Le Néant

Event acte III - Solo

Bouger. Il allait bien falloir qu’elle parvienne à bouger.

La sensation d’être complètement paralysée sur son lit était détestable. L’esprit stagnant quelque part entre le demi-sommeil et l’évanouissement, Gillian luttait, depuis un temps incalculable, contre la paralysie qui la clouait à ses couvertures. Elle se sentait mal. Toute force semblait l’avoir quittée et ses muscles lui paraissaient moulés de plomb. Elle parvenait très laborieusement à ouvrir les paupières, derrière lesquelles elle percevait la lumière orangée du jour qui baignait la pièce. Sa tête, très lourde, lui faisait mal.

Était-ce un mauvais rêve ? Gillian n’y croyait pas, dans la mesure où toutes les sensations qui l’entouraient lui évoquaient sa chambre avec un réalisme criant. La laine de la couverture, le moelleux du matelas, la chaleur des rayons du soleil qui perçait au travers des vitres et des rideaux fin, les bruits de la rue qui s’agitaient en bas de sa fenêtre.

Non, ce n’est pas un rêve, c’est vraiment en train de se passer.

Quand elle parvint à réaliser cet état de fait, l’esprit cartésien de l’arithmancienne se réveilla avec ses pensées. Après avoir éliminé les différentes hypothèses qui permettaient d’expliquer son état du moment, elle comprit avec effroi qu’elle était sous l’emprise d’un maléfice.

Qui, comment, pourquoi, étaient des détails secondaires de l’histoire. La seule question qui occupa Gillian à compter de ce moment était celle de savoir comment elle se sortirait de là.

Sa baguette… Il fallait qu’elle arrive à attraper sa baguette. L’arithmancie était ce qu’elle utiliserait pour briser ses entraves invisibles. Fort heureusement elles se scellaient déjà plus son esprit. Bientôt le corps de Gillian commença à tétaniser, et sa respiration se fit sifflante, tandis qu’elle essayait de bouger.
Bouger. Il allait bien falloir qu’elle parvienne à bouger de nouveau.

Un bout de phalange tressaillit. Oui, elle était en train d’y arriver. Gillian se concentra dans un exercice de méditation inversé : il s’agissait de réveiller son bras droit petit à petit. Sa baguette était à côté d’elle, juste à côté, tout près. Son index s’agita un peu. Puis ses voisins, jusqu’à ce que la paume retrouve également ses sensations, la nervosité remontant jusqu’au poignet, à l’avant-bras, au coude, à l’épaule.

Gillian sentit sa main se refermer sur sa baguette avec plus de satisfaction que celui qui se couche après une très longue journée de marche.

Les calculs, à présent. Vite… les chiffres, ceux de la délivrance, ceux qui permettaient d’ouvrir des portes. Le bout de sa baguette traça laborieusement un petit pentacle lumineux, dans lequel furent inscrits tout aussi difficilement le 4, le 7, le 8, et le 0. D’un petit soubresaut, l’arithmancienne agita sa baguette et le pentacle complété se mit à tournoyer et à briller, de plus en plus rapidement, toujours plus intensément.

Finite.

Les chaînes du maléfice s’évaporèrent d’un seul coup. Gillian fut agitée d’une ultime convulsion, qui cabra son dos jusqu’à la redresser complètement dans son lit. Elle reprit une grande inspiration à la manière de quelqu’un qui venait d’éviter la noyade de peu. Le cœur battant, haletante et couverte de sueur, elle se leva avec précipitation en dehors de son lit.

Tout son corps la faisait souffrir. Ses muscles avaient tétanisé trop longtemps, elle resterait fourbue un moment. Elle dût rapidement s’asseoir sur la chaise de son bureau pour ne pas tomber au sol, tant la tête lui tournait. Petit à petit, elle recouvrit son calme, et son souffle.

Je me suis sortie de là.
Je me suis sortie de là…

Mais ce n’était assurément que le début. Gillian, une fois qu’elle eut remis en place ses cheveux complètement en bataille et chaussé ses grosses lunettes, remarqua à plusieurs titres que quelque chose avait changé dans sa maison. Bon sang, mais combien de temps s’était-elle assoupie ? Dissimulés çà et là, l’air de rien, sur des documents, parmi les motifs du papier peint ou sur les tableaux de sa chambre, des symboles avaient été tracés. Des symboles dont l’étude permettait de dire à Gillian que quelque chose de très noir se préparait.

