent ! Le nom de cette cantine/salon de thé/garderie/je-ne-sais-plus-quoi ! La liste entre les mains de Daisy, les secondes me semblent des heures interminables tandis qu'elle lit et évalue mes différentes propositions. Heureusement, elle ne me fait pas languir trop longtemps -je peux avoir les nerfs rapidement en pelote pour ce genre de chose ! et c'est un coup de cœur pour The Rabbit Hole. Oui ! Moi aussi ! Évidemment, je n'aurais pas écrit ce nom sur la liste autrement... Mais c'est spontané ! Alors forcément, la remarque de Day sur son côté "underground" me refroidit d'un coup. Ah ! Euh... En effet... Mince ! Je n'avais pas du tout capté l’ambiguïté qui pouvait s'en dégager... Alors que c'est sensé être un lieu familial ! Par Merlin, on es pas passé loin de la bourde ! Je ne tiens pas à me retrouver avec une batterie de parents sur le dos pour une bêtise pareille. Oui oui oui ! J'approuve à toute vitesse pour balayer de mon esprit les images d'un club de striptease souterrain éclairé aux néons roses, bien loin du lieu familial que j'ai en tête. A Rabbit in my Teapot donc. Ce sera bien plus adapté oui ! Je laisse échapper un soupir : voilà qui est fait ! Le nom est trouvé. Ne me restera plus qu'à finaliser les papiers pour la création administrative. Je vois bien une enseigne toute mignonne pour annoncer le lieu. Ce sera génial ! Bien plus que pour "The Rabbit Hole", pour sûr !

L'idée portée du bout des lèvres par la sorcière à propos d'une mascotte fait mouche, bien évidemment. Rolala ! J'ai bien fait de te demander ton avis. Tu as toujours mille idées incroyables ! Daisy, c'est une boite de pandore à idées, mais en positif. Je m'empresse d'écrire ça sur une feuille. Faudra que je trouve une énorme peluche lapin. Non pas que Piper était énorme, mais une mascotte, faut que ça se voit ! Je vois que mon amie est légèrement gênée à l'évocation de ma conjointe décédée. Je souris doucement. Haut les cœurs, Daisy. Cette mascotte sera un adorable hommage. Piper travaillait d’arrache-pied au Ministère sur les droits et libertés des jeunes sorcières et sorciers. Je ne pouvais pas ne pas faire un clin d’œil à son engagement. Elle aurait adoré investir un projet comme celui-ci. Je ne m'étale pas davantage sur le sujet. Non, pas de préférence particulière. Ils m'emballaient tous à vrai dire. Le singe, c'est parce que l'emblème des Sohei est un macaque. C'est le surnom que me donne mon grand-père. Et le lapin, et bien c'est Elphias pardi. D'ailleurs, je...

Je n'ai pas le temps d'ajouter un mot que la sonnette de l'appartement retentit. Je regarde incrédule Day. Je n'attendais personne ce soir. Et sûr que ce n'est ni mon père, ni mon grand-père puisqu'ils entrent ici comme si c'était chez eux -ce qui est un peu vrai. Euh... Excuse-moi un instant Daisy..Je me rapproche donc de la porte, et comme un idiot, je ne prends pas le temps d’observer par le judas de la porte et ouvre d'un geste la porte. Bons... Une petite dame gringalette -d'un âge fort honorable, avec d'immenses lunettes rouge en forme de fleur, un chandail décrépi et une longue jupe à motif se tient sur le pas de ma porte et me coupe immédiatement la parole. Bonsoir mon cher petit Marx ! Sa voix est criarde, comme l'est la voix d'une personne à moitié sourde. Ah... Mme Robinson. C'est la voisine. Ses cheveux blancs sont brushingués en une énorme choucroute sur sa tête. Et oui qui d'autre ?! Bon, je me demandais si vous n'auriez pas du lait à me dépanner. Je n'en ai plus pour mon thé, je n'ai pas eu le temps de courir à la supérette aujourd'hui, vous savez, je suis si occupée, et c'est donc très problématique, pour ce soir, avant que j'aille me coucher, et pour demain matin à mon réveil. Je ne sais pas comment faire. Je prends une grande inspiration pour mobiliser toute la patience en moi dont je suis capable, et que cette vieille femme sait mieux que quiconque faire fondre comme neige au soleil. Je sais qu'au moindre faux pas, la situation peut devenir extrêmement périlleuse et désagréable. Je lui souris. Bien évidemment, attendez-moi ici. Et j'insiste sur le "ici" mais quand je vais pour rabattre la porte Mme Robinson se glisse dans mon appartement par le petit entrebâillement par lequel j'avais laissé passer ma tête. Je lance un regard à Daisy. Un regard de détresse. Un regard de "aled, oskour, c'est toujours comme ça avec elle, on va pas réussir à s'en débarrasser, on va devoir l'oublietter". Je vois que vous avez de la charmante compagnie ce soir. Quel joli brin de fille ! Tracy Robinson, enchanté.

J'essaye une tactique qui a déjà fonctionné une fois. Il ne faut pas qu'elle passe de l'autre côté de la cuisine, sinon c'est sûr que c'est foutu. Elle doit rester côté salon. Asseyez-vous donc là Mme Robinson. Et je reste un instant planté devant elle en désignant le sofa pour que le message passe. Bien volontiers, merci mon petit Marx. La journée a été longue et mes jambes me font drôlement souffrir. Elle prend place, et je file vers  le frigo. C'est votre petite amie ? C'est un peu tôt quand même non ? Remarquez, ce n'est peut-être pas plus mal pour ce pauvre petit Elphias de pouvoir compter sur une figure maternelle. Nouveau regard pour Daisy, un regard désolé. Je ne vais avoir que du lait végétal, cela ira pour vous ? La vieille dame a l'air de bougonner un peu. Du lait végétal, allons bon ! Tout fout le camp. Ça ne vaut mon bon vieux lait Aldi, mais ça me dépannera. Oui voilà. Vous savez qu'en ce moment le litre écrémé est à 1,62£ ! C'est vraiment du racket.

