« Peux-tu m'expliquer pourquoi tu as le cou ébène ? »

Hayden fumait, sans même prêter attention à la jeune femme qui se massait la cheville. Tous les deux assis sur le trottoir d'une ruelle sordide, ils reprenaient leur souffle à leur manière. Elle était étrange avec son accent gallois et ses bonnes manières, qu'importe la situation.

« Hm ? » s'impatienta-t-elle.

Le bas de sa robe était complètement déchirée, ses pieds lui faisaient mal et ses cheveux étaient ébouriffés. Hayden n'était pas mieux lotis avec son veston brûlé sur le devant, les boutons manquant de sa chemise et un trou au niveau du genou. Sans compter les marbrures noires sur sa peau.

« C'est la réponse à ta question sur mon incapacité à lancer un Patronus. »

Sianyde le jaugea quelques instants.

« Y a-t-il un moyen de résorber cela ? » Puis après un bref silence rajouta « Non, bien sûr que non. La Magie noire est un fléau qui te fait payer son utilisation, au prix d'un sacrifice. Moi, elle m'a enlevé mon père. » - « J'aurai préféré disparaitre. » - « Je peux arranger ça. » - « Tu n'as aucune chance. » lorgna-t-il, amusé, dans sa direction. « Arrête de sourire, tu fais peur. »

Hayden ne pris pas la peine de lui obéir, continuant de souffler inlassablement la fumée qui envahissait ses poumons. Sianyde avait froid. Par fierté, elle refusa de s'approcher de son binôme pour tenter de se tenir chaud : elle n'avait pas besoin de lui et qu'il en soit ainsi pour le reste de sa vie. Le garde-chasse jeta un coup d'œil à la malléole enflée de l'adolescente, jugeant sévèrement cette blessure dont ils se seraient bien passés. La rousse le capta immédiatement et s'offusqua en se rhabillant, faussement digne.

« Montre-moi. » - « Il n'y a rien de grave, regarde. »

En effet, le sort qu'elle employa raviva assez les chairs pour que toute sa cheville se remette d'aplomb. La douleur, cependant, restait encore vive.

« Dans quelques minutes, ce ne sera qu'un mauvais souvenir. Si tu n'avais pas été là, je ne me serais pas faite mal ! »

Elle était de mauvaise foi et l'assassin le savait. Préférant le silence à une discussion qui ne mènera à rien, il finit par se lever en soupirant. Le mégot à terre fut écrasé par son pied. L'espace d'un instant, l'ancienne Serpentard se projeta dans ce qu'elle venait de vivre et qu'elle assimilait, comme si c'était un fait du quotidien banal et sans relief. Hayden et elle avaient mené de longues recherches pour connaître certains emplacement des lieux de cultes. Sianyde ayant habitée l'un d'eux pendant plusieurs semaines avant de devoir aller chercher Charlotte dans un autre, elle avait récupérée tout un tas d'informations qui leur étaient plus qu'utiles. Cette secte avait une hiérarchie et il y avait des endroits qui étaient fait pour nourrir Ch'toht et d'autres simplement pour que leurs dignitaires aient un pied à terre, un peu comme une succursale.

C'etait ainsi que dans le Londres Moldu, Hayden et elle s'étaient lancés dans la destruction du bâtiment dont ils avaient eu vent, ainsi que de ses locataires, dans le but de faire reculer les forces maléfiques. Mais dans l'euphorie de l'action, Sianyde qui s'imaginait ne plus rien avoir à perdre, avait préféré sauter d'une balustrade plutôt que de subir le souffle de l'explosion qui suivit son acte. Hayden qui l'avait vu apparaître d'en haut, n'eut même pas le temps d'incanter le moindre sort, cherchant -malgré lui- à la réceptionner. Tous les deux firent des roulades de haut niveau avant de se prendre un meuble en bois complètement disloqué. Ils finirent par s'échapper alors que le contingent d'abominables cultistes essayait d'endiguer ce fracas de flammes et de corps tombés au combat. Dans l'adrénaline et la hâte, Sianyde n'avait pas fait attention à ses vêtements, ni même à ses blessures et ce ne fut qu'une fois à l'abris, qu'elle accusa le tout.