Comme un rituel.

Les symboles tracés dans la chambre évoquaient à Gillian des runes issues d’une langue nordique morte depuis longtemps, destinés à former un vers d’incantation. L’angoisse l’écrasant du ventre à la gorge, elle voulut sortir de la maison et aller chercher Hector au plus vite. Cependant aucune des ouvertures de la maison donnant sur l’extérieur ne daigna s’ouvrir. Cette fois-ci, l’arithmancie ne fut d’aucun secours.

Un maléfice plus global scellait les lieux. Celui-là même qui nécessitait que des symboles soient écrits non pas seulement sur les murs de la chambre, mais un peu partout dans la maison. Du living-room jusqu’à la cuisine en passant par la salle d’eau, des caractères semblables à ceux de la chambre avaient été camouflés dans le décor.

Gillian, le cœur battant et la nuque couverte d’un voile de sueur froide, s’empara du petit calepin de parchemin qu’elle avait toujours à sa ceinture. Elle entreprit de copier la phrase codée dans sa chambre et de reproduire toutes les lettres qu’elle trouva dans sa maison, comprenant qu’il y en avait systématiquement treize par pièces.

Garder son sang froid lui demanda une énergie aussi folle que celle qu’elle avait déployée dans le ventre du Château, le jour où le Brouillard avait fait céder la barrière de Poudlard. A ce détail près que cette fois-ci, elle était seule au monde, et que personne ne se doutait de l’immense problème auquel elle faisait face.

L’arithmancienne était, aux yeux du monde entier, simplement de retour chez elle pour le week-end.

Or, la remise en ordre des symboles et leur traduction lui fit dire, après une heure d’étude, qu’elle avait tout intérêt à se dépêcher de briser le maléfice, car elle courait un danger. Un très grave danger, même.

Elle avait vu juste quand elle avait soupçonné un rituel. Les phrases écrites partout dans sa maison formaient un poème, un poème maudit et interdit, empreint de cette magie des plus sombres qui ne pouvait que conduire son praticien pour un aller simple vers Azkaban.

Quelqu’un essayait d’ouvrir un portail vers une autre dimension magique. Cette idée fit frissonner d’effroi Gillian, qui, si elle n’avait vu personne dans sa maison, avait désormais acquis la certitude qu’elle allait tôt ou tard faire face au Sorcier qui s’était adonné à ces incantations interdites.

Tout à coup, un grondement fit vrombir les murs de la maison. Armée de sa baguette, qu’elle n’avait pas lâchée depuis son « réveil », Gillian suivit le chemin de ces profondes vibrations qui la menèrent directement dans le petit placard sous l’escalier du hall. Derrière les rainures de la porte de bois rougeoyait une lumière vive.

Plongée dans le silence des vibrations et de la solitude, Gillian abandonna le parquet où elle s’était accroupie avec ses notes. A pas de loups, elle s’approcha de la porte, pour poser sa main sur la poignée de fer doré et la tourner tout aussi doucement. Derrière, on n’entendait rien que le bruissement des ondes, comme si quelque chose de vide aspirait tout ce qui lui faisait face. Enfin, la porte s’ouvrit, sans grincer.

Dans un premier temps éblouie, Gillian écarquilla bientôt ses yeux avec stupeur. Devant elle mugissait une large ouverture circulaire, dans laquelle tourbillonnaient des courants de couleurs rouge qui filaient droit au fond de ce qui aurait aussi bien pu être un tunnel que le néant.

La rationalité de l’arithmancienne lui évita encore une fois de perdre du temps et de l’énergie à paniquer et chercher à savoir qui, comment et pourquoi ici, elle, et dans quel but, bien qu’elle ne fut pas sereine pour un sou. Le danger était cependant trop pressant pour qu’elle perde de précieuses secondes à se laisser complètement envahir par ses émotions.

Ses yeux parcoururent le cercle de pierre qui encadrait le portail. De nouvelles lettres de cette langue morte, qu’elle dut traduire et comprendre de tête cette-fois. Pas de doute, elle avait bel et bien à faire à un portail.

Cependant il était incomplet.

