Se lancer, ne pas se lancer, quelqu’un d’autre que Anne aurait sûrement hésité avant de sauter en skate dans les escaliers de Poudlard, mais pas la Gryffondor. Elle s’était élancée sans hésitation sur l’escalier, maîtrisant sans mal le contact avec les marches. Ce n’était pas la première fois qu’elle descendait un escalier en skate-board et elle avait cette tendance à foncer. Autant en profiter étant donné qu’il n’y avait pas trop de monde. Elle n’était pas obligée de slalomer entre ses camarades pour arriver à circuler et elle pouvait profiter de l’ambiance, de l’adrénaline et des effets qu’elle voulait donner.

Mais Anne n’avait pas tout prévu. Elle avait oublié un élément essentiel, à savoir que les escaliers étaient mus par une volonté propre et pouvaient bouger sans prévenir et changer de place. Anne n’avait pas tenu compte de cette donnée, ou alors elle l’avait tout simplement oubliée en atteignant le bas de l’escalier qu’elle était en train de descendre. L’escalier se déplaça et la planche rata la jonction. Elle bascula, faisant trébucher Anne qui fit un roulé boulé sur l’escalier suivant et s’écroula sur un de ses camarades de Poufsouffle qui faisait tranquillement sa vie sans embêter personne. Anne était prête à se prendre des bleus, mais elle n’avait jamais voulu blesser personne.

« Ho, je suis désolée ! » s’écria-t-elle en se relevant précipitamment. « Je t’ai pas fait mal, j’espère ? »

Anne connaissait Tao. Il était gentil, un peu plus tranquille qu’elle, il était vrai, mais ça ne lui faisait pas de mal d’avoir des camarades qui arrivaient à apaiser un peu la folie envahissante de la jeune Gryffondor. Mais elle les remerciait généralement différemment qu’en les écrasant comme elle était en train de le faire. Le pauvre Tao n’avait rien demandé à personne et il se retrouvait le coussin improvisé de la jeune fille qui, heureusement, s’était relevée assez rapidement tout-de-même. Elle ne voulait pas peser sur lui non plus après tout. Mais elle était contente de le voir même si elle n’avait pas prévu que ce soit de cette façon.

« Les escaliers m’ont joué un drôle de tour. Ca va aller, toi ? »

Elle n’avait pas l’habitude de tomber ainsi sur les gens. Bon, si en fait, mais elle ne le faisait jamais exprès. Bon, presque jamais. En tout cas, là, elle ne l’avait pas fait exprès. Mais ça faisait mal à la tête si elle tombait dessus, alors elle espérait qu’il n’avait pas eu trop de mal. Après tout, il n’était pas dans son chemin et c’était elle qui avait fait n’importe quoi. En l’occurrence, elle avait vraiment fait n’importe quoi. Mais bon, c’était ces escaliers aussi qui partaient dans tous les sens sans prévenir. Comment on faisait quand les escaliers partaient sans prévenir ?

Bon, tout ça pour dire qu’il n’avait pas mal. Ou presque pas. Il essayait peut-être de faire le gentil mais elle se disait qu’il n’avait pas l’air sérieusement blessé tout-de-même. Elle, elle était en pleine forme. Elle avait un peu l’habitude de se casser la figure. Les bleus, ça la connaissait. Il n’y avait rien d’autre à faire que de monter sur le skate et de recommencer. Voilà comment elle gérait les chutes, Anne. Mais bon, elle n’avait pas tellement l’habitude de gérer les chutes des autres, seulement les siennes. Elle remarqua soudain qu’il n’avait pas de chaussures. C’était amusant ça.

« Bah j’ai l’habitude de tomber. Ca m’fait plus rien, j’suis solide comme un roc, tu peux pas savoir. Dis, on t’a piqué tes chaussures ? C’est cool d’être à l’aise comme ça. Fait quand-même gaffe aux préfets, les préfets ça aime râler pour rien. Ou piquer des trucs, comme mon skate », lança-t-elle malicieusement avec un clin d’œil.

Comme si elle allait tomber juste en marchant, non. Plus maintenant. Anne était beaucoup trop entraînée pour ça. Même en skate sur les escaliers, elle ne tombait plus vraiment. Sauf comme là, quand les escaliers n’en faisaient qu’à leur tête. Mais bon, ce n’était pas de sa faute, du coup. Si ? Quand-même un peu ? Peu importait. Elle recommencerait de toute façon. C’était dans sa nature de partir dans tous les sens et quand elle le faisait, elle ne regardait pas aux risques. Tant pis si ça faisait un peu mal à la tête au final. Ce n’était pas tellement grave après tout.

