Aujourd'hui, je rencontre mon tuteur de stage. C'est un moment un peu angoissant, j'espère tomber sur quelqu'un de cool et compétent à la fois, et surtout pas sur un vieux grincheux rabat-joie qui aura clairement le mérite de rendre mon stage bien plus difficile et peu intéressant. Au pire, je pourrais toujours essayer de lui rendre le sourire avec le mien, mais ça sera forcément plus long et compliqué que s'il a déjà quelques prédispositions là-dedans.

Déjà il y a quelque chose de positif dans notre rencontre : il revient de vacances. Quoique ça pourrait être négatif aussi en réalité, s'il n'a pas le coeur à reprendre le travail et qu'il arrive déjà blasé à l'idée de la reprise. Mais je vois plutôt le côté positif pour ma part, puisque moi-même je suis relativement enjoué et impatient à l'idée de démarrer mon apprentissage. Et aussi d'avoir une paie, bien entendu. En conséquence, j'imagine plus facilement que ça sera positif pour les autres aussi, ce qui inclue mon tuteur.

Il arrive d'ailleurs ! Je suppose que c'est lui en tous cas, puisque tout le reste de l'open-space est arrivé selon les dires des concernés. J'ai déjà parlé avec chacun d'eux depuis que je suis arrivé il y a quelques minutes, apprenant entre autres leurs noms ainsi que le fait que mon tuteur revienne de vacances aujourd'hui même. Donc quand un nouveau visage entre finalement dans la pièce, avec des cadeaux pour ses collègues de surcroît, je me doute que ça doit être lui !

Pour l'instant, je reste mitigé sur ce que je vois. Il a une canne et semble donc être handicapé. Forcément si je devais m'arrêter à un premier jugement purement physique, je m'interrogerais sur sa faculté à être dans la brigade magique. Il ne serait pas mieux dans un bureau ? Il va réellement bien me former sur le terrain si lui-même n'y est pas ou plus apte ? Ca va seulement sur le terrain un infirme ? J'espère qu'il ne s'agit pas d'un bizutage des nouveaux stagiaires...

Heureusement, je ne m'arrête jamais vraiment à la première impression, je ne sais que trop bien combien ça ne veut rien dire et qu'il peut y avoir des choses bien plus profondes cachées derrière l'apparence. Puis il y a aussi le positif dans ce que je vois : il a l'air généreux et proche de ses collègues, puisqu'il offre des cadeaux à chacun. Enfin des cadeaux... J'avoue que les sacs poubelles, la plupart des gens le prendraient sûrement mal. Pas moi pour le coup, c'est tellement multifonctions quand on est dans la rue, personnellement ça m'aurait plu également. Après, il s'agit peut-être d'une blague entre eux ?

Il me remarque alors. Jusqu'alors assis à un bureau vide, probablement le sien du coup, je me relève afin de le saluer correctement. Je suis paré à tout : serrer la main, faire un simple mouvement de tête, ou même lui faire la bise si c'est son genre ; je saurais lui rendre le salut qu'il attend afin de bien commencer notre relation qui risque de durer. Il s'appelle Simeon Roy. Déjà c'est un bon point, c'est simple à retenir tout comme à prononcer. Allez, ne lui rendons surtout pas la pareille en me présentant à mon tour !

"Enchanté, je m'appelle Ludwik Jakubowski. Merci pour le cadeau, ça me fait vraiment plaisir !"

Le grand sourire que j'affiche, presque continuellement, aide souvent à mieux digérer mon nom. Quant au cadeau, j'en suis réellement très satisfait. Je craignais justement de passer toute la journée dans les bureaux, à faire des tâches peut-être ingrates et peu intéressantes pour mon premier jour. C'est donc une très bonne surprise ! J'ai toujours préféré le terrain de manière générale en plus. Pas forcément l'action non plus, à ce niveau-là c'est cinquante-cinquante. Mais le terrain, ce n'est pas que de l'action. C'est aussi de l'observation, de la réflexion ou encore de l'adaptation. Des choses que je connais très bien grâce à la rue, et qui m'y rendent plus à l'aise que derrière un bureau. Ma voix se veut donc plus enjouée encore qu'à l'accoutumée quand je lui en demande davantage.

