Aujourd'hui est le grand jour, je vais pouvoir commencer officiellement ma formation en legilimancie. A moins que ce soit l'occlumancie ? Je ne sais pas encore par laquelle de deux voies mon formateur a décidé de démarrer mon apprentissage. En tous cas, pour l'une comme pour l'autre, j'ai hâte ! J'ai déjà quelques bonnes notions théoriques grâce à mon ancien professeur de défense contre les forces du mal, mais je manque cruellement de pratique et je suis impatient de pouvoir m'y essayer. Même si je me doute que je ne vais pas pouvoir réellement m'en servir de sitôt. Mais au moins, je pourrais m'entraîner quotidiennement en toute légalité après ça !

L'homme que je dois rencontrer pour me former est un dénommé Marx Sohei. Je ne le connais pas encore au sein du ministère. Je ne connais pas grand monde en fait, je débarque presque à peine en tant qu'apprenti au sein de la brigade magique. Hormis mon tuteur, je n'ai pas eu affaire à beaucoup de mes collègues pour le moment. Pas cet homme en tous cas, ou alors sans savoir qui il était si je l'ai déjà croisé. Je l'attends donc patiemment, en observant chaque personne qui passe non loin de moi en me demandant s'il s'agit de lui. Peut-être même en les dévisageant un peu trop du coup ?

Tant pis, le grand sourire que j'affiche doit sûrement mettre en confiance et rendre mon attitude moins étrange. Je suis assez souriant par nature, mais je le suis probablement plus encore maintenant tant je suis impatient de démarrer cette formation. Il faut dire que j'en attends beaucoup, de la legilimancie comme de l'occlumancie. La première pour mon intérêt et ma curiosité personnels ; la seconde pour nous protéger Pawel et moi.

"Bonjour !"

Un autre collègue, qui me retourne mon salut mais sans s'arrêter : ce n'est probablement pas monsieur Sohei. J'ai un peu d'avance en même temps, je voulais être sûr de ne pas arriver en retard dès mon premier jour de formation. J'attends donc depuis de longues minutes dans ce couloir où nous devons nous retrouver, mais ça ne me dérange pas. Je suis habitué à patienter dans la rue, alors le faire au chaud et à l'abri ici ne me dérange pas le moins du monde. De toute manière, l'heure approche, il ne devrait plus tarder à arriver.

Le voilà enfin ! J'exagère peut-être en disant "enfin" puisqu'il est pile à l'heure en fait, c'est l'impatience qui me fait penser ainsi. Je me redresse dès qu'il arrive en me saluant, non pas que je me sois avachi non plus. C'est plus un réflexe pour être sûr de ne pas faire mauvaise impression. Je note au passage sa robe rouge. Couplée au fait qu'il soit au ministère, j'en déduis qu'il doit être membre du magenmagot. Il y avait donc peu de chances pour que je le croise, nous ne sommes pas vraiment dans le même service. Puis son visage ne me dit vraiment rien, donc c'est sûr : nous ne nous sommes pas encore vus. Il le confirme d'ailleurs assez vite en me demandant de confirmer mon identité, qu'il a très légèrement écorchée. Rien de bien grave, c'était presque bon du premier coup ! Je sais que les consonances polonaises peu habituelles de mes nom et prénom peuvent parfois conduire à de mauvaises prononciations, je ne m'en offusque pas et garde le sourire malgré tout.

"Bonjour ! Ludwik Jakubowski, c'est ça. Enchanté monsieur !"

Quant à ma façon de le signaler, ça dépend souvent de mon interlocuteur. Ici, il s'agit de mon formateur. Je ne le connais pas, je ne sais pas à quel point nous garderons une distance professionnelle ou si nous sympathiserons au point d'être légèrement plus familiers : je m'exécute donc de façon discrète et polie, en reprononçant mon prénom correctement sans lui faire remarquer son accrochage et en continuant d'afficher mon sourire, comme si je n'avais rien entendu.

