C'était la pleine lune dans deux jours ; Eliott avait bien compté les 27 jours qui venaient de s'écouler depuis la dernière fois que la grosse bille blanche avait brillé d'argent dans le ciel qui n'était alors plus du tout noir mais bleu, bleu nuit. Ce serait la quatrième fois depuis que le poison lupin avait infesté son sang ; ça aussi, le Poufsouffle l'avait bien compté. 4. Ce n'était que le début ; Eliott avait estimé à la louche que s'il vivait jusqu'à 50 ans -il ne s'imaginait pas vivre très vieux, à raison de treize lunes bien rondes par an, il se serait transformé près de 440 fois. 440. Le jeune loup-garou en était donc au mieux à 1% de toute l'aventure... Il essayait de ne pas trop y penser, mais ce chiffre l'obsédait malgré tout. 440.

Le palier des 1% arrivait donc, et comme prévu et expérimenté les fois précédentes où il l'avait prise, la potion "gentil loup-loup bien sage" qu'il avait encore prise la semaine passée n'atténuait pas du tout les symptômes de la lycanthropie. Eliott était épuisé alors qu’il faisait déjà d’interminables nuits ; son corps dépensait toute son énergie dans des crises de fièvre, des suées nocturnes et des cauchemars. Alors en réponse, le garçon mangeait comme dix, et il développait même un goût prononcé pour la viande à mesure que la lune grossissait. Plus les jours passaient, plus son envie de viande rouge se faisait forte ; ça l’effrayait beaucoup, Eliott, cette frénésie carnivore qu’il subissait contre son grès et qui avait encore sévi ce soir au banquer. Le jeune lycanthrope étouffait ses fringales de peur que quelqu’un ne le trouva suspect ou vraiment bizarre -plus que d’habitude quoi, et avait profité de moment d’inattention pour emballer dans une serviette du pain, du poulet et une platée de scones. Le repas terminé, la serviette bourrée dans sa poche, Eliott était descendu en vitesse au dortoir pour se laisser choir sur son lit comme une poupée de chiffon dans un grand soupir.

Si son camarade de chambre ne l’avait pas interpelé, Eliott se serait endormi, échoué sur son édredon, sans avoir calculé une seconde qu’il fut là, juste à côté. C’était le problème avec Eliott : déjà que d’ordinaire, il ne faisait trop attention à ce qui se passait autour de lui, mais alors l’arrivée de la pleine lune démultipliait son incapacité à appréhender son environnement. Péniblement, il releva la tête qui dépassa de la couette. Salut. Truesdale n’était le genre bavard, et ce n’était pas sans déplaire à Eliott qui appréciait retenue -souhaitée ou non. Il aimait son camarade de chambre pour cela, et aussi parce qu’il était un ovni, comme lui ; pas pour les mêmes raisons, fallait le dire, mais in fine c’était la même chose. Truesdale était un garçon unique en son genre dans les yeux d’Eliott.

Et là, il voulait taper la discute apparemment. Ce n’était pas vraiment ni le moment ni la période la plus propice pour cela, mais c’était assez sympa pour faire oublier à Eliott que le temps était aux marées de vives eaux. Ava ; fatigué. Comme d’hab, quoi. Eliott se dit qu’il n’avait d’ailleurs même pas remarqué que son camarade n’était pas au banquet -il serait bien incapable de dire qui y était, cela dit. Le Poufsouffle prit quelques secondes de réflexion pour se souvenir de ce qu’il y avait sur la table à manger de leur maison ce soir. Hum, non. Rien de spécial. Eliott bailla à s’en décrocher la mâchoire et cala son coussin sous son menton. Il y avait des champignons avec le poulet. Lui n’en avait pas pris. Tu n’as pas faim d’avoir sauté le dîner ? C’était inimaginable pour Eliott. J'ai des trucs à manger, si tu veux. Le garçon sortit de sa poche de jogging un petit balluchon un peu écrasé qu’il posa au bout de son lit, en direction de Truesdale. Peut-être que le poulet froid ne l’emballerait pas trop, mais les scones feraient sans doute son bonheur.

