Il fait frais, Eliott n'a pas penser à prendre un bonnet, une veste ni même son écharpe jaune et noire qui a du rester sur son lit. Le Poufsouffle, allongé par terre, sur le dos, pour regarder les nuages dans leur incessante course dans le ciel depuis un coin de la Cours de la Tour de l'Horloge, se faisait la remarque qu'aujourd'hui n'était pas un jour trop mal ;  qu'aujourd'hui était un bon jour ; un bonjour. Tandis que ces mots tournaient et retournaient dans sa tête comme une comptine, il laissait s'échapper de ses lèvres que la fraicheur de l'automne avait un peu asséchées d'autres sortes de nuages blancs, plus petits, moins consistants, plus odorants. Planté là depuis la fin du repas, Eliott venait de terminer le dernier joint qu'il avait pris soin de rouler ce matin avant le déjeuner.

Le jeune sorcier regarda la fumée s'évaporer dans l'air, et comme si celle-ci emmenait avec elle la chaleur de son corps, Eliott eut un frisson. Il était temps de retourner dans sa chambre pour faire une sieste jusqu'au diner ; alors, ce dimanche aura était une bonne journée. Eliott se redressa, s'étira et se mit debout en prenant le temps de ne pas trop violenter son corps. Son regard, un peu éteint, parcourut la cours comme s'il la découvrait pour la première fois. Après avoir passé plusieurs heures à admirer le ciel, elle lui paraissait sombre et délavée ; sauf en un point. Un petit point orange et lumineux, discret, comme une étoile timide lorsque le jour déclinait. Eliott phasa quelques minutes avant de réaliser qu'il s'agissait d'une citrouille transformer en lanterne. C'était la période de l'année pour cela. Petit, le Poufsouffle en sculptait toujours avec ses parents, même si sa mère n'aimait pas l'odeur. Les courges avaient toujours un air sympathique avec leur couleur chaleureuse.

Eliott se rapprocha tranquillement, les mains enfouies dans la poche ventrale de son sweat, jusqu'à se retrouver face à Noël Gardner. C'était un de ses camarades de classe, un Serdaigle super sympa et un peu... mélancolique ? Eliott l'aimait bien. Il avait son monde à lui, si différent du sien et des autres que ça le rendait unique. Elles sont jolies... On dirait des gardiennes. Eliott observait les sculptures légumières, protectrices peintes, et fut pris de l'envie d'en fabriquer une aussi. Je peux ? Il pointa mollement du doigt une petite citrouille encore intacte sur le bord de la table.

Eliott observa Noël déplacer ses affaires pour lui libérer un peu de place à sa table, et mit quelques secondes avant de répondre à son sourire par un très léger rictus. Cool. Le Poufsouffle tira de sous la table un tabouret en bois qui racla doucement sur les pierres de la cours et s'assit dessus, tout simplement. C'est sympa, mec. Les pupilles noires balayèrent doucement les outils et la peinture qui s'ordonnaient en un joyeux bazar sur la table. Il fit rouler la petite citrouille jusque devant lui, la stabilisa avec attention ; c'est-à-dire qu'il essaya de la mettre dans différentes positions avant de se décider laquelle serait la bonne. Ensuite, Eliott chercha quels instruments il pourrait bien utiliser. Sa démarche était assez empirique : certains outils répondaient à une idée de sculpture qu'il pouvait avoir derrière la tête, d'autres simplement parce qu'il voulait les essayer. Eliott les prenait en main un à un, restait là à regarder quelques secondes, puis soit il le posait à côté de sa citrouille, soit il le reposait à sa place. A mesure qu'il sélectionné son matériel créatif, le Poufsouffle s'était installé en tailleur sur son tabouret ; une position tailleur un peu bancale mais qui faisait montre de la souplesse du garçon. Noël l'arracha à sa réflexion/contemplation/rêverie.