Les cellules grises de la sorcière s’agitèrent. Elle alla chercher au plus profond de sa mémoire, plongée dans une intense concentration, pour réunir le savoir qu’elle avait engrangé sur ce type de magie. Il fallait, pour ouvrir un tel portail, préparer le lieu d’entrée et le lieu de sortie. Pour ce faire, des rituels magiques devaient être accomplis en chaque point, simultanément ou successivement selon les cas, pour compléter l’incantation et permettre au maléfices de s’ancrer dans la réalité.

Les travaux de préparation qui correspondaient aux symboles tracés chez Gillian étaient terminés. Elle comprit qu’il s’agissait de la sortie, car lorsqu’il s’agissait de lier deux dimensions, il était bien moins hasardeux de préparer le terrain d’arrivée que de commencer le travail « de l’autre côté ». Ce d’autant que les moyens pour toucher un autre monde, bien que constituant des secrets magiques très bien gardés, était moins difficile, en théorie, que de construire et faire perdurer le pont entre les dimensions.

Par conséquent, la porte de sortie terminée menait vers une dimension hybride, un endroit où l’espace et le temps n’étaient plus que des mots, et c’était là que les rituels pour ériger l’entrée avaient lieu. Comme une vaste incantation, destinée à appeler et diriger les flux magiques de la dimension recherchée vers le tunnel formé et ainsi, relier les deux mondes.

En d’autres termes, si elle parvenait à entrer dans ledit portail, il y avait fort à parier qu’elle parvienne jusqu’à ceux qui, au cœur du néant, travaillaient à creuser l’entrée vers la dimension dont ils voulaient faire sortir…

Faire sortir quoi, d’ailleurs ?

Gillian considéra le portail devant elle, qui constituait donc la sortie du rituel. Un dernier détail, mais pas des moindres, lui était revenu à l’esprit, portant au complet le savoir qui devait être réuni à propos de ces rituels.

Il était impossible de les fermer purement de l’extérieur. Comme en arithmancie, il existait toujours une clef. Une clef qu’il fallait chercher à l’intérieur même de cette dimension bâtarde. Et bien entendu, c’était en partie d’arithmancie dont il était question, car cet art de la magie si fascinant, couplé à la métamorphose, permettait malheureusement de créer de pareilles horreurs.

Personne ne pourrait l’aider.

Alors puisqu’il n’y a que cela à faire…

L’arithmancienne recula et s’empressa d’aller écrire tout ce qu’elle avait découvert sur un parchemin, qu’elle cacheta et plaça en évidence sur son bureau, destiné à Hector selon un nom de code qu’ils employaient tous les deux pour correspondre secrètement, lorsque leurs conversations revêtaient des sujets sensibles.

Mais de l’extérieur, il s’agissait d’un simple bon de commande pour de la nourriture Premium pour rongeurs.

Forte d’avoir accompli ce devoir, destiné à couvrir ses arrières et à avertir qui de droit s’il lui arrivait quelque chose, Gillian retourna dans le placard et posa le pied sur le pas du portail.

Allez.

Après une profonde et tremblante respiration, elle y pénétra d’un pas en protégeant ses yeux de la lumière intense, sa baguette toujours fermement tenue à la main. Les vrombissements, plus forts et graves que jamais, emplissaient ses oreilles comme si son propre crâne était sur le point d’exploser.

Au cœur du néant noir, un demi-cercle d’hommes encapuchonnés psalmodiait en marmonnant. Les paroles qui franchissaient leurs lèvres, issues d’une langue maudite, invoquaient de tous leurs souhaits l’ouverture d’un ultime passage. Les figures de leurs idoles infâmes pendaient autour de leurs cous comme des pendus à leur gibet, défigurés par l’alliance folle de la magie et de la haine.

Au milieu de ce demi-cercle, vêtu d’une cape plus richement ornée que celles des autres adorateurs, le Grand Orateur levait les bras au-dessus de lui, les yeux révulsés, sa silhouette tremblant de toute sa hauteur, comme s’il était transcendé de la malédiction qu’il était en train de proféré. Dans sa main droite, sa baguette crachotait runes et symboles, à mesure qu’il l’agitait de petits coups frénétiques. Les autres, autour de lui, se recueillaient en traçant, sous leurs pieds, d’autres pentacles et symboles destinés à clore le rituel.