« Je faisais du skate sur les escaliers. C’est trop cool, mais faut pas le faire si tu maîtrises pas ! C’est dangereux sinon. »

Elle partait peut-être dans tous les sens en ne faisant pas toujours attention à ce qu'elle faisait, mais lui, il semblait être doué pour être une tête en l'air. Voilà qu’il ne savait pas ce qu'il avait fait de ses chaussures. Cela fit rire Anne, mais pas d'un rire moqueur ou méprisant, plutôt d'un rire gentil et franc, illustrateur d'une bonne plaisanterie. Ce petit gars lui plaisait bien. Il ne se prenait pas la tête, et c'était le genre de choses qui allait bien à la jeune fille. Elle regarda ses pieds nus avec un léger sourire sur les lèvres en se demandant s'il allait finalement les retrouver.

Elle devait bien reconnaître que lorsque les préfets lui enlevaient son skate, c'était généralement parce qu'elle faisait des choses aussi dingues que de l'utiliser dans les escaliers. Mais ce n'était pas dangereux, il fallait juste savoir s'y prendre. Ils ne se rendaient pas compte à quel point elle était douée. Ah là là, ces préfets. Tous des empêcheurs de tourner en rond. On pouvait dire que Anne avait un sérieux problème avec l'autorité. Ce n'était pas totalement faux. Mais ce n'était pas non plus très important. Après tout, elle ne posait de problème qu'à ceux qui voulaient l'empêcher de faire ce qu'elle avait envie de faire.

« Oh oui, mais ils trouvent tout dangereux aussi. Ce n'est pas fun un préfet. Enfin, toi tu ne l'es pas, alors je peux garder mon skate pour le moment. Tu ne vas pas leur dire que j'en ai fait dans les escaliers hein ? Ça reste entre nous. »

Elle était convaincue que danser et chanter, même dans un escalier ne serait jamais problématique comme ce qu'elle faisait sur son skate. Il ne devrait donc pas avoir de problème de son côté. C’était le genre de comportement qui ne présentait aucun risque, et la jeune Gryffondor était même certaine que cela avait quelque chose d'ennuyeux. Mais si cela convenait à son camarade, elle n'allait certainement pas lui en vouloir d'être plus sage qu'elle. En fait, c'était tout à fait le genre de personne sur lesquelles elle aurait pu veiller.

« Je ne pense pas que ce soit très dangereux effectivement, même si tu le faisais dans un escalier. »

Elle était extrêmement curieuse de la raison pour laquelle il n'avait pas le droit de voler sur un balai. Ce n'était pas très drôle de ne pas pouvoir faire ce genre de choses. Cela avait fait partie des rares cours dans lesquelles Anne s'était vraiment amusée et si on lui demandait de choisir de refaire un cours, un jour, ce serait celui-là, surtout que la nouvelle prof avait l'air plutôt sympa. Cela dit, il devait avoir de bonnes raisons pour ne pas pouvoir le faire. Elle me pousserait certainement pas quelqu'un à se mettre en danger, elle ne l'avait pas fait pour sa cousine et elle ne le ferait pour personne.

« Comment ça se fait que tu peux pas en faire ? Ca ne te manque pas ? »

Il était sympa, celui-là. Anne en connaissait plus d’un qui aurait profité de faire du chaos et de la dénoncer immédiatement aux professeurs, mais pas lui. Cela le mettait d’office sur sa bonne liste, au moins. Il n’était pas question qu’elle se laisse piquer son skate, quoi qu’il advienne, mais elle préférait ne pas avoir à éviter les professeurs jusqu’à ce qu’ils oublient son comportement. En plus, il disait que ça ne lui faisait rien tant que ça ne lui causait pas de difficultés, mais concrètement, ça lui en avait causé un peu sur le moment, même s’il s’en sortait bien.

« Bah, question souci, tu t’es quand-même pris un skate dans la figure, c’est pas rien. Mais promis, je vais éviter de recommencer. »

Lui, visiblement, il était plutôt du genre tranquille et à ne pas faire de vagues. Ça ne dérangeait pas Anne. Il fallait de tout pour faire un monde. Et puis, elle le trouvait sympathique, ce garçon. Il était bienveillant, il n’avait apparemment pas l’intention de faire des histoires, et en plus, il n’était pas du genre rapporteur. C’était tout ce qu’il fallait à Anne pour qu’elle estime qu’il valait la peine qu’on le connaisse. Elle n’était pas très difficile, elle ne voulait juste pas qu’on l’empêche de s’amuser comme elle l’entendait. C’était généralement le problème avec les préfets, d’ailleurs, à se mêler de tout comme ça.