Non rien de rien, il n'avait rien raté du tout puisqu'il n'y avait rien eu de notable durant le repas. Même ce première année chez les Serdaigle qui avait manqué de s'étouffer avec un de ces petits os qu'on retrouve dans les ailes de poulet, ce n'était pas assez notable pour qu'Eliott s'en souvienne après avoir quitté la Grande Salle les poches pleines de nourriture. On va se coucher tôt alors. Puisqu'ils étaient tous les deux fatigués ; même si Eliott était toujours le premier au lit, et le dernier à se lever le matin. Le jeune lycanthrope avait dit ça en serrant contre lui son oreiller moelleux à l'odeur réconfortante.

Truedale ne voulait pas de la nourriture qu'Eliott lui proposait, avançant un régime contraint de fibres et d’arêtes. Il avait même l'air embêté de décliner cette offre ; Eliott ne savait pas trop bien si c'était parce ça l'ennuyait vraiment de décliner un geste qui se voulait amical ou parce qu'il aurait dû se souvenir que son camarade de classe et de dortoir depuis maintenant plusieurs années ne mangeait pas de poulet ni de poulet pas encore né. Ah ; c'est vrai, dit-il tout simplement en portant à sa bouche des petits morceaux de viande blanche sans réaliser qu'il était en train de manger. Pas grave, t'inquiète. Alors pas "pas grave" genre "c'est pas grave de ne pas manger de viande" hein, mais plutôt genre "tu as le droit de dire non sans avoir à te justifier" ; mais pas sûr que tout cela soit très clair.

Surtout vu le drôle de sourire que lui faisait maintenant Truedale. T'es pas obligé de sourire hein. A comprendre "t'as pas à te forcer", mais là encore ce n'était peut-être pas très clair. Truedale était suffisamment particulier, et Eliott le connaissait assez pour réaliser que son sourire n'avait rien d'habituel ; ce n'était pas sa manière de faire, pas comme le petit qu'il avait au coin de la bouche quelques secondes plus tôt. Non pas qu'il s'y connaisse en rictus hein, puisque de toute façon Eliott n'avait qu'une seule et unique façon de sourire qu'il soit simplement satisfait ou bigrement euphorique ; bien que ce dernier état ne lui soit pas vraiment familier.

Bref, toute la mangeaille serait pour lui. Ah bon ? C'était curieux cette incidence de la pleine lune sur son appétit, exactement comme lui mais en miroir totale. Lui avait de fringale avant que la lune ne soit complètement ronde alors que Truedale c'était après ; lui avait de grosses envies de viande alors que Truedale voulait se gaver de pommes. Ou de poires. Comme le contraire du loup-garou, sa réciproque ; un lapin-garou genre. Eliott ne releva pas ces réflexions, par crainte de dire quelque chose qu'il pourrait regretter, qui pourrait mener directement à son expulsion de Poudlard à savoir son accord au mutisme avec la direction de l'école. Il se dissimula un peu derrière son coussin. Néanmoins, sa curiosité était piqué. C'est bizarre. Ça t'a toujours fait ça ? Des fois j'ai des grosses fringales de ouf aussi, et je peux dévorer tout un paquet de biscuits d'un seul coup. Mais rien à voir avec la lune. Ça lui arrivait souvent après avoir passé l'après-midi à fumer avec ses potes de Liverpool. Ça aussi il le tut en avalant un des scones à la vanille.

Eliott avait du mal à bien suivre la conversation maintenant que son ventre était plein ; la fringale passée, le loup qui grognait dans ses entrailles, impatient de sortir, avait envie de dormir. Eliott n’était pas très agressif malgré les deux pauvres qu’il restait avant que la lune soit totalement pleine, sans doute parce qu’il était avec Truedale, et que son camarade était beaucoup de chose mais pas irritant. Surtout, il était épuisé ; genre vraiment épuisé, bien plus qu’à l’ordinaire. Une fatigue lourde, si lourde que quand il clignait des yeux le Poufsouffle ne savait s’il allait être capable de relever ses paupières. Là, il comprenait juste que Truedale l’aimait genre moyen -aimer, apprécier, estimer, tout ça c’était la même chose pour Eliott, pas assez pour avoir le droit à un sourire sincère ; mais ça lui importait peu à vrai dire. Il n’y avait pas de raison pour qu’il l’apprécia particulièrement, Eliott n’avait jamais vraiment fait d’effort pour se rapprocher de lui -ou de qui que ce soit d’ailleurs ; il laissait faire les choses, la vie, la contingence, et puis il composait avec ce qui lui tombait dessus. Te bile pas avec ce genre de truc en vrai. Eliott ne forçait jamais, même là il n’écoutait que d’une oreille alors qu’il y avait matière à une vraie discussion avec Truedale ; il bailla fort.