Cependant les choses n’allaient pas aussi vite que ce qu’ils souhaitaient. Leur magie, instable et dangereuse, causait parfois de petites explosions qu’ils se devaient de maîtriser immédiatement, sous peine de se retrouver coincés ici pour l’éternité. Ou du moins ce qui s’en rapprochait, puisqu’ici bas le temps n’existait plus.
- Concentrez-vous, éructa le Grand Orateur, las de voir sursauter ses médiocres acolytes.

Il avait hâte, très grande hâte même, oui, d’ouvrir ce pont dimensionnel. Cette magie si ancienne, si méconnue, si interdite que celle qui leur permettraient de confiner aux non-êtres. Tout cela était bientôt à portée de sa main, encore un effort, un tout petit effort… Si seulement ceux qui l’accompagnaient étaient plus courageux. Que n’avait-il fallu les informer sur le Néant, que n’avaient-ils fanfaronner, bombant le torse, enfiévrés par leurs idéaux, mais à les voir trembler ici comme des femmelettes… c’était la preuve par deux que pour eux, tout cela n’était qu’une posture. Un genre à se donner.

Pour le Grand Orateur, c’était bien plus que cela. Et s’il était le seul à devoir prendre sur lui d’accomplir le rituel, il le ferait. Il était prêt à sacrifier son corps, son âme, son esprit, si cela lui garantissait que le monde sorcier changerait enfin.

Oui, Atticus Humphrey était décidément prêt à tout, absolument tout, pour ouvrir le chemin des non-êtres droit vers la Terre. Quant aux conséquences que cela entraînerait… il n’y voyait que l’avènement d’un monde nouveau.

Gillian se serait attendue à devoir marcher un long chemin avant de trouver la deuxième part de ce que l’on essayait d’ouvrir chez elle. Quelque chose comme un tunnel, un chemin ou un vaste espace à parcourir jusqu’à ce que le désespoir la gagne. Cependant ce que l’on savait de ce genre de magie se limitait aux ancrages physiques qui avaient été érigés sur Terre. Ceux qui avaient traversé les dimensions revenaient rarement pour parler de leur expérience, et chaque porte menait vraisemblablement à un chemin différent.

Comme une petite mort, en pas réussi.

Mais Gillian eut la surprise, dès qu’elle disparut de sa maison pour traverser le portail, de se retrouver tout juste derrière le demi-cercle de ceux qui s’essayaient à un rituel magique qui d’évidence les faisaient tous trembler de frayeur, à l’exception de leur leader. Elle ne sut pas immédiatement ce qu’elle voyait, mais c’est lorsqu’elle entendit l’un des cultistes s’adresser à ses condisciples pour signaler sa présence intruse, qu’elle comprit qu’elle avait à faire à des êtres humains.

Seule contre ce groupe d’hommes, qui n’étaient pas moins de dix, elle n’avait certes aucune chance. Alors qu’elle se disait sottement que la lettre qu’elle avait rédigée à l’attention d’Hector, de l’autre côté, allait peut-être finalement servir, et qu’elle tendait sa baguette pour lancer un sortilège de protection, le rituel de magie qui s’activait au pieds des cultistes se mit à luire de façon inquiétante.

Une nouvelle explosion retentit, plus forte que les précédentes qu’avaient connu les cultistes jusqu’à maintenant. Le souffle magique balaya la salle avec la force vive d’une tempête. Les baguettes, comme rendues incontrôlables par des flux magiques trop anciens, trop puissants et trop peu maîtrisés par leurs utilisateurs, émirent des éclairs, qui rebondirent contre les corps des uns et des autres, les assommant, si ce n’était pire, et les laissant sur place.

Alors que plusieurs hommes arrivaient à l’assaut de Gillian, elle reprit ses esprits aux fins de les désarmer et stupéfixer, ou pétrifier ceux qui étaient à portée, et pour lesquels elle s’était montrée suffisamment rapide.

Le Grand Orateur émis un rugissement de rage, écumant de colère.
- Le rituel ! On se fiche d'elle, accomplissez le rituel ! Terminez-le !

Des flammes dévoraient ce qui restait de l’immense pentacle qui n’avait pas échappé, bien entendu, à l’œil avisé de Gillian. Bien que gênée par les cultistes qui essayaient de se mettre en travers de sa route, elle remarqua, au cœur absolu du pentacle, un symbole ultime. Un symbole qui n’avait été tracé nulle part chez elle, et dont elle comprit que l’inversion suffirait à clore l’infâme portail que l’on avait ouvert à son domicile.