Il tire ensuite sa baguette, à ma grande surprise. Déjà ? Nous allons passer directement à la pratique ? Survoler la théorie ? Tant mieux si c'est le cas, ça m'arrangerait, mais ça m'étonne tout de même. A voir... Il me demande à quoi ressemblaient mes entraînements en occlumancie jusque-là. Evidemment, je n'ai pas menti sur le fait que j'avais déjà des notions théoriques, ça n'aurait servi à rien et ça se serait sûrement su tôt ou tard. Si ça me permet en plus de gagner du temps sur ma formation, j'avais toutes les raisons de le faire.

Nous allons donc commencer par l'occlumancie. Bien, je ne sais pas ce que j'aurais préféré entre ça et la legilimancie, les deux m'intéressent tellement. Ca m'arrange qu'il ait décidé au lieu de me laisser le choix. Par contre, en le voyant avec sa baguette, j'espère qu'il ne compte pas user de legilimancie sur moi pour me former à l'occlumancie... Je me demande à quel point je devrais lui révéler mes "secrets" en amont ; et dans quelles mesures je pourrais tenter de les préserver en espérant qu'il ne les trouve pas de lui-même... Pour l'instant, je vais tenter de lui répondre le plus précisément possible sur la question qu'il me pose, il y a déjà de quoi dire à ce sujet.

"Je ne sais pas vraiment si on peut appeler ça un entraînement. J'ai surtout acquis des bases purement théoriques en réalité. Dans la pratique... j'ai essentiellement effectué quelques exercices pour m'y préparer un peu, mais sans utiliser de magie à aucun moment."

Je me remémore les moments passés avec monsieur Stevenson, en espérant ne pas lui attirer d'ennuis avec ce que je vais révéler de nos petits cours particuliers. Logiquement il ne craint rien : il ne m'a rien appris qui soit interdit, et il se doutait bien que le premier legilimen croisé pourrait découvrir toute la vérité dans ma tête. Je reste donc plutôt confiant quant à ce que je m'apprête à dire concernant la "pratique".

"J'ai principalement fait des exercices de maîtrise de soi, comme essayer de me concentrer sur un objectif au milieu d'un chaos sans nom et en me faisant bousculer, ou encore tenter de garder mon calme pendant qu'on me provoque pour me pousser à bout. J'ai aussi eu d'autres exercices où je devais faire le vide dans ma tête et ne penser à absolument rien. Ce qui est bien plus difficile qu'on ne pourrait le croire d'ailleurs, pourtant sans la pression magique en plus. Ou au contraire d'essayer de penser à plein de choses différentes en même temps. Et ça non plus ce n'était pas plus facile... Ah et j'ai aussi eu quelques entraînements d'endurance... Mais j'avoue ne pas forcément avoir toujours bien compris l'utilité de certains exercices par rapport à l'occlumancie."

J'arrive assez bien à imaginer le lien entre l'occlumancie et le fait de me vider l'esprit ou de garder ma concentration, mais le sport ? Ce n'est tout de même pas si éprouvant ou fatiguant ? Après ça ne me dérange pas et je m'y suis tout de même plié, je suis de toute façon déjà assez sportif de base grâce à la danse. Il y a juste mes carences nutritives que je tente de combler au mieux, même si ce n'est pas toujours facile dans ma situation actuelle.

Nous commençons donc par des rappels théoriques, ce qui me va. Ca va lui permettre de s'assurer que je n'ai pas de lacunes pour pouvoir entamer plus sereinement la partie pratique. De plus, la formation promet d'être efficace : en plus de ses propos, un tableau se remplit également en parallèle, et le tout sera aussi consigné à côté pour que je puisse repartir avec. Je n'ai donc pas à m'inquiéter à ce niveau-là, je vais pouvoir écouter et me concentrer pleinement sur ce qu'il me dit.