« Il n’y a pas de mal à être dans sa bulle. Mais si tu veux vivre des aventures extraordinaires, hésite pas à m’appeler, j’ai tout un tas d’idées. »

Elle leva un pouce avec enthousiasme. C’était certain, elle ne manquait pas d’idées pour se mettre dans les ennuis. En tout cas, elle n’aurait pas pu ne pas faire de vol. C’était tellement chouette de faire des cabrioles avec un balai. Mais quand il parla de crises, elle se dit que sa sécurité physique était peut-être en jeu et il n’y avait rien contre ça. On pouvait faire beaucoup de choses, mais si on se mettait vraiment en danger incontrôlable et qu’on risquait sa vie sans maîtriser la situation, ce n’était définitivement pas raisonnable. Anne était plutôt aventureuse, mais elle ne faisait rien qui ne dépasse son propre contrôle.

« Des crises ? Tu es malade ? J’espère que c’est pas un truc grave qui peut te tuer d’un coup, ce serait rude. Du coup, je comprends que tu préfères faire attention à ce que tu fais. »

Ce gosse ne semblait pas avoir envie de faire des folies dans sa vie. Il était plutôt tranquille comme garçon, mais ça n’empêchait pas qu’il soit plutôt sympa, et pas un rapporteur. Elle était contente qu’il n’aille pas raconter qu’elle faisait du skate dans l’escalier. Elle savait que ça pouvait lui valoir de s’en voir privée pendant un temps. Et elle n’avait guère envie que cela se produise. Mais son camarade était plutôt cool avec ça et elle lui en était reconnaissante. Restait qu’elle n’avait pas trop envie d’en blesser d’autres. Il faudrait quand-même qu’elle fasse attention un minimum. Ca serait au moins utile en ce sens.

« T’es cool. »

Il était vraiment beaucoup dans sa bulle. Si même parler à une personne comme il était en train de le faire avec Anne relevait de quelque chose d’extraordinaire, effectivement, elle risquait de l’emmener à un autre level, et ce n’était peut-être pas ce qu’il voulait. Dans tous les cas, elle trouvait qu’il faisait bien des efforts pour socialiser, s’il n’en avait pas l’habitude et c’était vraiment beau de sa part. Elle n’allait pas lui en imposer plus. De toute façon, c’était à lui de dire ce qu’il éprouvait et non à elle de lui imposer quoi que ce soit. Anne était plutôt du genre à soutenir les autres, généralement.

« Tu te débrouilles plutôt pas mal si ça peut te réconforter. »

Elle ne savait pas qu’il y avait des élèves autistes à Poudlard. Mais au fond, ce n’était pas surprenant. Ca ne touchait pas que les moldus, mais aussi les sorciers. Il n’était pas étonnant qu’il ait du mal à s’intégrer. La plupart des gens n’aimait pas les personnes qui disaient ce qu’elles pensaient de façon trop ouverte. Elles avaient tendance à penser que c’était blessant. Anne s’en fichait, pour sa part. Elle préférait quelqu’un de sincère plutôt que quelqu’un qui irait parler sur son dos et lui mentirait en front. Ca ne servait à rien ces gens-là. Mais lui, il avait l’air cool.

« T’en fais pas. Ce que pense les autres, on s’en fout. T’as tellement raison de dire ce que tu penses. La franchise, c’est une qualité, tu sais. Tu peux dire ce que tu veux, avec moi, tu ne me mettras pas mal à l’aise, t’inquiète. »

Maxwell disait souvent que, lorsqu'on rencontre une tribu de chimpanzés, le meilleur moyen pour s'adapter et être accepté par le groupe était de copier leur comportement. Ça leur donnait un sentiment de familiarité et démontrait que vous étiez capable de comprendre les règles et de vous y adapter. Anne eut un petit rire en songeant qu'elle était en train de comparer la plupart des gens à une bande de chimpanzés et elle se retint d'éclater de rire gratuitement sans aucune raison apparente en constatant que c'était probablement vrai pour la plupart. Elle secoua la tête avant de réagir à ce que Tao venait de dire.