« Que faisons-nous pour la prêtresse ? Je doute qu'elle nous attende. »

Le mage noir se tourna vers sa partenaire privilégiée et s'inclina, une main dans le dos, l'autre tendue lui signifiant qu'il l'aidait à se relever.

« Madame. Sachez que je sais où elle se terre. » La plus jeune des Llansawel, qui avait accepté l'offre de l'affreux du gentleman, haussa les sourcils. « Mais... comment ?! » Elle fut debout et toute étonnée « Parce que c'est mon job, księżniczka. »

Il n'eut même pas fini sa phrase que son corps longiligne avança, ses muscles se bandèrent et il tira vivement sur la délicate main qu'il avait gardé dans la sienne pour que le corps de la douceur ne bascule entièrement sur son épaule. Se redressant, il marcha vers la sortie de cette venelle sous les grognements de protestation de sa captive.

« Tu me remercieras plus tard. En route. »

Et il transplana.


__________
Princesse

Sianyde pesta derrière un buisson. Elle tirait sur sa jupe pour la sortir des épines dans laquelle elle s'était emmêlée. Mais ce ne fut qu'un grognement rageur qui émana de sa bouche, ses mains arrêtant de se battre. Assise sur le sol boueux, la pluie les atteignait indirectement à travers le ramage des arbres qu'ils avaient au-dessus de la tête.

« Je n'y vois rien avec ce voile de pluie, je suis trempée et mes vêtements collent à ma peau, rendant mes cicatrices douloureuses. Peux-tu me rappeler qu'elle était ton plan si ingénieux ? »

Mais Hayden ne répondit pas. Il se tenait à cinquante centimètres d'elle, observant grâce à un sort améliorant son acuité visuelle, la salle de bal. Alors à travers le son étouffé des violons et du piano qui leur parvenait, la jeune femme prit le temps de l'observer.

En un mot comme en cent : elle le trouvait répugnant. Vraiment elle n'appréciait pas son physique, sa démarche, sa gestuelle et son manque évident de manières. Son accent était affreux et en plus, elle comprit qu'il était infirme par bien des aspects. Pauvre homme ! Mais hélas, Sianyde n'éprouvait ni miséricorde, ni pitié, alors ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Et si elle poussait un temps soit peu le résidu de morale qu'il lui restait, elle trouverait ça inconcevable qu'un sorcier comme lui soit encore en vie; sa place serait six pieds sous terre. Pourtant, une Llansawel ne serait pas entière si elle n'avait pas ce je-ne-sais-quoi de contradictoire au final. Car des livres à l'eau de rose, elle en avait lu et, d'une certaine façon, ils l'avaient fait fantasmer. En effet, le bossu tombant amoureux de la majestueuse Sang-Pur; une simple soigneuse passant ses journées dans la fange de ses créatures magiques, amourachée d'un homme noble; l'ignoble sorcier kidnappant sa belle qui agrémentait son quotidien de leçons, musique et divertissements, étaient des contes où, malgré elle, elle s'était projetée, se disant que si ça lui arrivait, elle embrasserait cette vie d'aventure.
Et si ce macchabée lui proposait de s'enfuir ? Pire, s'il l'attrapait et qu'il l'embrassait ?
Sianyde sentit un haut-le-cœur la prendre à cette idée. Elle était confuse de ne pas correctement comprendre la différence entre la fiction rêvée et la dure réalité.

« ...vêtements. » Sans réponse de la part de la rousse, le garde-chasse tourna la tête vers elle, abandonnant son observation « T'as besoin que je te soulève ? »

La Sang-Pur mit sa main sur la bouche, le visage vaseux.