La lecture de cette information ultime coûta à Gillian d’essuyer deux sortilèges offensifs qu’elle qu’elle n’avait pas vu fondre sur elle. Frappée de plein fouet au ventre, elle fut projetée en arrière et atterrit sur le dos, saisie d’une douleur profonde dans les côtes. Mais en voyant luire le portail derrière elle, celui qui l’avait conduite jusqu’ici, elle n’eut plus qu’une idée en tête : repartir de l’autre côté et annuler l’enchantement.

Il fallait couper tout accès à cette dimension. Elle en savait suffisamment sur ces rituels pour comprendre, par ces temps embrumés, qu’ils servaient un dessein si noir qu’elle n’osait verbaliser ses pensées.

Bien que pétrie de douleur et blessée, Gillian se releva avec précipitation, ses pieds glissant un instant contre la surface lisse de ce sol qui avait l’air de ne pas exister. Elle parvint à se débarrasser d’un Adorateur qui avait essayer de bondir sur elle pour l’arrêter, trouvant très vite la force de courir, qui lui venait d’un instinct de survie et de protection dont elle ne se serait pour rien au monde détounée.
- Empêchez-la de s’enfuir ! hurla le Grand Orateur. Attrapez-la !

Il était cependant trop tard, car l’arithmancienne s’était déjà élancée dans un saut en longueur qui lui permettrait d’atterrir chez elle dans les secondes qui suivraient. Par réflexe, elle tourna la tête vers l’homme qui hurlait, lequel s’était tant agité que sa capuche était tombée sur ses épaules, dévoilant un visage qu’elle ne connaissait que trop bien. Un visage qu’elle n’avait pas vu depuis longtemps, qui avait vieilli, mais qu’elle n’était pas en mesure de méconnaître.

Un flash avait suffit à Gillian, avant d’être à nouveau aspirée par le portail menant à sa maison, pour reconnaître le visage de son père.

Le portail l’engloutit. L’arithmancienne fut projetée – de son propre élan – sur le parquet de sa maison dans un fracas alarmant. Sans attendre qu’un cultiste ait eu le temps de la suivre, à supposer que la débâcle causée par le rituel manqué avait cessée et leur laissait le temps de s’occuper d’elle, Gillian traça de la pointe de sa baguette magique, tout en haut du portail, le symbole qu’elle avait lu au centre du pentacle. Cependant, elle l’inversa, selon les règles strictes de ces vieilles antiques, porteuses des mêmes principes que l’arithmancie : toute énigme magique contient sa propre clef.

Dès qu’elle eut terminé de tracer le symbole inversé et qu’elle l’eut scellé grâce à la cryptomagie arithmantique, Gillian remarqua que l’ensemble des runes de son domicile s’illuminèrent en même temps. Les vrombissements allèrent crescendo, jusqu’à ce qu’elle soit obligée de se couvrir les oreilles pour ne plus rien entendre, prête à voir son domicile exploser en mille morceaux.

Après quelques secondes, le vacarme s’évanouit d’un seul coup. Gillian, recroquevillée sur le sol, osa jeter un regard vers son placard sous l’escalier : plus aucune trace de portail. C’était comme s’il n’avait jamais existé. Ne subsistaient, çà et là, que quelques runes déformées par l’échouage du rituel et le contre-enchantement de l’arithmancienne.

Au bout de plusieurs minutes de stupeur, une fois qu’elle fut assurée que personne ne l’avait suivie – ce qui était somme tout évident en l’absence de porte – Gillian expira profondément, d’un souffle tremblant, et roula sur le côté, à même le plancher.

Lorsqu’elle eut repris ses esprits, elle se releva lentement et s’autorisa à appeler les secours, à commencer par Hector, au bureau des Aurors. Une enquête aurait lieu, assurément, et elle se devait de donner sa version de l’histoire à chaud. Aussi avait-elle besoin de soins.

Mais ce dont Gillian avait d’abord et avant tout besoin, à compter de ce jour, c’était de comprendre ce que son père, Atticus Humphrey, qu’elle n’avait pas revu depuis des années, faisait au milieu des cultistes Adorateurs du Brouillard…