Ca commence par un résumé de ce qu'est l'occlumancie. Jusque-là tout va bien, je savais évidemment déjà tout ceci, et c'est même bien pour cette raison que je suis là et que ça m'intéresse grandement. Il me décrit ensuite des façons d'exercer cet art, et je fais facilement le rapprochement avec les quelques entraînements que j'ai effectués par le passé. Ca aussi, je l'avais plutôt compris auparavant. Là où je m'interroge davantage, c'est sur la façon de choisir telle ou telle méthode. Est-ce que ça dépend uniquement de l'occlumen, ou plutôt du legilimen que l'on souhaite arrêter ? Je me demande également ce qu'il veut dire par "contre-attaquer et refouler l'intrus", sur la façon de le faire exactement. Mais je suppose qu'il risque de répondre à toutes ces questions d'ici peu, alors je me contente d'écouter pour l'instant, en mettant de côté toutes mes interrogations au cas où il n'y répondrait finalement pas.

"Tout est parfaitement clair oui !"

La suite aussi je l'ai déjà entendue de mon ancien professeur, c'est d'ailleurs l'un des points qui m'inquiètent le plus tout en me fascinant également. Ca m'inquiète car je sais qu'être occlumen ne suffira pas à me prémunir contre tout. Pour ça, il faudrait que je sois "le meilleur", ou en tous cas particulièrement bon. Mais ça ne me fait pas peur, je vais me donner les moyens pour y arriver. Et on en arrive d'ailleurs à la partie qui me fascine : j'adorerais pouvoir jouer avec un legilimen en l'emmenant où je le souhaite tout en lui laissant croire que c'est lui qui a le dessus. Là aussi je me doute que ça nécessitera du temps et de la rigueur, mais une fois de plus ça ne m'effraie pas.

Je ne connais pas la course d'Alice et la reine Rouge par contre... Je ne vois pas trop ce qu'il veut dire par là. Je l'ajoute aux questions à poser plus tard. Nous devrions avoir le temps en une heure, ou alors par courrier comme il me le propose. Si ça me permet de pratiquer davantage pour garder la théorie en dehors de nos (trop rares à mon goût) séances, il n'y a pas à hésiter ! J'ai peut-être même une autre idée pour lui poser mes questions tout en pratiquant... Ce qui m'inquiète le plus dans tout ce qu'il me dit sur notre organisation, c'est finalement l'idée de devoir se ménager les premiers mois car ils seront très éprouvants. A quel point exactement ? Je pourrai tout de même danser un peu de temps en temps ? Ca va être compliqué de me nourrir correctement si je ne peux pas gagner de l'argent pour. Et en même temps sans suffisamment de nourriture, je vais tout autant me fatiguer et je risque bien de ne pas tenir la formation. Ca risque d'être difficile à gérer tout ça, je vais devoir voir comment m'y prendre pour m'en sortir au mieux.

"Entendu, je vais faire attention."

Chaque chose en son temps, pour l'instant je reste trop impatient de démarrer la pratique pour me soucier davantage de ces détails. Et ça commence justement : il me conseille de visualiser une boîte qui me servira d'abri, et qui devra devenir un réflexe pour m'y réfugier à la moindre attaque. Je ferme les yeux un instant avant de m'atteler à la tâche. J'imagine assez rapidement la boîte idéale : elle est en pin et de couleur chocolat, assez simple en apparence et plutôt petite, comme si elle n'avait que peu de choses à renfermer mais la rendant bien plus solide aussi. J'y ajoute finalement une petite clé sur le côté, en faisant alors une boîte à musique, dont s'échappe une mélodie douce et apaisante tandis que mes doigts virtuels la font fonctionner. Je me dis que ça sera parfait pour me faire garder mon calme et ma concentration tandis qu'elle gardera mes secrets.

"Je suis prêt."