« Arrête tes propositions lubriques, je ne vais pas tarder à vomir. »

Complètement spectateur de la scène, Hayden ne comprit absolument rien de tout ce qu'il se passait à cet instant et ne se doutait pas le moins du monde des pensées de la belle. Il voyait, d'un œil circonspect, une jeune fille en proie à des émotions qui allaient bientôt lui faire rendre son dernier repas. Son aide avait été rejeté et il n'était pas du genre à beaucoup insister alors, il se reconcentra sur leur mission.

« Elle est à l'intérieur, mais la salle est pleine de cultistes. Je peux tuer deux d'entres eux et nous prenons leurs vêtements. Il faut simplement attendre qu'ils sortent. » - « Hm hm... » opina-t-elle.

Le tueur alla demander si elle avait une meilleure idée quand elle le coupa en posant une question saugrenue.

« M'embrasserais-tu si tu le pouvais ? »

Hayden esquissa un sourire suffisant, ne sachant abandonner l'aura malsaine qu'il diffusait avec tout ses rictus. Les cheveux plaqués sur son crâne à cause de la pluie et son visage humide lui donnèrent un air malfaisant sans qu'il ne le sache.

« Et après c'est moi qui te fais des propositions lubriques ? » - « Oh, je t'en prie ! Réponds. »

Quittant sa position accroupi, il comprit que l'adolescente n'avait pas fini de grandir et que l'heure n'était plus à la mission mais aux palabres enfantines. Il en profitant pour se griller une cigarette, l'allumant d'un index.

« Le pouvoir, je le peux. Dis-moi le fond de ta pensée. » Sianyde prit une minute de réflexion puis rabattit ses genoux contre elle, les bras autour « Depuis l'accident je regarde un peu plus les garçons que je trouve vilains ou qui ne sont pas aidés par la nature. Je suis moi-même estropiée et je ne peux plus prétendre à quelqu'un de mon rang ou si c'est le cas, je sais que je devrais me contenter d'un handicapé. Je me disais de cette manière que, si j'arrivais à t'embrasser, alors je pourrai accepter n'importe qui comme compagnon. »

Hayden garda le silence un moment. Il fuma lentement et quand Sianyde montra des signes d'impatience, il la fit taire d'un geste. Tout chez lui avait changé et elle comprit qu'elle était allée trop loin. Il ne la regardait plus, il la toisait, la faisant se sentir toute petite, comme Arwin savait le faire parfois. Sa fierté mal placée lui faisait garder le menton haut mais elle avait du mal à soutenir ce regard bicolore. C'est vrai ça, il n'avait pas les yeux de la même couleur !
Après un temps interminable l'homme jeta son mégot et souffla la fumée sur la gamine en face de lui. Sa voix était rauque et grave.

« Hé la Cramée, tu peux jouer si tu veux mais n'oublie pas où est ta place. » Il rapprocha brusquement son visage du sien, intimidé « Et elle n'est pas au-dessus de moi. »

Le fait tomba comme un couperet, arrachant un frisson à la Sang-Pur. Il se mit debout et, l'instant d'après, disparut. Quand Sianyde réalisa son absence, elle l'appela plusieurs fois d'abord à voix basse, puis un peu plus audible. Il n'y avait pour l'instant personne et le bruit de la pluie cachait sa voix qui se brisait de plus en plus.
Qu'avait-elle dit...

« Par Merlin, arrête de crier, tu vas nous faire repérer. »

Hayden avait apparu devant Sianyde au bout d'une dizaine de minutes. La rouquine n'avait toujours pas sortie sa robe des ronces et elle avait le visage en proie à l'émoi de l'abandon. Dans ses bras, le type tenait deux tenues de bonne factures faites de robe de bure sombres et de masques.