Ce qui lui fit dresser l’oreille en revanche, ce fut le mot “loup-garou” dans la bouche de son camarade de chambré. Eliott roula sur le ventre pour faire face à Truedale, les yeux mi-clos -il n’arrivait pas à les ouvrir davantage, et teintés d’une certaine nervosité fort inhabituelle chez le Poufsouffle. Quoi ? Il ne comprenait pas ; Truedale lui demandait s’il était un loup-garou ?! S’il avait toujours été un loup-garou ?! Comment pouvait-il être au courant ? Je… Non. L’expression pleine de perplexité, Eliott essayer de comprendre à quel moment son camarade avait pu capter. Il était maudit seulement depuis cet été, et il ne s’était écoulé que deux pleine lune depuis la rentrée ; il avait fait à chaque fois attention, et les profs devaient le couvrir. Ils devaient. Les sourcils du garçon, d’ordinaire si stoïques, se courbèrent vers le bas en signe d’irritation. Pourquoi tu dis ça ? Cette fois-ci, le ton se fit non pas agressif mais un chouia plus mordant. Si ça se savait, par Merlin, il allait être renvoyé, et alors encore plus de gens seraient au courant et jamais il n’obtiendrait son diplôme -si tant était que ce fusse possible, et donc jamais il n’aurait de travail et il finirait comme sa mère ; aigre, prostré chez lui devant la télévision à bouffer du poulet en attendant chaque mois cette foutue pleine lune qui lui pourrit son existence ridicule pour le restant de ses jours. C’était la pire des perspectives pour Eliott ; être comme sa mère.

La tête d'Eliott bouillonnait d'incompréhension et de peur que le poison lupin dans sa chair renforçait terriblement à quelques jours de la pleine lune. C'était comme lui enfoncer un tison brulant dans les tempes, ou plutôt de longues griffes affilées. Pourquoi Truesdale avait-il l'air aussi perdu que lui ? Eliott n'en savait rien, il ne voyait pas ; il n'y avait que cette angoisse terrible qui lui remontait violemment des tripes. Le Poufsouffle se redressa sur son lit pour faire face à son camarade, le visage légèrement déformé par une grimace tourmentée ; sa main empoignait son t-shirt au niveau de sa poitrine qui se soulevait de manière arythmique. J'ai pas dit ça... Eliott aurait pu simplement ignorer la question, cette remarque de Truesdale, feindre l'incompréhension et passer à autre chose comme il le faisait d'ordinaire tout à fait naturellement au point de ne plus s'en rendre compte. Mais là, c'était comme si la bête qui s'éveillait avec le retour des vives eaux cherchait à hurler qu'elle était là, à se faire entendre, à se faire voir. Eliott se trouvait pris au dépourvu et contenait mal sa panique. Je... J'ai pas... Eliott transpirait à grosses gouttes.

Et lorsque Truesdale eut ces mots, ceux qu'il craignait, "pleine lune", ce fut pour Eliott comme l'éclatement d'un plafond de verre. Il ouvrit la bouche pour répondre au Poufsouffle, les lèvres tremblantes, sa main encore plus resserrée sur son torse, mais pour lui répondre quoi ; il était grillé, démasqué et il serait sévèrement puni pour ça. Eliott n'avait pas été fichu de s'en tenir à ce qui avait été décidé, à son insu peut-être mais quelle marge de manœuvre avait-il alors, et il décevait tout le monde encore une fois. Eliott aurai pu jurer sentir au fond de lui une infime délectation à cette pitoyable tombée de rideau. Sa respiration se fit plus forte, il bredouilla. Non... Non... Il ne fallait pas que les autres élèves sachent, aucun, jamais. Ca augmentait les risques qu'un jour ait lieu un accident. L'effroi se lisait dans les yeux noirs d'Eliott qui se leva de son lit, chancelant. Toutes ces forces semblaient l'avoir abandonnées et ce fut comme s'il se trouvait en pleine mer une jour de forte houle. Eliott faillit avoir un renvoi, qu'il contint tant bien que mal, et il se cramponna fermement à son bureau tournant le dos à Truesdale.