Je n'ai pas rouvert les yeux en disant ça, afin de ne pas briser ma concentration. Je n'ai d'ailleurs aucune idée du temps que j'ai mis à m'imaginer ma boîte et à la peaufiner avant de lui répondre... Tout ce qui m'importe pour le moment, c'est de respirer au rythme de la musique lente que j'imagine tout en ne pensant qu'à une seule chose au cas où ce cher Marx voudrait user de legilimancie sur moi : c'est quoi Alice et la Reine rouge ? C'est quoi Alice et la Reine rouge ? C'est quoi Alice et la Reine rouge ?

Marx me fait douter au dernier moment avant de commencer. Il va probablement apprendre des choses à mon sujet dit-il... Bien entendu, je m'en doutais un peu, mais ça ne me rassure pas pour autant de l'entendre le dire distinctement. Il faut impérativement que je garde mes secrets les plus précieux, ceux que je tiens vraiment à garder pour moi, et surtout à ne pas expliquer à quelqu'un. Encore moins à mon formateur de ces prochains mois, voire années. J'ai essayé de me préparer à devoir quelques explications à celui qui m'entraînerait, je savais bien que le risque zéro n'existerait pas. Mais franchement, je n'ai rien trouvé de probant à dire pour ma défense... Le véritable exercice va donc être de réussir à garder mes secrets les plus importants, tant pis si d'autres doivent m'échapper durant cette séance ou de futures. C'est le prix à payer pour m'assurer de les protéger au mieux à l'avenir.

Au moins, Marx se veut tout de même le plus réconfortant possible, se montrant avenant et m'invitant à discuter dès que besoin. Nous pourrons également tout arrêter si je le demande. S'il devait s'approcher de Pawel, je pense que c'est ce qu'il se passera, mais j'espère ne pas avoir à en arriver là. Je me console toutefois en me disant que ça sera peut-être réciproque tôt ou tard, puisque les rôles devraient s'inverser d'ici une prochaine formation.

"C'est compris, je vous fais signe au moindre souci."

Je me concentre de nouveau avant que ça ne démarre réellement, en espérant ne plus être déstabilisé. L'exercice commence alors, et ça s'avère bien plus violent que ce que j'imaginais dès le départ. J'ai l'impression qu'il est en train de trifouiller mon cerveau avec ses mains et que je ressens le moindre contact. J'essaye de contenir mes geignements de douleur et mes grimaces, mais j'abandonne bien vite. Ce n'est pas le plus important à vrai dire, dans l'immédiat il faut que je continue de protéger mes secrets, ma douleur apparente n'est pas quelque chose que je cherche particulièrement à cacher.

J'essaye de penser à Alice et la Reine rouge, tout en consolidant ma boîte où je mets tout ce qui m'est personnel. Mais c'est bien plus difficile à faire qu'à dire. Je sens certaines pensées m'échapper, comme s'il les attrapait avec ses doigts pour me les extirper de force et sans ménagement, m'arrachant le souvenir avec un hoquet de douleur. Je continue d'essayer de le noyer avec Alice, mais les fuites sont trop nombreuses et la douleur particulièrement intense ne m'aide pas à réagir correctement. J'ai l'impression que ma tête va littéralement exploser.

Tiens bon.

J'entends quelques notes, je me concentre dessus. Mes plus gros secrets sont dans cette boîte, je dois la maintenir intacte.

Ne pense à rien.

Beaucoup de choses m'échappent, mais pas la plus précieuse. Je garde les yeux fermés, sûrement avec une grimace de douleur figée sur le visage, mais je ne lâche pas le plus important.

Ne cède pas.

On fait pression sur ma tête, elle va exploser. Non pas ma tête, sur ma boîte ! Un petit relâchement sous le coup de la frayeur, et je perds aussitôt la partie. Je sens ma pauvre boîte se briser en mille morceaux, et le peu qu'elle contenait encore s'envoler. Heureusement, Marx s'arrête là aussitôt. Avec un peu de chance, il n'a pas eu le temps de voir Pawel.
Je rouvre les yeux en l'entendant me demander si tout va bien, et je réalise que je suis par terre et en sueur. Je suis tombé ? Je ne m'en suis même pas rendu compte, sûrement sur la fin quand tout s'est écroulé. J'ai mal à la tête, alors son explication sur Alice et la Reine rouge m'arrange bien, ça me fait une petite pause plus que bienvenue. Je me relève en affichant un sourire, mais celui-ci est bien plus crispé et faux que d'habitude.