« J'ai trouvé nos cartons d'invitation. »

Elle se sentit idiote d'avoir paniqué et encore plus d'avoir cru qu'il l'abandonnait. Pourquoi avait-elle si peur de ça ? Ou même de la solitude ? Quels étaient ses problèmes ? Mais elle n'y réfléchit plus au moment où il lui colla sa cape.
Il l'avait déstabilisée et ça remit toute sa vie en question. Si elle était si facilement chancelante devant lui, alors à quel point sera-t-elle vulnérable face à son père ? Il l'enverrait par delà le voile en un instant et alors tout ce qu'elle avait savamment étudié et tout ce qu'elle se sera entraîné n'aura servit à rien, vu qu'elle n'aurait pas eu l'intelligence émotionnelle qui allait avec. Son regard chercha des réponses dans celui du garde-chasse dont elle s'était rapprochée instinctivement. La pluie ne les rendait pas très beau, mais ils étaient dans leur forme la plus authentique. L'homme l'interrogea d'un regard et elle ouvrit la bouche, balbutia, avant de la fermer. Les yeux verts changèrent en quelque chose de plus déterminé, plus dur, et le froncement des sourcils accentua cette idée.

« Il faut que je sois plus forte. Apprends-moi à l'être. » - « La mission en premier. » - « Le feu ne m'a même pas endurcie... » - « C'est pas ça qui te rendra plus forte. Mets la robe. Arrête de te perdre dans ta tête. »

Il avait raison, son attitude n'était pas sérieuse ni pour leur objectif, ni par rapport à son binôme. Elle l'avait franchement sous-estimé et cette soirée lui avait remis plus d'une idée en place. Sianyde apprenait, et elle apprenait vite.

« Toi qui la maitrise, y a-t-il un moyen de soigner les effets de la magie noire ? » questionna-t-elle en enfilant la robe par la tête « On ne guérit pas. C'est pas une maladie, c'est un fléau. »

Elle avait peu d'espoir que son père retrouve sa lucidité d'antan mais, pour le coup, Hayden annihila tout espoir. Elle avait coupé les ponts avec sa mère et sa sœur, de manière temporaire, tant pour les préserver que pour se protéger elle. Il lui fallu une certaine solitude, qu'elle payait cher aujourd'hui. Pour autant elles n'étaient pas loin mais c'était mieux ainsi. Depuis sa rupture avec Bastien, sa descente aux Enfers n'avait été que précipitée. L'avantage était qu'elle ne pouvait que remonter maintenant.
Cachée derrière son masque, un verre à la main, la jeune femme était méconnaissable. Elle avait prit soin de changer magiquement la couleur de ses cheveux en un noir corbeau pour mieux se fondre dans la foule car, même si l'Ecosse et le Pays de Galles n'étaient pas loin, elle savait être parfois l'exception avec sa chevelure flamboyante. Et au vue du paysage bien terne qui se profilait devant elle, mieux valait mettre toutes les chances de son côté pour ne pas se faire remarquer.

Au bout d'une heure à déambuler dans cette foule d'illuminés, à entendre des psalmodies et des rumeurs, elle se trouva un coin où elle pu souffler quelques secondes. Elle ne savait pas si son partenaire avait eu des informations mais, pour sa part, il était impossible de savoir où se trouvait la Grande Prêtresse. Des échanges brefs avec quelques membres du culte lui permirent de savoir où ils se terraient en Angleterre mais rien de plus. De plus, une vive impatience montait doucement dans l'assemblée et une tension était palpable. Elle voyait que tout le monde se regardait en chien de faïence, que des clans se formaient en s'écartant les uns des autres, et que les chuchotis devenaient de plus en plus accusateur. Ch'toht était d'ailleurs sur toutes les lèvres, celles-là même qui avaient contribué à l'invoquer.

« Adorateurs de notre Père, je vous salue. »

Au balcon d'une alcove de l'étage, elle était là. Leur cible tant espérée se tenait droite, les bras écartés comme pour accueillir ses invités, un sourire malfaisant aux lèvres. Elle était vêtue d'une robe aux manges longues de couleur pourpre et sa coiffure brune était parfaitement ondulée, lui arrivant à peine après le menton. Son teint laiteux, ses yeux noirs et sa bouche carmine formaient un tout assez inquiétant. Sianyde tourna la tête, comme tout le monde, vers la source du bruit. Immédiatement, elle chercha des yeux son ami qu'elle capta car il faisait de même. Les bruits alentours se tarirent jusqu'à s'éteindre et l'oratrice poursuivit.