S'il avait des idées ? Des idées pour ? Les yeux en demi-lune aux pupilles dilatées marquèrent l'interrogation avant de s'illuminer de compréhension. Oh, pour la citrouille ? Eliott planait un peu en ce début d'après-midi. Non. Il attrapa sa citrouille et la positionna face à lui, dans le creux de sa main. Mais peut-être qu'elle en a une, elle ? Le Poufsouffle scruta attentivement le grain de la peau orange du légume avant de s'adresser à lui. Des envies de métamorphose, madame la citrouille ? Ca se voulait comique, mais le ton blasé d'Eliott n'aidait sans doute pas à comprendre où il souhaitait en venir ; il essaya de modifier sa voix, comme un marionnettiste, pour faire converser le cucurbitacée et le tourna vers Noël. Je veux être la reine de l'automne, la plus belle des plus belles courges de ce parc, que tou.tes se tournent vers moi. Amusé par sa propre bêtise, ou un peu honteux de son petit manège ridicule, Eliott laissa échapper un petit rire qui ressemblait davantage à un souffle du nez un peu fort qu'à un vrai rire. En voilà une qui a de l'ambition ; dommage pour elle, elle n'est pas tombée entre les bonnes mains. Peu de chance en effet que la citrouille d'Eliott parvienne à rivaliser avec celles qu'avait faites Noël. Il la reposa sur la table, attrapa un petit couteau à la lame incurvée en ergo, et commença à lui tracer des yeux.

Tu fais souvent ça ? Eliott fixait la citrouille "tête de mort" qui pétait la méga classe intergalactique. Il était doué, le Serdaigle. Ca ne surprenait pas tellement Eliott, qui se demandait simplement s'il avait un don ou s'il avait travaillé dur pour avoir pareil résultat. Le Poufsouffle se dit qu'il la ramènerait bien dans sa chambre celle-là ; elle aurait fière allure sur son bureau, et sûr que Tao la trouverait très réussie. Noël était spécial, c'était indéniable. T'es super doué. Eliott, curieux, voulait en découvrir plus.

"Au contraire" ? Eliott ne comprit pas la remarque de Noël.  Il ne fit pas le lien entre ce qu'il venait de dire et ce "au contraire" qui lui filait un peu trop au-dessus des boucles. Alors il lui sourit, le petit sourire consensuel du type qui n'a pas capté mais qui ne veux pas le faire remarquer pour ne pas paraitre idiot ou tout simplement parce qu'il juge que ça n'en vaut pas la peine ; trop d'énergie à investir pour quelque chose à l'intérêt modeste. Son attention s'était de toute façon déjà reportée sur les magnifiques citrouilles que son camarade avait taillées. Eliott avait suspendu son geste, le couteau toujours planté dans la peau claire et solide de la malheureuse courge dans ce qui devrait bientôt être son œil droit.

De ce que le Poufsouffle comprenait, Noël était le genre de type à la pratique régulière, qui s’entraînait beaucoup, ou presque car il était un passionné et donc il ne réalisait même pas l’effort à faire pour se tenir à une telle pratique rigoriste, seule clef à la réussite artistique. C'est impressionnant, mec. En cela, il était à des années-lumière d’Eliott qui s’arrangeait toujours pour avoir le moins d'efforts à fournir. Partout, tout le temps. Même pour la musique, que le garçon affectionnait particulièrement, il ne s’était donné les moyens d’apprendre un autre morceau que celui que son père lui avait appris la première fois qu’il lui avait fait tenir une guitare. Oh Eliott avait parfois tenté des trucs à l’oreille, mais le résultat n’était pas des plus satisfaisants alors il n’insistait pas. J'aimerais bien réussir des trucs aussi stylés. C'était dit comme ça, sans vraiment qu'il y pensa à vrai dire. La magie faisait bien des choses, mais elle ne faisait pas tout, ou alors fallait travailler dur. Aussi la question en suspens pour l'instant était celle-ci : le Poufsouffle terminerait-il de sculpter cette citrouille sur laquelle il avait commençait à dessiner des yeux avant même de l'avoir vider ?