"Ca... ça va."

Moi-même j'entends à ma propre voix que ce n'est pas le cas. Je porte d'ailleurs la main à mon nez pour vérifier que je ne saigne pas. Je suis sûr que je saigne vu la douleur. Pourtant, je ne vois rien sur mes doigts. Tout doit être dans ma tête alors... Tout sauf les mots qu'il me dit. Je l'entends à peine me dire de ne pas hésiter si j'ai d'autres questions, sans trop rien avoir entendu à l'histoire d'Alice. Tant pis, j'ai d'autres questions plus importantes en tête là.

"Oui... c'est toujours... comme ça ? Je reprends ma respiration pour me contrôler et avoir une diction normale. C'est juste pour l'exercice ? La legilimancie est plus subtile en temps normale sinon ?"

La réponse me semblait évidente jusque-là, mais je ne m'attendais pourtant pas à une telle violence, alors ça me fait douter maintenant... Car dans l'infirmative, je ne serais plus très sûr de vouloir apprendre. C'est sa subtilité qui m'intéressait, mais là c'est sûr qu'on sait que quelqu'un cherche quelque chose dans notre tête... Je lui demanderais bien ce qu'il a vu aussi, mais je n'ose pas. Je préfère croire que s'il avait vu un sujet assez délicat pour moi, il aurait déjà eu une réaction me l'apprenant.
Pour autant, ça ne me décourage pas à continuer, bien au contraire. Il est hors de question que j'échoue en situation réelle si ça devait arriver, je dois apprendre à maîtrise l'occlumancie, cet échec en est la preuve. La douleur passe plus vite que je ne le pensais, ou alors j'en fais abstraction pour le moment. Le résultat est le même : je me sens prêt à recommencer, même si je dois finir épuisé ce soir.

"Je suis prêt, nous pouvons reprendre."

Je suis un peu moins confiant cependant. Je me prépare à un nouvel assaut en sachant mieux à quoi m'en tenir, mais aussi en me doutant que je céderai de nouveau. Mon nouvel objectif n'est plus de réussir parfaitement, mais de résister le plus longtemps possible et en préservant au moins un secret. Et pour ça, ma boîte doit tenir bon. Elle se fissurera s'il le faut, mais elle ne doit plus exploser.

Perte de connaissance et de mémoire : c'était ça son premier cours d'occlumancie pour sa part. C'est censé me rassurer et me réconforter ? Dois-je comprendre que ce que j'ai fait est déjà "bien", ou que c'est ce qui m'attend si nous insistons davantage ? Je préfère me dire que c'est une forme de compliment pour me motiver personnellement.

"D'accord je vois... Je ne m'en suis donc pas si mal sorti pour l'instant on va dire..."

La suite de ses propos est déjà un peu plus rassurante : la legilimancie est fatigante également, mais pas de la même façon ni autant. C'est assez logique une fois qu'il donne plus de détails en fait, puisque l'occlumancie force à se protéger tandis qu'on se fait agresser. C'est toujours plus facile d'être l'agresseur que la victime... Il me redonne également davantage confiance lorsqu'il conclut tout de même sur le fait que les progrès devraient être rapides par la suite. Je devine simplement que ça signifie que ça ne sera pas aujourd'hui, mais après quelques séances qui promettent d'être éprouvantes.

Aussi, quand il me propose de m'essayer à la legilimancie par la suite si je le souhaite, je le vois comme une bonne occasion d'échapper à l'épuisement de l'occlumancie. Je ne vais peut-être pas appeler ça une "pause bienvenue" non plus, quelque chose me dit que ça risque d'être compliqué aussi, mais l'idée est là. Puis si je suis déjà trop fatigué d'ici là, ce n'est pas dit que ça puisse se faire non plus. En tous cas, je vais faire tout mon possible pour tenir et déjà essayer dès aujourd'hui cet autre domaine.