"Où allons-nous et qu'allons-nous faire ?"

En tous cas, ça va donc bien sur le terrain un infirme.

Si je devais m'arrêter à une première impression, elle ne serait pas forcément des plus glorifiantes. Ca commençait pourtant bien avec cette bonne nouvelle d'aller sur le terrain. Mais finalement ça ne promet pas d'être si intéressant non plus : il s'agit juste d'une simple patrouille "pour se montrer". Ce n'est pas vraiment une affaire donc, on va juste se promener en quelque sorte. Ca reste sûrement mieux que rester derrière un bureau, certes, mais l'espace d'un instant j'avais certainement espéré un peu plus. Mais je ne suis qu'apprenti et c'est mon premier jour, j'aurais dû éviter de m'emballer et de nourrir de faux espoirs, ça me semble évident que nous allons commencer doucement.

Là où je ne sais pas trop quoi penser de ce Simeon, c'est quand il essaye de se montrer rassurant. Il me dit d'abord qu'il ne risque pas de se passer quoi que ce soit, ce qui au passage renforce l'idée qu'il y a de fortes chances de "s'ennuyer" ; mais juste après il me parle d'une histoire d'explosion qui est loin d'être rassurante, en plus d'être une affaire non résolue apparemment. Je suis son premier apprenti n'est-ce pas ? A-t-il déjà eu quelqu'un sous sa directive à vrai dire ? Parce que c'est assez spécial comme technique de première approche, à moins que le but soit de faire fuir les nouveaux ? Ou qu'il s'agisse d'un bizutage ? Je ne me démonte pas pour autant, gardant mon sourire et mon enthousiasme malgré tout.

"OK, super ! Tant que nous n'entrons dans aucun bâtiment, tout devrait bien se passer alors."

Il me demande ensuite si j'ai bien reçu mon insigne et mon uniforme. Bien sûr, si nous devons aller sur le terrain, je vais devoir afficher plus officiellement mon appartenance.

"Ah oui, j'ai posé ça juste là. Je ne pensais pas m'en servir dès aujourd'hui."

Je montre la petite pile de vêtements posée sur le bureau, avant d'attraper l'insigne pour le regarder de plus près. Je l'ai déjà fait dès que je l'ai reçu, mais je trouve ça classe alors je ne m'en lasse pas pour le moment. J'attrape ensuite l'uniforme afin de le déplier et l'admirer de plus près. Admirer est peut-être un bien grand mot, il a l'air d'avoir déjà bien vécu le pauvre, il a clairement perdu de ses couleurs en plus de montrer quelques marques d'usure. Mais ça ne me dérange pas : quand on vit dans la rue, ce genre de vêtements devient vite notre quotidien. On sait les apprécier à leur juste valeur et se satisfaire de leur existence.

"Génial, j'ai hâte de l'essayer ! C'est un prêt c'est ça ? Je suppose que je ne suis pas le premier à le porter. Je peux aller me changer où ? Et où puis-je déposer mes vêtements ?"

Je suis plutôt pudique, je ne compte pas le faire devant tout le monde, j'espère qu'ils ont des vestiaires ou quelque chose dans le genre.

Sans surprise, Simeon m'apprend que l'uniforme a été porté par d'autres personnes avant moi, dont lui-même visiblement. Est-ce que je dois le prendre comme un honneur ? Je ne sais pas encore, je ne le connais pas pour l'instant. L'avenir nous le dira. Pour l'instant, je me dirige vers le vestiaire dont il m'a indiqué la position. Je me change rapidement, constatant au passage que les vêtements sont un poil trop grand pour moi. Mais de pas grand-chose, ça ne devrait donc pas être gênant. Il faut dire que je ne suis pas très épais... Il faut voir le côté positif : il vaut mieux dans ce sens-là que dans l'autre. S'ils devaient être trop petits, là ça aurait été vraiment embêtant.

