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Et voilà, on y était enfin: l'emménagement était terminé! Gabriel était arrivé sur le sol britannique il y avait à peine trois jours, et venait enfin de finir de s'installer dans ce petit appartement. C'était un trois pièces dans un village non-magique du nom de Kintown. Il avait terminé de déballer ses cartons et regarda autour de lui: il fut prit d'un pincement au cœur quand il réalisa à quel point c'était calme et silencieux. La présence de ses parents lui manquait beaucoup. A vrai dire, même les coups d'œil suspicieux et les remontrances inquiètes du docteur Carroll commençaient à lui manquer, c'est dire! Mais il savait au fond de lui qu'il avait fait le bon choix: c'était la meilleure façon de les protéger…

Gabriel avait déjà repéré le village sorcier le plus proche de son futur lieu de travail, Poudlard: c'était un village au nom très étrange de 'Pré-au-Lard'. C'était à moins de quatre kilomètres de Kintown, aussi, il décida d'aller là-bas à pied: il avait vraiment besoin de marcher un peu, pour pouvoir réfléchir à son futur travail, à tout ce qu'il devait faire avant de commencer là-bas, à ce dont il avait encore besoin pour le jour où il prendrait son poste, et plein d'autres choses encore. Et puis, c'était un bon moyen pour s'aérer l'esprit et voir un peu ce tout nouveau décor de vie! Il jeta un coup d'œil dehors et grimaça en constatant que le soleil était de sortie. Il attrapa donc son ombrelle bleu ciel et sortit, la baguette rangée dans la poche intérieure de son veston. Il ouvrit son ombrelle et la positionna au-dessus de lui, puis il commença à marcher. Le paysage était surtout constitué d'arbres et de prairies, et Gabriel ne se sentit pas trop dépaysé: la villa de ses parents était située au cœur d'un parc national, alors la vue était très similaire.

Au gré de ses pensées, le paysage commença à changer subtilement, et enfin, les premières bâtisses de Pré-au-Lard se dessinèrent à l'horizon. Leur architecture était très… sorcière, il fallait bien le dire: il n'y avait pas d'autre mot pour la décrire! Si la magie n'était pas à l'œuvre dans leur architecture, ces bâtiments se seraient déjà amplement effondrés! Il entra dans le village et, comme à son habitude, il ignora totalement le regard incrédule des passants. Il avait l'habitude que les gens le dévisagent, autant les sorciers que les Non-Magiques: soit à cause de son albinisme, soit à cause de son ombrelle. C'était toujours à cause de l'une de ces deux choses. Mais il avait apprit à les ignorer complètement et ne se souciait plus le moins du monde du regard des autres. Il fit un peu le tour de la rue principale, et finit par très vite s'arrêter devant un bâtiment un peu plus imposant que les autres: son enseigne indiquait qu'il se nommait 'Les Trois Balais'. Gabriel jeta un œil aux tables disposées devant et en déduisit que c'était un pub ou quelque chose du style. Curieux, il finit par se décider, et entra.

Il ferma son ombrelle et l'accrocha au porte-manteaux de l'entrée, avant de s'avancer vers le comptoir. Il salua le barman d'un signe de tête assortit d'un léger sourire et s'aperçut qu'un adolescent, lui aussi au comptoir, était déjà en possession de la carte. Gabriel ne voulait pas le déranger, aussi, il décida de demander directement au barman.

"Excusez-moi… quelle est votre spécialité ici?"

Le barman lui lança un regard surprit, avant qu'un sourire bien commercial ne s'affiche sur son visage.

"Vous n'êtes pas du coin, pas vrai?"

"En effet. Je viens d'arriver." répondit le nobliau en toute sincérité.

"Notre spécialité, aux Trois Balais, c'est la Bièraubeurre! Je vous en sert une?"

Gabriel, n'ayant jamais goûté une boisson affublée d'un tel nom, acquiesça.

"Volontiers, merci."

L'albinos s'assit sur l'un des tabourets du comptoir le temps que sa boisson lui soit servie. Ensuite, il irait s'installer à l'une des nombreuses tables libres de la salle. On dirait qu'il n'y avait pas foule, mais vu l'heure, ça semblait normal: la plupart des clients qui fréquentent les pubs viennent généralement le soir, ou en tout cas, en début de soirée. Là, il était beaucoup trop tôt pour ça, mais ça ne dérangeait pas Gaby: bien au contraire!