"Ca pourrait être sympa oui ! Ca me donnera quelques clés pour mieux appréhender l'occlumancie par la suite aussi peut-être ?"

Mieux comprendre l'agression peut certainement aider à mieux s'en protéger également après tout. Ca me paraît logique dit ainsi en tous cas, mais peut-être aussi que c'est bien trop propre à chacun, et que découvrir ma propre façon d'être legilimen ne fera pas de moi un bon occlumen pour autant. Sauf contre un occlumen qui agit comme moi, à la rigueur.

Pour le moment, c'est contre Marx que je dois me défendre. L'exercice reprend, et la seconde tentative ne rend pas celle-ci plus aisée que la première. Je n'ai même plus la question sur Alice pour essayer de dévier la conversation, et je me rends compte un peu trop tard que je n'ai même pas préparé cette défense finalement. Mince, à quoi penser ?
Je reconstitue au plus vite ma boîte, malgré la douleur qui apparaît déjà. Je laisse sa musique se diffuser pour tenter de m'apaiser, puis je concentre toutes mes pensées sur... un massage ? Oui, c'est quelque chose qui me détend toujours beaucoup, avec la musique ça fera un duo parfait.

Enfin l'espace d'une seconde ou deux. Très vite, le massage devient un massage thaïlandais un peu trop violent à mon goût, pas du tout dans mon style habituel. Je sens que je recommence à grimacer et à gémir de douleur, et cette fois-ci la finalité que je redoute pour l'avoir déjà vécue une fois ne m'aide pas à mieux tenir. Je sens déjà quelques pensées "importantes" m'échapper. La faim. Allez, un bon massage avec une musique apaisante, que rêver de mieux en ce moment ? Ma famille. J'essaye de ne pas penser à mes craintes, je me concentre sur ma boîte, j'y enferme tout ce que je peux. La rue.

La rue. Tu y as vécu presque toute ta vie, mais ça t'a rendu plus fort et ça ne t'a pas empêché de garder le sourire. Tu ne peux pas t'empêcher d'y penser en ce moment-même, alors que cet homme est en train de te voler ces précieux souvenirs, d'y accéder à ton insu. Il va savoir que tu viens de là, sûrement même que tu n'en es sorti que grâce à la magie, alors que tu étais né-moldu à l'origine. Il va même probablement réaliser qu'aujourd'hui encore, tu y vis toujours. Tant pis, trop de pensées sur la rue t'avaient déjà échappé. Ce n'est qu'un petit sacrifice pour dissimuler plus efficacement le reste. Ne pense plus à rien d'autre, juste à la rue.

Je rouvre les yeux. Je ne suis pas par terre cette fois, mais je me sens pourtant plus épuisé encore. Et surtout, je ne me souviens pas de tout ce qu'il vient de se passer. Je me suis évanoui, comme lui ? Il n'est plus dans ma tête, ça j'en suis sûr, mais je n'ai aucun souvenir du moment où j'ai craqué, où ma boîte a de nouveau explosé. A-t-elle seulement cédé ? Je n'en suis même pas sûr non plus... J'arrive à me remémorer le moment où je me concentrais malgré la douleur. Je sais qu'il a commencé à voir des choses sur ma famille ou sur le fait que j'ai vécu dans la rue, mais après ça... C'est le trou noir. J'espère qu'il n'a pas vu Pawel... Déjà que pour le reste, ça fait beaucoup pour moi, mais ça ça serait vraiment gênant.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

J'ai un mal de crâne encore plus violent que tout à l'heure. Je n'ai pas dû tomber dans les pommes, ça aurait au moins eu le mérite d'être réparateur et de me faire sentir mieux à mon réveil. J'ai juste dû avoir une absence, ou quelque chose dans le genre. J'espère que nous ne pouvons pas avoir de séquelles au cerveau avec ce genre d'entraînement ?