Tandis que je reviens, je me demande si je dois le prévenir que je ne sais pas transplaner. Puisqu'il a prévu de nous emmener sur le terrain de cette façon-là, il faudra forcément qu'il s'occupe de me transporter avec lui. Il l'a probablement lu dans mon dossier ? Je devrais peut-être lui en parler tout de même juste au cas où, tant pis si je dois passer pour un boulet. De toute façon avec sa canne, il doit probablement régulièrement être considéré comme tel par certains, j'ose espérer qu'il saura se montrer compréhensif et compatissant. Je n'ai toutefois pas le temps de lui dire qu'il m'apprend que nous devons partir incognito... et donc que je ne dois pas porter l'uniforme.

"Quoi ? Sérieusement ?"

C'est sorti tout seul, mais ce n'était pas un reproche ni dit méchamment. Je trouve juste ça étrange de me le dire que maintenant, après m'avoir envoyé me changer. C'est une forme de bizutage peut-être ? Ce n'est pas très sympathique, mais il y a pire donc je ne vais pas m'en plaindre non plus. Si ça s'arrête là et qu'on ne me fait rien de pire, ça m'ira. En attendant, je repars donc dans le vestiaire pour remettre mes vêtements civils. Lorsque je reviens, j'attends un bref instant, juste pour être sûr qu'on ne me renvoie pas mettre mon uniforme finalement ; puis je décide d'être honnête quant au transplanage quand je pense que nous sommes prêts à partir.

"Je ne sais pas transplaner par contre... Vous pourriez vous en occuper si ça ne vous dérange pas ?"

Je préfère rester évasif sur le sujet, on verra bien s'il me pose des questions plus tard sur le pourquoi du comment. En attendant, nous partons donc en direction de l'allée des embrumes. Afin d'essayer de m'assurer que nous ne reviendrons pas sur le sujet de mon incapacité à transplaner, je tente de lancer une autre discussion à peine arrivés. En plus, c'est une véritable question que je me dois de poser dans notre mission afin d'être sûr de ne commettre aucune bévue par la suite.

"Dites, puisque nous devons rester incognito, est-ce que je devrais vous tutoyer ? Nous ne devons pas avoir une grosse différence d'âge non ? Ca risque peut-être de paraître bizarre si je vous vouvoie ?"

Non pas que je veuille lui manquer de respect, mais pour ma part je trouverais ça très étrange si je voyais deux jeunes dont l'un tutoyait l'autre tandis que l'autre le vouvoyais. Je me dirais forcément qu'un lien hiérarchique existe entre eux, ou quelque chose dans le même genre. Bien entendu, j'ai posé mes questions à voix basse afin de ne pas être entendu par des oreilles indiscrètes.

Visiblement, Simeon supporte mal de vieillir : il tient particulièrement à ce que je le tutoie, même après cette mission. Ca risque de me faire bizarre au début, ça reste tout de même mon supérieur hiérarchique, mais je suppose que je finirai par m'habituer. Il m'apprend également quelque chose de très intéressant : je peux suivre des cours pour transplaner une fois par semaine. C'est gratuit ?

"Ah oui ? Je n'avais pas eu cette information... Il y a des frais d'inscription ou bien c'est offert aux membres du ministère ? Pas de soucis pour le tutoiement sinon, et je suis prêt !"

Il fallait payer pour suivre les cours pendant les études, c'est pour ça que je n'ai pas pu le faire. Je me doute qu'il y a toujours un coût aujourd'hui, mais peut-être que celui-ci est pris en charge par le ministère afin de s'assurer que la plupart de ses agents puissent transplaner ? Selon nos missions, c'est sûr que ne pas savoir le faire pourrait s'avérer être handicapant, et donc faire de moi un boulet... Même sans ça, ça m'intéressait déjà avant de toute façon, donc si c'est offert j'y cours sans hésiter. Si c'est payant en revanche... il faudrait au moins attendre d'avoir mis assez d'argent de côté avec mes paies.