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En attendant sa boisson, Gabriel entendit le gamin au comptoir poser une question au barman et comprit, d'après leurs réactions à tous les deux, que l'adolescent était lui aussi nouveau dans le coin. Pourtant, il aurait parié que le gosse était un élève de Poudlard qui voulait tenter quelque chose de nouveau que sa commande habituelle. Mais visiblement, non. Au final, le gamin prit la même chose, la Bièraubeurre, mais sans alcool, ce qui fit penser à Gabriel que l'adolescent était encore mineur. Donc, logiquement, il risquait de le croiser à Poudlard quand il prendrait son poste à la rentrée. Le nobliau, qui se sentait lui-même un peu perdu, se dit que le gosse devait être dans le même malaise que lui: tout juste arrivé dans un nouveau pays, une nouvelle culture, ne connaissant personne, ni même les spécialités des établissements du coin… On se sent facilement seul, perdu, loin de chez soi et le mal du pays prenait aisément du pouvoir sur nous, nous grignotant lentement, douloureusement…

Oh oui, Gabriel connaissait parfaitement ce sentiment! Mais lui, il DEVAIT rester seul, ne jamais chercher la compagnie de quiconque: c'était une question de vie ou de mort… pour ces personnes. En revanche, pour un gamin, c'est plus facile de s'adapter, mais pas nécessairement moins perturbant ou douloureux. Alors l'albinos décida de faire quelque chose pour lui. Quand le barman leur apporta leurs boissons, Gabriel paya pour les deux. Puis il lança au gamin d'un sourire un peu triste:

"Bienvenu à toi dans le coin! Un conseil: ne reste pas seul si tu le peux. Fais-toi des amis: ce sont de très bons supports pour t'aider à te changer les idées et t'habituer au changement, tu verras."

Puis, Gabriel se leva du tabouret du bar et alla à une table de deux (vide) au fond de la salle, près de la cheminée éteinte, où il s'assit avec sa boisson. Là, il regarda l'intérieur de sa chope pour voir si ça avait vraiment la couleur de la bière, mais son regard se perdit très vite dans les reflets dorés de sa boisson. Des reflets dorés. Comme les yeux d'une personne qu'il connaissait, hélas, très bien… Dans les reflets de sa boisson, il vit deux yeux jaune d'ambre, affamés, le fixer avec avidité… Son esprit s'évada dans de douloureux souvenirs, et le picotement de sa cicatrice à l'abdomen lui rappela la raison de son déménagement… La nuit, le silence, le calme. Son souffle régulier, la douleur brutale, sa respiration qui se fige. Des cris, un hurlement: une dernière larme, puis le noir total… Les yeux d'or dans ses souvenirs se crispèrent de colère et un cri de rage résonna dans son esprit, le faisant sursauter. Il reprit brusquement pied dans la réalité, le souffle un peu court: sa respiration s'était emballée toute seule avec ses souvenirs, et il s'efforça de respirer lentement, les yeux fermés, pour retrouver un semblant de contenance, pour éviter que le barman ne vienne lui poser des questions gênantes.

Une fois de nouveau calme et de retour dans la réalité, il rouvrit les yeux et empoigna sa chope. Puis il la porta à ses lèvres et goûta enfin la spécialité de cet établissement. C'était… spécial, ça oui! Tellement que Gabriel n'arrivait pas à décider s'il devait classer ce goût dans 'il y avait sûrement des mélanges plus pertinents à faire que celui-là', ou bien dans 'mouais, ça ne ressemble à rien de connu: mais au moins c'est buvable'. Le goût était juste étrange et vraiment très inhabituel, mais ça, Gabriel pouvait s'y habituer: il suffisait juste d'un peu de temps.

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Et au final, ce n'est pas le barman mais le gamin qui remarque quelque chose et vient lui poser les questions gênantes qu'il voulait à tout prix éviter! Gabriel lève la tête vers le petit dès qu'il entend sa voix juste devant lui: il s'aperçoit alors qu'il en est carrément venu à s'asseoir à sa table. Aïe... Ca allait être un peu plus compliqué pour le remballer sans être désagréable. Pour empêcher les gens de tenter une approche, il avait tendance à se montrer méprisant. Mais avec les enfants, il n'y arrivait pas: les gosses ne lui avaient rien fait, et donc, ne méritaient pas le même traitement que les adultes. D'ailleurs, ils avaient tendance à se montrer aussi, de façon naturelle, bien plus attentionnés et compatissants que les adultes, qui eux, voyaient en premier l'éventuel profit que cela pouvait leur apporter. Gaby jeta un regard au gamin et répondit:

"Je... oui ça va. C'est juste… des mauvais souvenirs, rien de grave."

