• ◊ Mensurations : 1 mètre soixante-huit pour 53 kilos.
• ◊ Morphologie : Longiline, svelte et ferme.
• ◊ Démarche et attitude : En société, grâcieuse et distinguée. Pendant le travail, bien plus furtive et fugace…
• ◊ Droitier ou gaucher : Droitière
• ◊ Manie : Fumer un peu de tabac magique. Ce n’est pas bon pour la santé, il est vrai.
◊ Couleur des cheveux : D’un brun profond.
• ◊ Longueur et type des cheveux : Très longs et souples, souvent portés en chignon lors des événements mondains. En d’autres circonstances, leur allure est plus… changeante.
• ◊ Couleur des yeux : Gris perle aux reflets nacrés.
• ◊ Forme du nez : Un nez droit, dont le bout légèrement arrondi se retrousse un peu.
• ◊ Voix : Douce et grave, un rien inquiétante.
• ◊ Particularité : Métamorphomage. Cette particularité lui permet d’ailleurs de dissimuler de nombreuses cicatrices qui parcourent sa peau.

Celui qui conte cette histoire ne serait contredit par personne s’il affirmait que sa petite héroïne naquit dans la famille de sorciers la plus pauvre de l’Italie du sud. Pas plus qu’il ne rencontrerait de détracteurs s’il affirmait que c’est une ignorance confinant à la folie qui poussa ses parents à aller se réfugier à Brownsville. Au cœur d’un New-York où des sorciers aussi délaissés qu’eux par le destin avaient su faire fortune et vivre le rêve américain, ils avaient pris à la légère les avertissements des quelques personnes qui, autour d’eux, leur voulaient du bien. C’est au beau milieu d’un quartier dévastés par les rivalités de différents gangs sorciers qu’ils atterrirent.

- Fume la gueule de ce connard de Cardinal, Kenan.
Un an s’était écoulé. Au rêve irréalisé avaient succédés de nombreux mauvais choix. Aucune chance n’avait été laissée au jeune père de famille, frappé de plein fouet au poitrail par l’éclair vert qui traversa sa poitrine. Sa femme hurlait sur son cadavre encore chaud, abandonné sur les pavés. Un crachat les atteignit.
- Il a eu ce qu’il méritait. T’apprendras que c’est c’qu’on récolte ici, quand on fricote avec les ennemis du Gant.
Elle reçut un coup violent sur le crâne et se tut à jamais. Des sanglots d’enfant parvinrent aux oreilles des deux irlandais.
- Regarde ça.
Le gros poing tenait cruellement serrée une chevelure d’enfant, au bout de laquelle une petite fille tremblait de peur et de pleurs. Ils la traînèrent derrière eux.
- C’est quoi ton nom ?
Le bouge n’allait pas tarder à ouvrir. Autour des crapules s’agitaient les hybrides et autres employés qui animaient les tables de jeu, les filles qui iraient se trémousser sur scène et celles qui vendraient leur peau pas bien cher. La gamine reçut une tape à l’arrière du crâne d’une main gantée de cuir rouge, comme toutes celles qui les entouraient.
- Monsieur O’Connell t’a posé une question.
- Tout doux.
La voix profonde et rauque de cet homme de stature si haute, si carrée et si puissante inspirait peur et respect. La môme devant lui avait des airs d’indigente moldue. Il ne donnait pas cher de sa jeune peau.
- On t’appellera Penny. Désormais tu travailles pour nous.
C’est ainsi qu’elle entra au service du Gant carmin.