Nous arrivons finalement dans une petite ruelle, puis nous marchons quelques mètres. J'en profite pour lire rapidement le briefing que Simeon m'a donné, avant de l'enfouir dans une poche pour que personne ne le voie par la suite. Ca reste une mission incognito après tout, ce serait dommage que quelqu'un tombe dessus et le lise. Puis nous arrivons finalement à destination, et je laisse évidemment faire mon chef. Même si je ne suis pas censé être son subordonné aux yeux des gens présents, je me vois mal prendre trop d'initiatives au risque de tout faire capoter, surtout pour mon premier jour. Je compte plutôt être un suiveur, mais en agissant subtilement.

De toute façon il n'y a personne dans la boutique pour l'instant, hormis l'homme dont nous devons prendre la déposition. Simeon me donne d'ailleurs déjà une première tâche : épier discrètement ceux-là mêmes qui nous épient depuis l'extérieur. Ca va, ça devrait être une tâche abordable normalement. J'agis aussitôt très naturellement, comme je le ferais en dehors de mes fonctions. Je me dirige gaiement vers les chapeaux, choisissant parmi eux ceux qui me plaisent le plus. J'en prends un, puis un autre, j'hésite, j'en remets un et le remplace par un similaire ; et je continue ce petit manège sur une bonne partie de la marchandise, ne manquant pas d'observer furtivement à l'extérieur entre deux couvre-chefs.

Je me permets également d'en essayer quelques-uns, m'admirant dans le miroir mis à cet effet à chaque fois. Sa position est idéale : il est orienté vers la fenêtre, me permettant d'observer dehors avec plus de discrétion encore tandis que je tourne autour pour me voir sous tous les angles, faisant mine de regarder mon reflet. Ce que je fais aussi au passage en fait, et l'un des chapeaux me plaît même bien en réalité. Je pourrais peut-être repartir avec en tant qu'avantage en nature ?

"Celui-ci est vraiment sympa, il me va bien. Il protégera bien du soleil comme de la pluie en plus, il est parfait !"

Je ne sais pas s'il est vraiment nécessaire de faire semblant d'en parler également, mais autant joindre l'utile à l'agréable en donnant mon avis à haute voix. Si on nous épie à en lire sur nos lèvres, au moins mon rôle sera plus crédible ainsi. D'ailleurs, puisque je suis réellement satisfait par ce chapeau, je retourne vers le comptoir en le gardant sur la tête pour le moment. J'ai fini d'observer l'extérieur, j'ai noté trois personnes qui regardaient avec trop d'insistance vers nous, et j'ai bien mémorisé leurs visages. De retour vers Simeon, j'en profite pour lui faire passer le message.

"Il y en a trois qui ont retenu mon attention, mais celui-ci reste mon préféré."

J'en fais peut-être trop en voulant utiliser un "langage codé" ? Tant pis, c'est fait. Mais je suppose que ce n'était pas nécessaire, puisqu'eux deux parlent clairement à voix haute depuis tout à l'heure sans cacher leurs intentions. J'ai d'ailleurs soigneusement tout écouté malgré mes essayages, jusqu'aux hésitations de l'homme qui nous a pourtant fait venir. Si nous sommes là, c'est qu'il n'est sûrement pas loin de craquer et de tout nous dire, il faut juste l'y pousser un peu.

"Eh bien personne n'est obligé de savoir que vous avez parlé. Vous auriez tout aussi bien pu vous faire extraire ces informations par un legilimen par exemple. Si vous jouez là-dessus, ça peut vous innocenter, et en parallèle vous ferez une bonne action en évitant que la situation ne dégénère. Quelque chose me dit que vous vous en voudriez bien plus s'il arrivait malheur à cause de ça, non ?"

Oups, je pouvais intervenir comme ça ? Finalement j'ai opté pour prendre une initiative... En même temps, le sujet de la legilimancie m'intéresse particulièrement, je n'ai pas pu m'empêcher de faire ce rapprochement.
Soudainement, je crois entendre un bruit suspect mais discret derrière moi, je crains que quelqu'un ne vienne de rentrer "sans un bruit". Je reprends aussitôt mon rôle, ôtant mon chapeau et le présentant à l'homme, tentant de voir de l'inquiétude ou une autre émotion qui me mettrait sur la voie dans son regard.

"C'est combien du coup ?"