"Je me sens un peu bizarre, cet entraînement est bien sans risques à la fin ? Vous auriez quelque chose pour faire passer la douleur aussi ?"

Je me sens vraiment confus, j'ai l'impression d'avoir été drogué et de divaguer, même mes propos sont sûrement un peu à côté de la plaque. Mais je sens déjà les effets s'estomper aussi, ma lucidité me revient à défaut de toute ma mémoire. Et en réalisant que j'ai oublié ce qui m'a échappé durant la séance, je comprends qu'il a vraiment pu voir des choses que j'ignore m'avoir échappé. Je fais quoi ? Je garde le silence ? Ou je préfère savoir ? Je n'arrive pas à deviner dans son regard ce qu'il a pu découvrir... En même temps selon ce qu'il sait, il vaut sûrement mieux crever l'abcès maintenant que laisser s'installer une situation gênante entre nous.

"Euuuh... dites-moi ? Qu'est-ce que vous avez vu exactement ?"

Marx me confirme que je suis juste un peu sonné mais que je n'ai pas perdu connaissance. Je m'en doutais, mais ça reste rassurant de se le voir confirmer. Par contre, il me dit aussi que j'ai eu beaucoup de mal à vider mon esprit... Ca, c'est déjà moins encourageant, et aussi un peu inquiétant. Est-ce qu'il a vraiment "tout vu", ou est-ce que j'ai tout de même suffisamment bien caché au moins un élément particulièrement sensible ? Evidemment, je ne peux pas directement lui poser la question sans le mettre sur la voie. Je dois rester vague en lui demandant ce qu'il a vu, en espérant qu'il ne gardera rien pour lui à ce moment-là.

Tandis que je pose ma question et qu'il commence à me répondre, je me masse les tempes afin de dissiper au mieux la douleur. Il avait raison, elle ne devrait pas être trop persistante, je la sens déjà moins forte. Et si je dois crouler de fatigue ce soir, je me réconforte en me disant qu'au moins ça sera un sommeil particulièrement réparateur. Mais pour le moment, c'est l'instant présent qui m'intéresse : Marx me pose une question plutôt rhétorique, à savoir si j'ai eu une enfance difficile. Aïe, il en a bien sûr vu beaucoup... Mais ça ne me dit pas quoi exactement, en soi tous mes petits secrets viennent de mon enfance, donc ça reste vague.

"On peut dire ça..."

Mon ton ne se veut pas résigné, j'énonce juste un fait tout en évitant d'entrer dans les détails. Il est plutôt avenant, il me précise bien que rien ne m'oblige à en parler, que ça peut attendre aussi. Je ne sais pas trop j'avoue, j'hésite. A ce rythme-là, il risque bien de tout découvrir par lui-même à force de m'entraîner, alors en parler en amont ne serait peut-être pas une mauvaise idée ? Ce que je déteste dans le fait que ça se sache en fait, c'est surtout la pitié que je risque de voir dans le regard des gens après. Je l'ai suffisamment endurée quand je mendiais, cependant ça allait encore car ça restait de parfaits inconnus. Mais je n'ai pas envie de la voir dans les yeux de personnes dont je vais devoir me rapprocher et que je vais côtoyer au quotidien.

Toutefois, il le saura forcément. Il le sait déjà en fait sûrement. En parler avec mes mots et sans me lamenter sera sûrement bien plus efficace pour éviter sa pitié que de le laisser voir des images par lui-même au risque de se faire un avis larmoyant. Ses propos finissent de me convaincre de toute façon, je m'apprête même à lui répondre en profitant d'un petit blanc. Celui-ci précédait cependant une proposition que je n'ai pas du tout vue venir, et qui me laisse bouche-bée l'espace d'un instant : il a une chambre de libre chez lui et j'y suis le bienvenu si je le souhaite.