« Mon invitation à nous réunir ce jour au nom du Destructeur me permet de m'adresser directement à vous, pour vous prévenir de la période sombre que nous allons traverser. » Elle posa le bout de ses doigts sur le garde-fou « Ch'toht a déjà purifié un grand nombre d'âmes perdues et, avec notre aide, n'a cessé de grandir et de réclamer. A travers ses mots et ses apparitions, j'entends qu'il atteint bientôt sa forme finale et il ne manque plus qu'un dernier effort pour le voir se matérialiser, pour toujours, auprès de nous. Cependant, il reste d'irréductibles ennemis qui en veulent à notre Créateur et qui tentent, encore aujourd'hui, tout pour contrecarrer sa venue. »

De la foule, des murmures s'élevèrent mais elle les fit taire d'un ton autoritaire. Puis sa voix reprit un peu plus de douceur.

« Silence ! La solution, mes sœurs et frères, est juste là, sous vos yeux et ce n'est autre vous ! Je vous attends dans cinq jours à la frontière du territoire Saint, pour mettre un terme à cette bataille déjà perdu pour ces profanes décérébrés. Ensemble, nous serons en mesure de mettre fin au problème et d'enfin dégager les derniers parasites de notre royaume ! Mes lieutenants vont passer pour s'entretenir avec vos responsables de culte et, ainsi, vous donner toutes les indications nécessaires. Sœurs et frères, n'oubliez pas que si vous êtes ici, c'est que le Destructeur vous a choisi ! »

Galvanisés par ce discours, alors que la Prêtresse se retira, un brouhaha s'éleva. Sianyde et Hayden étaient partit au milieu du laïus pour anticiper la sortie de la matriarche et, ainsi, l'intercepter avant qu'elle ne puisse ne serait-ce que transplaner.

Le piège était prêt. Il savaient quel serait l'itinéraire de la Grande Prêtresse et avaient préparé les sorts en conséquences. Leur but était simple : lui extorquer le maximum d'information et s'en débarrasser. Sianyde ferait l'interrogatoire et Hayden le sale boulot.

Ils avaient passé du temps à enchanter une partie de la cour extérieure. Elle comptait passer par le labyrinthe des jardins avant de s'éclipser. A deux, ils avaient neutralisé les sorciers qui leur barraient la route et surveillaient le périmètre. Le tueur à gage dû venir en aide à l'ancienne étudiante qui, au vue de ses maigres expériences en la matière, avait parfois du mal à faire taire ses opposants. Car, pour sa part, elle s'échinait à ne pas les tuer, ce que l'homme ne s'embarrassait pas à faire. Sianyde avait toujours mis cette information de côté d'ailleurs, comme une gigantesque cloche de déni s'était abattu là-dessus. Ils dormaient, voilà tout.

Lorsque la femme passa l'entrée du labyrinthe, Hayden se jeta sur elle pour la maintenir. Au moment où elle allait sortir sa baguette, Sianyde sortie de sa cachette pour lui lancer un Expelliarmus qui alla droit sur sa cible. La main sur la bouche, elle ne pouvait pas parler mais, captant le regard de son agresseur, elle tenta de s'introduire dans son esprit. Malheureusement pour elle, ce fut un échec cuisant. La barrière qu'elle rencontrant était quasiment aussi dérangeante que le sourire du malade qui la maintenait. D'un sort informulé, elle récupéra sa baguette qui était plantée dans les fourrés pour enfin montrer un peu de résistance. A sa grande surprise, son bourreau ôta ses doigts et ce furent ceux de la jeune femme qui lui maintenaient le menton pour lui faire avaler un philtre. Hayden lui levait la tête pour qu'elle n'eut d'autre choix que d'avaler. L'étudiante profita de ce choc émotionnel pour arracher le bout de bois des mains de sa propriétaire et la briser en deux en donnant un coup sec sur son genou. Les deux morceaux dans les mains, elle les jeta de part et d'autres, puis tint en joue la Grande Prêtresse. Le garde-chasse, lui, la tenait toujours.