Il tenta de noyer le poisson en prenant deux gorgées de sa boisson. Puis il poussa un soupir, plus pour se détendre qu'autre chose, avant de reporter à nouveau son attention sur le jeune garçon.

"On est tous les deux dans le même bateau, d'après ce que j'ai compris, c'est bien ça?" fit-il dans un sourire timide.

D'après la réaction du barman un peu plus tôt, il en avait en effet déduit que le petit était aussi un expatrié, comme lui.

"Je viens tout juste de finir de déballer mes cartons ce matin. Je m'appelle Gabriel, futur bibliothécaire de Poudlard." se présenta-t-il.

Il fit aussi quelque chose qu'il n'avait pas fait depuis très, très longtemps. Il tendit la main au garçon! Une poignée de main pour saluer quelqu'un, ça n'a l'air de rien. Mais quand on connait un peu Gaby, on comprend à quel point c'est une preuve de bonne volonté de sa part qu'il accepte de faire le moindre geste nécessitant de toucher un homme. Bon, là, vu que c'est un enfant, c'est bien plus facile pour lui de lui serrer la main. Si le gosse avait été un adulte, jamais de la vie le nobliau n'aurait enclenché ce geste: jamais!

"Je suis Français. Et toi? Comment tu t'appelles? Tu viens d'où?"

Bien sûr, le gamin n'était pas obligé de répondre. S'il éludait simplement ses questions, l'albinos ne le prendrait pas mal: il savait mieux que quiconque que tout le monde était différent et pas forcément très bavard non plus. En attendant une éventuelle réaction ou réponse du petit, il sirotait en silence sa Bièraubeurre.

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Bien que les sorciers et sorcières que Gabriel avait déjà rencontrés jusque là n'étaient pas adeptes de la poignée de main, le petit, lui, n'hésita pas longtemps avant de l'accepter, au grand soulagement de l'albinos qui avait un trop tendance à avoir le réflexe de saluer les gens à la façon des Non-Magiques. Après tout, il avait vécu ainsi pendant les dix premières années de sa vie! La poignée de main du gamin était suffisamment ferme pour ne pas paraître molle, mais quand même délicate et légère, ce qui faisait encore un point commun entre eux. Il se présenta et annonça être Allemand, ce qui fit sourire le nobliau.

"Hé bien nous sommes donc de pays voisins. J'ai fais mes études de magie à Beauxbâtons: je présume que ça dois aussi être le cas pour toi?"

Bien évidemment, cela faisait treize ans déjà que Gabriel avait quitté l'école magique Française avec son diplôme en poche. Et apparemment, le jeune Lutz avait commencé ses études là-bas, mais allait visiblement les terminer à Poudlard. Le gamin lui demanda ensuite comment il trouvait cette Bièraubeurre, annonçant qu'il en reprendrait volontiers une plus tard et laissant entendre qu'il souhaitait l'inviter en retour. Gabriel sourit.

"C'est effectivement pas trop mal. Je pense aussi en reprendre une quand j'aurais fini la première. Et j'accepte avec plaisir ton invitation!"

Certaines personnes détestait devoir quelque chose à quelqu'un, et ça, le futur bibliothécaire le savait parfaitement. C'est pour cela qu'il accepta l'invitation de l'adolescent à lui payer sa seconde boisson, tout comme lui avait payé leur première tournée. Il ajouta ensuite entrer à Poudlard en septembre, ce qui confirma à l'albinos sa supposition précédente. Il but trois nouvelles gorgées de sa Bièraubeurre, avant de se risquer à demander quelque chose à sa connaissance du jour:

"Qu'est-ce qui t'amène en Ecosse, Lutz, si je puis demander? Tes parents ont trouvé une opportunité dans le coin?"

Gabriel espérait juste que ses questions ne soient pas indiscrètes. Et si c'était le cas, il espérait sincèrement que le jeune garçon le lui dise: il ne voulait surtout pas passer pour un forceur indiscret!