Kenan Murphy gratta sa barbe mal rasée. C’était officiel, le boss avait inhalé trop de vapeurs de mandragore.
- Qu’elle soit l'interprète ?
Sam O’Connell n’appréciait pas qu’on discute ses ordres. Habitude que son fils Sean, un jeune scroup complètement ingérable, avait prise. D’un regard Murphy comprit qu’il devait la boucler.
- Scusez-moi, Sam, c’est juste que… j’vois pas bien c’que vous avez en tête. Elle a pas plus d’huit ans, qu’est-ce qu’elle y comprend cette gosse ?
- Bien plus que tu ne peux l’imaginer. Madame Rouge l’a remarqué l’autre soir, dans le salon de plaisance. Elle a longuement discuté avec Francesca. Penny parle parfaitement espagnol.
Murphy déglutit, ahuri. Ils la savaient italienne, et ils avaient pu vérifier qu’elle comprenait l’anglais, au travers d’ordres donnés. Qui aurait pu croire que cette gamine, destinée à devenir fille publique, disposait de telles ressources ?
- Sur ce coup-là on doit devancer ces fils de chien de Wolves, reprit O’Connell. La transaction est importante et je ne fais pas confiance à ce peigne-cul de Ramirez. Il a trop essayé de me la foutre ces derniers temps.
La décision du chef était prise, rien ne servait de revenir là-dessus.
Ce soir-là, sans comprendre, Penny permit au Gant Carmin de conclure un contrat d’importance traduisant simplement quelques mots. Quelques mots salvateurs qui convainquirent Sam O’Connell de la prendre sous son aile plutôt que de la laisser devenir une Francesca.


- Papa, qu’est-ce que ça veut dire ? Pourquoi c’est Glen qui s’est occupé de la dernière exécution ?
Sam avait l’habitude des coups de colère de Sean. Son unique fils avait toujours été caractériel, mais l’adolescence accentuait le phénomène, tout comme son intérêt irréfréné pour la magie noire. Derrière le bar qu’il tenait pour l’après-midi, Sam tâcha de garder autant de sang-froid que possible.
- Glen a plus l’habitude des Wolves que toi. Il connaît leurs méthodes, leurs tactiques. Si je t’avais envoyé...
- Je m’en serai très bien sorti, éructa Sean, hors de lui. Un jour je te succéderai, il faudra bien que tu mettes dans ton crâne de vieux schnock que…
La porte de l’établissement s’ouvrit sur la silhouette d’une jeune fille de dix-sept ans au teint basané. A mesure qu’elle avançait, son corps et son visage recouvrirent ses traits fins et gracieux habituels, comme sa peau redevint diaphane. Ses cheveux demeurèrent blonds lorsqu’elle croisa, de son œil d’acier, le regard de Sean, qui rougit aussitôt.
- Penny, enfin tu es de retour.
Elle acquiesça en silence et ignora complètement l'hébétude du fils prodigue. Piqué au vif, Sean bouillit de rage, de plus belle.
- Elle aussi elle a des missions spéciales ?
- Ferme ta grande gueule, gronda le chef. Tu m’aurais été aussi utile qu’un putain de balai moldu sur ce coup-là. Tu parles italien ? T’es capable de changer d’apparence à l’envi ? Depuis quand t’es métamorphomage et polyglotte avec ça, espèce de p’tit merdeux ?
Le fils frappa de son poing faible sur le bar, ce qui n’impressionna personne.
- Un jour tu t’mordras les doigts de m’avoir traité comme ça. Vous serez tous à mes pieds, tous, sans exception. Et toi tu seras ma meuf !
Penny considéra avec mépris ce petit mec malingre et couard.
- Dans tes rêves, le scroup.
Sans prêter attention aux effets de l'outrage sur son soupirant, Penny se retira sur le toit. Elle avait envie de fumer.
- Salut Pen’. Tu vas rester comme ça longtemps ?
Le visage de Glen lui souriait. Il avait les traits fatigués de celui qui avait traqué des ennemis toute la nuit. Elle savait ce que Sam l’avait forcé à faire, avec sa baguette. Elle s’ébroua, ce qui rétablit la couleur brune de ses cheveux. Glen la préférait ainsi, au naturel. Ils partagèrent quelques bouffées de tabac magique.
- C’était qui, cette fois ?
Glen n’aimait pas à parler de ses activités de tueur officiel du Gant carmin. Sauf avec Penny. Elle avait ce privilège, tout comme il en avait avec elle.
- Le bras droit des Wolves. Faut qu’on fasse gaffe Pen’, Ray de Winter finira par sévir. O’Connell est fou.
- Leur guéguerre va toujours plus loin.
Aucun des deux ne parla plus, trop occupés à ce qu’ils se faisaient l'un à l'autre. Dans un coin sombre, Sean ne rata rien du spectacle. Et ce fut comme si son ventre explosait.