Si l’énergie ne venait pas de lui, il pouvait parfois compter sur d’autres pour la lui insuffler ; comme son père avait fait pour la musique ou même sa mère pour… Il ne savait plus trop quoi mais devait bien y avoir quelque chose qu’il tenait d’elle, non ? Je veux bien. C'était gentiment proposé alors il n'avait aucune raison de refuser la proposition de Noël ; Eliott en avait même oublié l'appel de son lit. Il était bien ici même si le froid lui dressait les poils sur les bras. L'ambiance qui se dégageait de cet atelier improvisé par le Serdaigle avait quelque chose de confortable, et d'un peu mystérieux qui faisait qu'on avait envie de rester là avec lui. En tout cas, Eliott en avait envie. Genre dès que je lui aurais donné un visage, ok ? Mais le Poufsouffle semblait déjà un peu en difficulté pour lui creuser les yeux à cette citrouille. 'fin si j'y arrive. Ca n'avait pourtant pas été si difficile que ça l'année dernière avec son père ; il n'en avait pas fait cette année, les vacances ayant plutôt été occupée à réparer sa chambre avant l'hiver et aménager le sous-sol pour... les quelques 440 prochaines pleines lunes qu'il vivrait. Alors peut-être pas dans cette maison, certainement que non d'ailleurs, mais un certain nombre quand même probablement. Bon, qu'est-ce qui clochait avec cette courge ?!

C'était ça le souci pour Eliott : il fallait essayer. C'était comme si l'échelle du premier barreau d'une échelle se trouvait hors de portée pour le Poufsouffle quand il tendait le bras et qu'il devait sauter l'attraper ; et pas sauter genre un petit saut de mulot, non non, fallait un saut qui nécessitait de l'élan, un vrai saut de biche, haut et puissant. Autant dire que c'était beaucoup en demander à Eliott. Mais il n'était pas trop mal installé où il était, au ras des pâquerettes ; il y faisait bon et puis la vue n'était si désagréable. Ouais... Faudrait que j'essaye. C'était comme la guitare, les graines en pot, ses devoirs ou tout autre chose qui demandait un investissement, un effort ; c'était difficile et puis souvent il n'y avait pas de raison si importante qui le poussait à franchir le pas. Personne à décevoir sinon lui-même ou les profs, rien d'alarmant donc. Pour l'heure, il essayait et se donnait à fond, chose rare, sur cette pauvre citrouille qui allait probablement rester aveugle.

C'était sans compte sur l'aide de Noël. Ah. Eliott observa la cuillère que son camarade lui tendit. Merci bg. C'est sûr que ça devrait être plus simple avec ça. Le Poufsouffle concéda au Serdaigle son couteau et l'écouta avec toute l'attention dont il était capable. Il se gratta la tête. Ah ouais, ok... Il n'avait pas fait comme ça avec son père la dernière fois, si ? Impossible de s'en souvenir ; soit c'était il y a trop longtemps, soit il devait être défoncé. Un peu comme aujourd'hui. T'es habile. Eliott récupéra le couteau et le porta à son front dans une parodie de salut militaire. Oui m'sieur ! Il y avait tellement d'étapes qu'Eliott se dit qu'il lui faudrait une semaine complète pour faire un truc pareil et que la cucurbitacée aurait surement pourri d'ici là, de dépit devant d'adresse... Alors... Il y eut un coup de couteau sec qui traversa et détacha le haut du légume dans un bruit sec en cogna sur la table. Oh ! Ce petit chapeau végétal roula sur le bois avant de s'immobiliser à plat. Et maintenant je creuse alors ? Eliott attaqua la pulpe avec sa cuillère, tenant fermement la courge dans sa main.

Le Poufsouffle tirait la langue et grimaçait dans ce qui semblait être une lutte terrible avec la citrouille. La chair orange était évidée petit à petit. Aïe... Eliott sentait un picotement au bout de son doigt et constata que la peau du légume était passé du orange clair au rouge. Ah, je me suis coupé. Une belle coupure bien nette. Si nette qu'il ne l'avait même pas sentit. Il coupe bien ton truc. Il porta son doigt ensanglanté à sa bouche, par réflexe. Ce goût ferreux était écœurant. A une main, il essaya de continuer la vidange de la citrouille, mais c'était ridiculement faisable alors il y remit la main. Finalement, il avait fait la peinture avant le reste... Le rouge, c'était ce qu'il fallait pour Halloween de toute façon, un beau rouge sang.