« C'est plutôt futé comme attitude. En imitant le comportement des gens qui ne sont pas assez intelligent pour réussir à se mettre à ta place, tu t'arranges pour être accepté par le groupe. Au fond, c'est le meilleur moyen d'avoir la paix. Mais t'as pas besoin de jouer la comédie avec moi. C'est quand-même bien d'avoir des gens avec qui t'es pas obligé de faire semblant, non ? »

On disait souvent que toute vérité n'était pas bonne à dire, et au fond, ce n'était pas faux. Dans le cas des fameuses boucles d'oreilles, Anne répondrait très certainement à la personne concernée d'aller se faire voir. Ce n'était probablement pas la meilleure solution pour réagir face à la franchise et ça ne plairait probablement pas à son nouvel ami. Elle était un peu trop franche aussi, par moments. Mais dans un premier temps, elle décida de ne rien dire sur la remarque elle-même, mais de réagir plutôt avec un peu d'humour comme elle pouvait avoir l'habitude de le faire.

« T'as de la chance que je porte jamais de boucle d'oreille, alors », dit-elle avant d'éclater de rire. « En vrai, je comprends. Je vais pas dire que je le prendrais bien si tu me sortais que tu trouves mon skate moche ou un truc comme ça. Genre un truc dont je me sers quoi. Mais en général, je suis plutôt du genre à penser que personne a le droit de me dire ce qui est bien pour moi ou pas. Du coup, tu te prendrais sûrement un va te faire voir, mais je te garderai pas rancune pour autant. Du coup, c'est plutôt comment toi tu réagis quand une personne te râle après parce que tu l'as vexée un peu qui va compter. »

Il était un peu surpris qu'elle lui assure que rien ne pouvait vraiment lui poser de problème. Ce n'était clairement pas tout à fait vrai. Quand elle lui avait dit, elle pouvait mal réagir sur le coup et faire ensuite comme si de rien n'était, mais ça ne voulait pas dire que ce serait facile à vivre pour lui. C’était là tout le problème. Anne avait beau être populaire, elle ne faisait pas toujours réellement preuve de tact non plus. La seule différence, c'était que personne ne lui reprocherait son manque de tact, compte-tenu du fait qu’elle pourrait casser le nez du concerné et de plus, comme la personne la retrouvait de bonne humeur ensuite, il n'y avait généralement pas d'embrouille, ou alors s'il y en avait, Anne ne parlait plus à la personne et c'était réglé.

« En vrai, j'ai toujours pensé que personne avait le droit de juger mon apparence ou ce que j’ai dans mes affaires. Du coup, j'envoie chier ceux qui me jugent. Mais vu que toi, t'as l'air de donner ton avis mais tu t'en fous si la personne n'est pas d'accord avec toi, bah je saurai que tu dis pas ça pour que je change et je laisserai couler. Peut-être pas la première fois mais au final, peut-être même que je rigolerai. »

Il était toujours plus facile de parler de soi que de s'intéresser à ce que l'autre était. Quand on avait du mal avec les relations sociales, il était logique de se baser sur qui on était pour entamer la discussion. Ça facilitait grandement les choses pour quelqu'un qui n'avait pas de la capacité d'échanger et de communiquer facilement. Il en demeurait à ce qui lui paraissait naturel. Beaucoup de monde faisait ça et il était beaucoup plus facile de parler avec des gens qui avaient des expériences et des goûts commun avec vous. Tao avait réduit le contact à son plus simple fonctionnement et finalement, c'était un moyen pour pallier ses difficultés premières.

« T'as pas tort, mais même parler de toi, c'est déjà en début et un effort si c'est un truc qui est pas facile pour toi. Après en vrai, on s'en fout des gens qui peuvent pas comprendre. Moi, je serais contente que tu me parles de toi. Je suis curieuse des gens et j'aime bien comprendre comment fonctionnent les gens qui pensent pas comme moi. Ça me plaît bien. »

Elle comprenait mieux ce qu'il voulait dire par le fait de ne pas savoir communiquer. Il n'avait pas vraiment compris qu'elle lui avait fait une blague. En même temps, ce n'était pas une très bonne blague. Mais elle était comme ça, Anne, elle y allait franco et elle ne faisait pas vraiment attention au décorum. Pour autant, elle était capable de communiquer comme il le fallait quand c'était nécessaire. Mais elle ne le faisait que quand elle l'avait décidé. Elle eut un petit sourire malicieux quand il commença à philosopher sur le sujet avant qu'il ne se reprenne.