Eliott aurait voulu partir en courant, courir et ne plus s'arrêter, courir jusque dans le parc, traverser le parc, s'enfoncer dans la forêt et courir encore jusqu'à ne plus en pouvoir, jusqu'à ce que ses poumons en feu l'eussent sommés de s'arrêter et là, se laisser tomber au sol, loin. Était-ce lui qui souhaitait cela ou bien le loup au-dedans de lui ? Car ce n'était pas Eliott que d'avoir ce genre de pensées. Mais ses jambes parvenaient à peine à le porter alors il n'irait pas loin. Eliott ne courait pas, mais sa respiration était haletante. Tu devrais... C'était impossible à cacher cette malédiction. Ca l'avait trop changé ; c'était le but d'une malédiction de toute façon non ? De marquer d'un stigmate. Tu devrais avoir peur. Il était une créature aux désirs sanguinaires. Il y eut un sanglot dans sa voix, des larmes dans ses yeux et Eliott se laissa tomber par terre en s'adossant contre son lit ses mains crispées contre sa tête. Sa peau était d'une couleur cadavérique et trempée de sueur. J'suis un monstre... On aime pas les monstres... Eliott pleurait, recroquevillé sur lui-même et secoué de hoquets. J'suis un monstre...

C'était horrible. Eliott avait envie que tout s'arrêta. Que le monde s'immobilisa pour toujours. Ou en tout cas lui. Qu'il s'endormit et ne se réveilla jamais. Qu'il devint transparent. Qu'on l'oublia. Les choses seraient tellement plus simples comme ça. Malgré tous les avertissements qu'il avait reçus, malgré tous les conseils et les échanges qu'il avait eu avec Arthur Digler, rien n'y faisait, Eliott se sentait monstrueux et si Truesdale savait pour lui, alors il était forcément en danger. Cela aurait mieux valut pour tout le monde que Arthur Digler lui régla son compte dans cette forêt l'été dernier. Si Adonis Evans n'était pas intervenu alors tout aurait été plus simple. Un habit noir, une petite cérémonie sans prétention avec son père et sa mère, les quelques clampins du coin qu'i n'avaient rien de mieux à faire et y aurait vu l'évènement de la semaine, et voilà. Quelques larmes, et encore, puis tombée de rideaux.

L'approche de la prochaine plein lune faisait complètement dérailler Eliott. Il le savait pourtant que ça produisait ces effets là malgré la potion mais il n'était pas capable de gérer ; il était trop fatigué, trop à cran pour ça. Il avait peur. Au fond valait mieux qu'il ait peur plutôt que d'être hyper agressif voir violent. Valait mieux qu'il s'en prenat à lui-même et fuit les autres. Malheureusement, cela tombait sur Truesdale. Son camarade essaya de le rassurer maladroitement avec ses mots d'adolescent et Eliott l'entendit comme s'il était très loin de lui. C'était comme si Truesdale était de l'autre côté de la porte ou bien que lui était enfoncé très loin en dedans de lui-même. Heureusement il eut un geste vers lui ; son bras chaud contre le sien trempé et glacé par une fièvre lunaire. C'était comme une main tendue ou plutôt une poigne qui vous tirait soudain du fond de votre trou et que vous attendiez pas ; ou plus.

Eliott eut un frisson et un léger sursaut qui lui fit lever ses yeux noirs, trempés et rougis vers son camarade. Eliott n'était pas le genre à prêter bien attention aux autres et à se souvenir des petites singularités qui font pourtant les relations plus amicales et in fine les bons amis. Il n'avaient donc pas de bon ami. En revanche, ce qu'il savait bien c'était que Truesdale, son collègue de dortoir depuis sa première nuit à Poudlard, était spécial et que jamais il ne touchait les gens ou laissait les gens le toucher. C'était une aura, innée, imparable bien planté dans le crâne de la plupart des gens qui le connaissaient. C'était aussi inattendu que curieux ; ce n'était pas désagréable ni bizarre. C'est vrai ? Eliott renifla bruyamment, se frotta les yeux et le nez comme on essorait une éponge pour la vide de son eau, pour poser sa tête contre son bras, le regard tourné vers le Poufsouffle qui l'avait calmé en quelques minutes là où il fallait des heures à son père ; les parents ont toujours les mauvais rôles. Il ne doutait pourtant pas un instant que Truesdale dise vrai.