Heureusement que Daisy a l'habitude de vivre en terres moldues. Cela ce voit, elle a les reflexes qui vont bien pour faire disparaitre toute trace de magie un peu trop visible dans un appartement qui paraitrait immédiatement très "exotique" à quelqu'un qui n'est pas du milieu. Les balais ont disparu, le couvercle de la gazinière en place pour cacher les salamandres et les photos dans les cadres ont cessé leur ballet. Je suis quand même surpris de trouver le bouquet de jonquilles dans le frigo, la chique coupée, muettes comme des carpes -des fleurs tout ce qu'il y a de plus normal quoi ! Je referme le réfrigérateur aussi vite, parce que c'est quand même pas tout à fait classique de conserver ses fleurs au frais -je vous assure, elles se conservent ainsi plus longtemps. Enfin cela vaut mieux que d'avoir des fleurs chantantes -si tant est que l'on admette qu'il s'agisse d'un chant, sur le comptoir de la cuisine quand votre voisine moldue débarque à l'improviste.

Je constate que Daisy est à même de supporter ce specimen antique alors que je me rapproche, la brique de lait à la main, un sourire en miroir au sien. Je sais ce qu'elle pense de ce genre de personne ; j'ai le même avis sur la question ! La simple pensée qu'ils nous suffit de patienter encore un peu, quelques mois, voir quelques années, et que ces remarques et ces manières d'appréhender le monde auront disparu me confère une patience à toute épreuve. Je me contente d'écouter sans relever. Cela dit, quand on parle de vous à la troisième personne du singulier, comme si vous n'étiez pas là, il y a de quoi remettre ladite personne à sa place. C'est ce que je perçois dans le ton qu'emploie Daisy pour lui répondre, évinçant d'un revers de manche les piaillements de la vieille dame dont les yeux s'ouvrent en grand derrière ses grandes lunettes. Ah mais oui oui oui, je... Je n'en doute absolument pas. Vous savez, c'est pour l'enfant que je dis ça. Un père peut prendre soin de son enfant, mais une mère, c'est autre chose quand même ; elle sent les...

Je me racle la gorge bruyamment tendant le litre de lait à ma très chère voisine. Je comprends très bien ce que vous voulez dire Mme Robinson. Voici votre lait. La vieille chouette me dévisage, puis Daisy, puis moi de nouveau. Je ne voudrais pas que votre amie s'imagine que... Comme elle n'a pas l'air décidé à partir, je me vois obligé de couper court. Peut-être ai-je été un peu présomptueux en parlant de "monstre de patience". Je garde cela pour le travail. Je conserve mon sourire avenant, mais le ton est ferme, dans la continuité de Daisy que je sais derrière moi. Ecoutez, Mme Robinson, personne ne s'imagine rien du tout. Je lui indique la direction de la porte. Elle semble décontenancée. Maintenant que vous avez ce dont vous aviez besoin, pourriez-nous nous laisser ? Vous avez interrompu un dîner important. L'air quelque peu vexé, Mme Robinson se lève, et prend le chemin de la porte. Très bien. Mais vous savez que... Nous verrons plus tard pour nous arranger, ne vous en faites pas pour cela. Je suis presque coller à elle pour la pousser hors de l'appartement. Je vois que je suis de trop ! Le ton pincé, l'honorable dame ouvre la porte.

Déboule alors dans l'appartement une furie. Un vieil homme cette fois-ci, coiffé d'un chapeau de feutre noir. Oui vieille bique, tu déranges, alors débarrasse le parquer !, dit-il en faisant tournoyer son long manteau noir autour de lui avant de le suspendre à porte-manteau et d'ôter son couvre-chef pour laisser apparaitre un crâne dégarni. Oh ! Comment osez-vous ?! Je reste une seconde stupéfait par ce que je viens d'entendre, davantage que par son arrivée surprise dont j'ai presque pris l'habitude. Jiji ! Je regarde Daisy, à deux doigts d'exploser de rire -va-t-on avoir la paix ce soir ?! Tu nous agaces, du vent, bécasse. Il parle très fort, et ne lui laissant pas le temps d'en placer une, le vieillard claque la porte au nez de la voisine que toute cette agitation a poussé sur le palier. Je l'entends rouspéter derrière la porte.

Quelle insupportable femme ! Je ne comprends pas pourquoi tu l'invites chez toi. J'ouvre la bouche pour répondre, mais mon grand-père tourne déjà les talons vers Daisy. Miss Wellington ! Il lui fait un baise-main éculé -c'est la soirée des vieilleries faut croire... Quel plaisir ! Son anglais est esquinté d'un fort accent oriental. Merci pour la... Il lève les mains au-dessus de sa tête, habité. Fiston, tu dois apprendre à te débrouiller seul. Ton vieux papi ne peux pas toujours être derrière toi. Humm ? C'est quand même fort de café ! Je reste planté là, comme un enfant. Et vous ? Vous ne pouvez pas l'aider ? Il s'adresse à Daisy. Après l'avoir poliment saluer, il l'invective. Ah les jeunes ! Je vous sauve le coup, cette fois. Je regarde Daisy. Puisqu'il est impossible d'avoir la paix ici : Ca te dit qu'on termine dehors ? J'attrape ma veste alors qu'Hiruzen ouvre le placard à balais. Oh ! Tu as un nouveau balais, fiston ? Et mes yeux implorent mon amie.