- Non, Glen…
- Pen… écoute-moi…
- Ne parle pas.
Elle sanglotait sous la pluie. La baguette dans sa main tremblait. Les blessures étaient trop nombreuses. Elles saignaient trop, depuis trop longtemps. De la magie noire, de la plus obscure espèce. Celle qui s'éteint à petit feu. Celle qui étouffe ses proies. Elle l'avait trouvé là, gisant sur le sol. Il n’y avait rien qu’elle puisse faire. La grande main de Glen s’accrocha à son visage. Ses yeux se voilaient, un filet de sang coulait de ses lèvres, mais il avait encore la force de sourire. Elle s'empara de lui, secouée d'un chagrin qu'elle aurait pu réprimer si elle avait encore eu un espoir auquel s'accrocher.
- Merci… de m’avoir montré ce que c’était... d'aimer quelqu'un.
- Arrête, je t’en prie, sans toi je n’y arriverai pas… !
- Ne change jamais… Tu es parfaite.
- Je t’en supplie reste avec moi !
Il ne bougea plus. Seule, effarée, accroupie dans une mare de sang et d'eau, elle n’avait plus, pour seule compagnie, que la morsure froide de l’averse qui se mêlait à ses larmes.

Sept hommes étaient responsables de la mort de Glen. Le menton droit, le front haut, les dents serrées, elle avait tout compris. Et dusse-t-elle y passer sa vie entière, elle aurait sa vengeance.


Elle commença par nettoyer Brownsville de ces deux gangs qui le pourrissait. Le sortilège de l’imperium n’aurait su être plus efficace que la sordide pièce de théâtre à laquelle elle s’adonna. Sean la voulait ? Il l’eut, pauvre fille éplorée qui tomba toute cuite dans ses bras. Le plus difficile fut de passer la répugnance de se trouver entre ses bras. Le reste ne fut que formalité…

Elle laissa croire qu’elle était enceinte. L’union avec Sean scellée, elle rendit le vieux Sam fou de joie de se savoir bientôt grand-père. Les bons sentiments de ces salauds qui détruisaient, foulaient au pied chaque vie qu’il sacrifiaient sur l’autel de leurs ambitions viles, elle les utiliserait contre eux. Ce qu’elle fit, avec brio.

Ray de Winter ne faisait pas confiance à Sean O’Connell. Aussi Glen disparu, il n’y avait plus aucune raison que leur alliance perdure. Comme il lui fut facile, à elle, de venir le provoquer, sans se cacher de son prétendu état. Ce qu’il avait été simple, enfantin, d’apparaître comme une faible femme trop arrogante devant un sorcier si puissant que lui. Evidemment, le sortilège qu’il lui lança la blessa si sérieusement que tous comprirent, au Gant Carmin, que l’enfant de Sean et le petit-enfant de Sam ne verrait pas le jour.

La guerre qui éclata entre les deux clans fut la dernière. Elle, à l’abris, n’avait eu qu’à contempler tous ces petits hommes participer de bon cœur à leur tragique destinée. Dire qu'elle n'avait eu qu'à actionner ce petit spectacle de marionnettes...

C'est ainsi que périrent les gangs, et avec eux, les O'Connell. Dès l'instant où le MACUSA s'intéressa à l'affaire, ne pouvait ignorer la catastrophe qui s'était produite même dans ce quartier sordide de New-York, la métamorphomage s'évapora.


Elle trouva la trace du premier frère Malone parti à la conquête de l’Ouest. Après avoir revêtu mille et uns visages au cours de sa poursuite, elle avait apprit que le misérable s’était converti au braconnage de créatures magiques. Par là-même, il s’amusait à terroriser les habitants d’une petite ville de tradition magique amérindienne, où l’on chantait à la gloire des Womatous, des Serpents cornus et des magies oubliées par cette notion barbare qu’était « la civilisation ».
C’est au cœur de l’Arizona qu’elle retrouva son ennemi, au pied d’un canyon dans lequel une planque labyrinthique avait été magiquement creusée. Le petit jeu de piste auquel ils s’étaient adonné, tous les deux, avait été très amusant. Pour elle, en tout cas, puisqu’à vingt ans on était toujours bien plus endurant qu’à cinquante. Et sa ténacité, à elle, tenait non pas à une pulsion de survie, mais à un désir de vengeance mortelle.