Whoua... C'est bien la première fois qu'on me fait une telle offre. En même temps, c'est la première fois qu'on sait que je vis dans la rue. Donc ça confirme qu'il a compris ça déjà. Je ne sais pas quoi répondre par contre, il me prend carrément de court, et il va vite le comprendre si je continue de rester silencieux trop longtemps alors que j'y réfléchis. Mais le choix est difficile finalement. Récolter de l'argent auprès de passants éphémères en offrant quelques prestations de danse, c'est une chose. Se faire héberger "gratuitement" sur une période déjà plus longue en est clairement une autre. Moralement, ça me dérange quand même un peu. J'ai déjà plus ou moins arrêté le vol car ça me pesait, et je dois avouer que ça me donnerait l'impression de recommencer si j'acceptais ça, d'abuser de la situation.

Et en même temps, les nuits sont un peu plus froides en ce moment. Je risque aussi d'avoir besoin d'un vrai repos pour cette formation, je sais déjà que mes nuits ne seront pas assez réparatrices si je les passe dehors... Puis il m'a l'air sincère, je n'ai pas l'impression de déceler de la pitié à mon égard, plus de la compassion. Ca fait une grande différence mine de rien, j'aurais refusé net si je n'y avais vu qu'un acte de pitié. Mais quelles sont ses motivations exactes ? Il fait ça uniquement parce que je suis son élève ? Puis nous restons tout de même de parfaits inconnus l'un pour l'autre actuellement, il a confiance le gars quand même... Que faire, que faire ? Ca fait déjà de trop longues secondes que je réfléchis, ça va installer un blanc vraiment gênant à la longue, je dois briser le silence maintenant.

"Whoa, eh bien... je ne m'attendais pas à ça je dois dire. J'avoue... que je ne sais pas trop quoi dire. Merci déjà ! C'est vraiment gentil de votre part. Mais je ne voudrais pas abuser non plus..."

Ma voix se veut plus émotive que je ne l'aurais cru ou voulu, je réalise que ça m'a davantage touché que je ne le pensais. En fait, c'est la première fois que je ressens ça, c'est la première fois qu'on me tend la main en connaissant ma situation. Du moins, qu'on me la tende réellement, si je fais abstraction des quelques pièces glanées en mendiant qui n'aident en réalité pas plus loin que le soir-même. Et contrairement à ces moments-là justement, cette fois la sensation est très agréable, elle me fait un bien fou sans que je sache dire pourquoi. Je sens comme un énorme poids dans ma poitrine s'alléger, me permettant de me laisser un peu aller et de m'accorder un répit quant au fait de toujours penser au lendemain. Evidemment dans le fond, je sais que c'est temporaire et que je devrai très vite y songer de nouveau, mais pour l'instant je profite de ce moment. Et c'est aussi en grande partie ce qui me décide finalement.

Je me racle un peu la gorge avant de répondre afin de maîtriser de nouveau un peu plus la voix. Je n'ai pas les larmes aux yeux non plus, mais j'aborde un grand sourire tandis que je réponds, un peu plus grand que celui dont je me pare habituellement.

"Ecoutez, j'accepte avec plaisir, mais à une condition : Je veux participer d'une manière ou d'une autre aux frais. Ca peut être en rendant service, en faisant des courses, en aidant aux tâches, tout me va. Mais il n'est pas question que je sois juste hébergé gracieusement. Ca ne va pas vous déranger d'une quelconque façon non plus ?"

Pour la participation, c'est non négociable, je ne tiens pas à faire l'aumône. Quant au fait de déranger, j'espère vraiment ne pas devenir trop intrusif, il m'a l'air d'avoir pris cette décision très vite quand même. Il va falloir que nous apprenions rapidement à nous connaître aussi, ça sera plus commode pour vivre sous le même toit. De toute façon dans cette situation, je compte bien lui en dire un peu plus sur moi. C'était déjà prévu, mais c'est d'autant plus justifié maintenant. Sauf de Pawel bien sûr, ça ça reste notre petit secret entre nous.