Elle avait un visage blafard et des traits tirés. Ses cheveux étaient noirs et avaient une parfaite mise en plis crantée qui ondulait. Son style était rétro mais clairement louche et des perles pendaient de ses oreilles et à son cou. Sa robe au décolleté en V était malmenée mais accusant le coup, elle n'en avait que faire. Plus grand qu'elle, le mage noir avait une vision directe sur ce qu'il avait entre ses doigts. D'une part... ça le dégoûtait. Il n'avait que faire de cette vieille mégère complètement allumée du cerveau qui vouait un culte à un non-être mortel en pensant lui en réchapper. De l'autre côté, ça restait une femme et puis elle n'était pas si vieille. Mais heureusement pour lui, l'intervention de Sianyde changea tout et le fit se concentrer à nouveau.

« Vous n'allez pas vous en sortir, dites nous tout ce que vous savez. » La Grande Prêtresse leva les yeux vers son ennemie « Ce que je sais de quoi ? Vous n'avez rien à savoir. » - « Vous n'avez pas compris : vous n'êtes pas en position de négocier. Vos gardes sont morts et vous êtes seule dans ce labyrinthe. Essayez seulement d'en partir, et c'est sans vos bras que vous vous retrouverez. Alors je répète : comment se débarrasser du Brouillard ? »

Il y eut un moment de silence. Pas celui gêné où la personne cherchait à mentir mais plus celui où, justement, elle tentait de trouver les mots justes et pertinents.

« Je ne veux pas qu'il parte. Ch'toht est là pour purifier et préserver le Monde. Si nous nous en débarrassons, alors... Vous faites une grossière erreur. »

Sianyde lui effilocha la joue et une partie de la lèvre avec un sort. Du sang commença à couler.

« La. Question. Répondez. » - « Il faut inverser le rituel. Au nord de l'Ecosse, là où il a été invoqué. » - « Quel est le rituel ?! Et où trouve-t-on toutes les informations ?! » - « Les runes au sol sont les portails. Les Donateurs doivent se tenir à l'extérieur du plus grand cercle. Les sacrifiés à l'intérieur. » - « Que sont les Donateurs ?! Il faut se sacrifier pour renvoyer le Brouillard ? » - « Ch'toht réclame un prix quelle que soit l'action que l'on fait envers lui. Les informations sont dans mon bureau. Les Donateurs sont ceux qui doivent donner leur sang pour permettre au rituel d'être accompli. » - « Où se trouve votre bureau exactement ? » - « A Londres. »

Alors que la Grande Prêtresse donnait l'adresse exacte, Sianyde leva les yeux vers Hayden. Oui, il comptait y aller et l'emmener avec elle. Alors elle devait finir l'interrogatoire et vite car des bruits se faisaient entendre autour d'eux.

« Peut-on ne pas être sacrifiés ?! N'y a-t-il pas un artefact qui nous protège ? » La prêtresse se mit à rire et eu pour conséquence une gifle. La rouquine était furieuse et le faisait comprendre « Il y a une amulette dans le tiroir de mon bureau. Mais il faut deux sacrifiés. Et il n'y a qu'une amulette. Bonne chance pour survivre. »

Sianyde fit un pas en arrière et rangea son arme. Elle tourna le dos aux deux et fit trois pas en avant en croisant les bras. Hayden mis immédiatement sa main sur la bouche de l'affreuse qui, en se débattant, avait fini de faire tomber les bretelles de sa robe lugubre. Il pencha sa tête à son oreille et ce qu'elle sentit dans son dos à ce moment là fut la pointe d'une baguette magique.

« Ca ne m'intéresse pas. Avada Kedavra. »

Sianyde eut, dans son champ de vision, un reflet vert qui la dépassa. L'instant d'après, alors que le corps tombait au sol, Hayden passa autour d'elle des bras bien plus doux que ceux qu'il servit à la malade mentale.

Ils étaient à nouveau en plein Londres. Dans le labyrinthe l'odeur du souffre se faisait sentir à côté du corps inanimé que les sbires trouvèrent.