Quand elle en eut terminé avec lui, elle s’en retourna dans la petite ville, ses vêtements couverts de la poussière causée par un éboulement parfaitement inexpliqué qui avait, grâce à Merlin, condamné la planque des braconniers – et certainement tué tout ceux qui s’y trouvaient. Plus reconnaissants qu’horrifiés par son geste, la matriarche lui fit cadeau d’une baguette tout à fait particulière, une baguette dont le flux magique la parcourut aussitôt qu’elle entra en contact avec sa main. Un instrument magique, battant d’un cœur de plume d’oiseau-tonnerre.

Celui qui conte cette histoire ne sera détrompé par personne s’il affirme qu’il n’y a rien de plus facile, pour un métamorphomage, de s’envoler à tire d’ailes loin de son passé pour satisfaire un désir de vengeance.

Elle apprit que certains avaient tiré profit du dernier affrontement – l’argent pouvait être si cynique – et s’étaient acheté une position, au Royaume-Uni. O’Malley, par exemple, qui évidemment n’était plus connu de qui que ce soit. Elle le savait en Angleterre. Où qu’il se terre, elle le trouverait. Les autres quant à eux se pensaient en sécurité, où qu’ils fussent, ailleurs dans le monde.

L’Angleterre. Le cœur de la puissance magique mondiale. S’il était un lieu où elle pourrait tirer son épingle de ce jeu macabre, c’était bien là-bas. Sa diabolique intelligence et ses talents de sorcière, redoutables, furent entièrement mis à contribution de son entreprise sinistre. Sans cette colère, elle se serait effondrée mille fois. Sans cette colère, elle serait morte. Sans cette colère, tout ce par quoi elle était passée serait demeuré vain et stérile. Elle n’aurait pas survécu pour rien. Elle anéantirait ceux qui lui avaient tout pris jusqu’au dernier. Elle détruirait ceux qui se dresseraient en travers de sa route. Elle demeurerait criminelle, là où l’ordre avait, complaisamment, laissé faire ceux qui l’avaient dérobée à un plus innocent destin.

L’Angleterre fit la connaissance de mademoiselle Josephine Vittoria Solara, sulfureuse italienne, recommandée par quelques noms des grandes familles de cette péninsule. Le métier de magespionne, à condition de le pratiquer habilement, ouvrait d’intéressantes portes. Devenue agent de liaison entre l’Angleterre et l’Italie, c’est à vingt-huit ans qu’elle mit le pied dans la porte d’entrée de ce cher Vicomte Lamora, un sorcier issu de la noblesse de Milan. Seul et malade, il était à la tête d’une fortune qui ne reviendrait à aucune famille. Il ne fallut guère plus de quelques semaines pour que mademoiselle Jo’ fasse manger le malheureux dans sa main. C’est ainsi qu’elle devint Donna Lamora, d’un simple battement de cils.

Lui aussi disparut dans des circonstances tout à fait mystérieuses. Aucune ne laissant à penser qu’il ait pu s’agir d’un acte crapuleux destiné à précipiter l’héritage de la jeune veuve. Si bien qu’elle n’eut même pas besoin d’être blanchie.

Diable, ce que les apparences sont pourtant trompeuses, lorsqu’il est question de métamorphomagie.

Penny n’existait plus. La petite fille qui l’avait précédée était morte. Seule demeurait Josephine V. Lamora, qui n’avait pas abandonné ses projets de vengeance. Mais le monde ne connaissait rien de cela. Le monde ne voyait qu’une femme secrète, parfois scandaleuse, dont personne ne soupçonnait le passé, plus savamment gardé que le secret magique lui-même.

Après tout pour dissimuler une vérité, il suffit de clouer un cercueil et de se taire.