« Bah si jamais je te râle dessus, cherche pas à comprendre. J'ai un sale caractère et en vrai, y a rien besoin de savoir de plus. Toute façon, on sera amis quand même. Je râle comme je respire. »

Elle pouffa de rire avant de se rendre compte qu'ils avaient sensiblement la même façon de voir les choses en ce qui concernait l'influence que l'on pouvait avoir sur les personnes qui vous étaient proches. Anne avait tendance à penser que chacun avait le droit de faire ce qu'il voulait et que personne n'avait le droit de juger ses actions ou son comportement sauf peut-être les personnes qui faisaient volontairement du mal à quelqu'un d'autre. Mais ce n'était pas pareil. Ces personnes là, c’étaient vraiment des lâches qui ne méritaient pas qu'on se soucie d'eux.

« Bah tu vois, on pense pareil. T'as bien raison de vouloir faire les choses comme tu veux et il y a personne qui peut savoir ce qui est vraiment bon pour toi, à part toi-même. Bon, je suis pas sûre que de te balader sans chaussures, ce soit l'idée de l'année si tu veux pas choper un rhume. Mais en soi, si ça te fait plaisir d'être comme ça, bah je vois pas ce que ça change pour moi. Sauf si tu pues des pieds. Là ouais, ça peut changer quelque chose. Genre moi je vais éviter de me balader pieds poil après l'entraînement de Quidditch, ou tu vas morfler du nez », acheva-t-elle en éclatant de rire.

Anne savait qu'elle n'était pas vraiment comme les autres en ce qui concernait sa façon de voir les gens et de voir le monde. Elle avait un degré de tolérance de la différence dont elle savait que la plupart le trouvait beaucoup trop développée. Elle ne comprenait pourtant pas comment on pouvait mettre quelqu'un à part, simplement parce qu'il ne pensait pas comme vous. À moins d'avoir affaire à quelqu'un de malveillant qui causait du tort aux gens et leur faisaient du mal, elle ne voyait pas pourquoi qui que ce soit mériterait d'être seul parce qu'il était différent. Sauf si c'était ce dont il avait envie, bien-sûr, mais c'était pas pareil.

« Bah, tu vois, je suis peut-être bizarre moi aussi. Je pense pas comme tout le monde, je fais pas comme tout le monde. Mais tu sais, c'est un peu le cas de la plupart des gens. Personne n'est tout à fait comme les autres. Après, moi ça m'ennuie pas de serrer la main à quelqu'un. Mais quand je l'aime vraiment, je préfère lui faire un câlin. Et sinon, ce que je fais le plus, je check. C'est ce que je préfère. Chacun son truc non ? »

Elle ne pouvait s'empêcher de se dire que ça pouvait avoir certains avantages de ne pas se rendre compte quand quelque chose n'allait pas bien. Évidemment, vis-à-vis de ses plus proches amis, c'était pas marrant. Mais pour tout le reste du monde, ça ne faisait pas forcément de mal de ne pas se soucier plus que ça des règles sociales. De toute façon, du point de vue de Anne, la plupart n'en valaient pas la peine. Quelque part, elle pourrait facilement envoyer bouler aussi les relations sociales, pour peu que ce soit plus simple pour elle comme ça et elle n'était pas autiste pour autant.

« Ouais, je te le dirai, t'inquiète pas. Mais tu sais, quand je dis que je veux te connaître, c'est toi qui m’intéresses, pas juste les autistes en général. Qui tu es toi, y a aucun livre qui peut me le dire, il n'y a que toi. »

Ok, il fallait quand même l'admettre, retirer ses chaussures normales en plein milieu d'une conversation sans vraiment s'en rendre compte, c'était un peu étrange comme comportement. Ça ne faisait pas peur à Anne et elle n'avait pas non plus l'intention de se moquer de lui, mais elle devait reconnaître que ce n'était pas commun. En revanche, si elle ne le jugeait pas, elle était persuadée qu’il y en avait d'autres pour le faire et que ces personnes ne devaient pas être très sympas avec lui. Mais si elle les croisait, c'était clair qu'elle ne leur ferait pas de cadeau. Elle n'était pas du genre à laisser ses amis se faire embêter et c'était ce que Tao était en train de devenir.

« J'espère que quelqu'un les a retrouvés et va te les rendre. Parce que si on te les rend pas, celui qui les aura gardés aura pas intérêt à me croiser sur son chemin. Crois-moi », dit-elle avant d'éclater de rire lorsqu'il mentionna sa férocité. « Non, tu n'as pas compris. Il ne s'agit pas de violence. Mais disons que, quand on fait du sport, après, les pieds ne sentent pas très bons. »