T'y es pour rien... C'était ça l'effet de la pleine lune, la malédiction ; ça décuplait les angoisses et les inquiétudes, ça rendait le monde hostile et effrayent, ça mettait les nerfs en pièces. C'est moi qui perd les pédales. Et en plus il s'était apaisé étonnamment vite. Truesdale avait un étrange pouvoir. T-tu crois vraiment que je suis toujours moi ? Alors qu'il sentait au fond de lui une violence inouïe, que pas plus tard qu'aujourd'hui il avait eu l'envie sourde de hurler, de partir en courant et même de frapper de toutes ces forces la professeure de potions, le bibliothécaire et chaque élève qui se trouvait dans la bibliothèque... Même si je tue et que je dévore ? Une autre larme se détacha au coin de son œil. Parce que c'est ça ma malédiction... Tuer. Tu m'apprécierais toujours si tu voyais vraiment cet aspect là de moi ? Le monstre Celui qui lacérait et déchirait, qui étripait et rependait le sang quand le ciel était d'argent. Celui qu'il avait été trois fois déjà.

Il serait malade alors, rien de plus rien de moins ? Eliott aurait préféré chopper une vilaine grippe, une pneumonie carabinée même plutôt que cette malédiction affreuse qui en plus de lui retourner entièrement le cerveau une fois par mois présentait un risque non négligeable de mort pour celles et ceux qui l'entouraient. Bon un peu comme la grippe en vrai. Surtout les vieux ; c'est toujours les vieux qui canent les premiers. Et la lycanthropie aussi ça foutait des courbatures horribles et des crises de fièvre ; puis fallait prendre le médoc régulièrement aussi, pas tous les jours mais régulièrement. "Malade" ça foutait moins les chocottes que "maudit", fallait bien avouer. Sauf que... Les malades, ils finissent par guérir eux. Alors que là Eliott avait pris tarif ; c'était même la carte grande fidélité avantage puces et fraîcheur des sous bois jusqu’à ses vieux jours qu'il s'imaginait pas si vieux. Il savait pas si des gens cherchaient encore un remède à la chose mais s’ils n'avaient rien trouvé au cours des derniers siècles, peu de chance qu'ils trouvent dans les quelques prochaines décennies de vie du Poufsouffle.

Mais fallait quand même admettre que le raisonnement de Tao avait cet avantage là. T'as peut-être raison. Peut-être pas. Il pouvait rester Eliott si les effets de la pleine lune lui étaient considérés comme extérieurs mais cet état à la récurrence mensuelle pouvait tout aussi bien être intégré comme faisait parti du nouveau système eliottique. C'était un peu prise de tête tout ça, le Poufsouffle fatigué avait du brouillard dans les méninges et de la lourdeur dans les paupières. Eliott haussa les épaules. Oui, il y a la potion. Même si elle est pas bonne. Une sorte de répulsif très amer pour garder la tête posée sur les épaules ou plutôt sur ses quatre pattes. Elle ne soulageait ni la douleur ni la peur ni les angoisses ni la fatigue mais avait le mérite de le débarrasser des pulsions carnivores qui engloutissaient son esprits une fois transformé. Et puis il avait l'impression d'embêter tous les mois la prof de potion avec ça. Eliott laissa très passivement Truesdale passer son bras autour de ses épaules. Ce contact humain lui faisait du bien, c'était chaud alors que lui avait froid, douché de sueur. Le jeune sorcier posa sa tête bouclée sur l'épaule de son camarade. Si à cela vous ajoutiez ses mots gentils, Eliott pouvait durant un court moment observer cette image de lui qu'il avait ; elle était un tout petit peu moins monstrueuse. Si son corps et son esprit étaient parasités par la lycanthropie, son cœur ne mentait pas lui. T'es gentil Tao.

Eliott retrouvait un peu grâce dans les yeux de quelqu'un. Pas le mensonge qu'il devait tenir à tous les autres élèves, tous les autres êtres humains qui croisaient sa route, ni la pitié à défaut de la résignation qui dévorait le regard que son père portait sur lui. J'espère que je pourrais guérir un jour. Pour s'épargner les 440 transformations en perspective d'ici ses 50 ans. C'était un souhait pur. Dans un semi état de torpeur comme s'il avait pleurait à grands sanglots, lessivé de ces sensationnelles montagnes russes émotionnelles, la tête d'Eliott roula dans le cou de Truesdale ; yeux clos, visage détendu, respiration tranquille, ce bref instant de quiétude précieuse avait suffit au sommeil qui le boudait depuis plusieurs nuits pour se saisir de lui.